Notre modeste
notule sur Witchar/Witgar a fait l’objet de très riches commentaires : outre B. Merdrignac, J. Quaghebeur et C. Garavaglia nous ont fait profiter de leurs connaissances du dossier, respectivement en Bretagne et en Italie. C’est sur l’aspect italien de la problématique que nous souhaitons revenir dans le cadre de cette nouvelle notule.
Tout d’abord, il faut écarter la référence de J.-C. Cassard, empruntée à J. Boussard, concernant le nom du gendre du duc de Spolète en 787 : il ne s’agit pas de Garnier (
Warnarus/
Warnarius), mais de Garin (
Goarinus/
Guarinus), comme il se voit dans
l’édition de l’acte en question par Muratori.
Le nom
Witgarius pour sa part aurait été porté localement avant l’évêque de Turin par un abbé de Novalaise, supposé avoir également occupé le siège épiscopal de Maurienne : un passage de la chronique de l’abbaye, qui résulte d’une interpolation déjà dénoncée par le premier éditeur de ce texte et confirmée par C. Cippola, mentionne
Domnus Vuitgarius episcopus comme le successeur de l’abbé
Asenarius. Plus loin dans le texte est inséré un acte d’oblation, celui du futur abbé
Amblulfus, alors enfant : cette oblation, précise le chroniqueur était intervenue « au temps du seigneur Witgar, évêque et aussi abbé » (
temporibus domni Witgarii episcopi atque abbatis) ; mais, dans l’acte lui-même, Witgar, représenté par le doyen Garnier, ne reçoit que le titre d’évêque (
Warnari, praesenti decano, ad vicem domini Witgarii episcopi), ce qui renforce le soupçon d’interpolation par le chroniqueur.
Or, deux abbés de Novalaise ont porté le nom d’
Amblulfus : le premier avait succédé vers 810 à Frodoin et gouverna le monastère jusque vers 837 ; le second était à la tête de l’abbaye vers 880. Comme l’a montré péremptoirement
M. De Jong, Samuel's image: child oblation in the early medieval West, Leiden, 1996, p. 102-104, à la suite de U. Ludwig, « Die Gedenklisten des Klosters Novalese. Möglichkeiten einer Kritik des Chronicon Novaliciense »,
Memoria in der Gesellschaft des Mittelalter (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 111), Göttingen, 1994, p. 49-55, l’oblation ne peut concerner le second de ces deux abbés ; ce qui permet en conséquence de dater l’acte en question des années 820-830.
Le binôme
Witgarius-
Warnarus, souligné par C. Garavaglia, est effectivement très intéressant, car il peut servir à renforcer l'hypothèse que cet évêque Witgar, connu aux années 820-830, est bien un Widonide. Nous ne disposons pas d'éléments probants pour affirmer qu'il s'agit de l’évêque de Turin ; mais la proximité des dates et des lieux ne s'y oppose pas.
Quant à savoir s’il s’agit du même personnage que l’abbé Witchar, qui constituerait dès lors le
missing link de son lignage entre la marche de Bretagne et l’Italie, la dose d'incertitude demeure trop forte pour pouvoir trancher et nous nous garderons bien ici de recourir à
l’ ‘hypothèse au carré’, voire ‘au cube’, si justement décriée par J. Poucet.
© André-Yves Bourgès
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