25 décembre 2021

Notes sur l’abbé Vital de Rhuys (XIe siècle)

 

Durant le 2e tiers du XIe siècle, la carrière abbatiale de Vital (Vitalis) a conduit ce dernier de Saint-Gildas de Rhuys à Sainte-Croix de Talmond, avant son retour à Rhuys. En effet, si le nom Vital paraît avoir été assez répandu à l’époque[1], particulièrement dans le milieu monastique, il convient de ne pas exagérer sa popularité et nous pouvons conclure avec une assez grande probabilité que nous avons affaire en l’occurrence au même personnage : son éviction de Rhuys est connue et c’est en tant que véritable « réfugié » qu’il fut accueilli vers 1044 dans le Talmondais[2], avant d’être bientôt appelé à diriger l’abbaye Sainte-Croix fondée à la même époque[3]. Par ailleurs, son retour en Bretagne est certain[4] et Vital avait retrouvé sa position d’abbé de Saint-Gildas aux années 1062-1066[5] ; il est mentionné pour la dernière fois es-qualité en 1067[6]. Les différents actes de la pratique mentionnant Vital, dont l’authenticité n’est pas discutée, ont ainsi permis à Ferdinand Lot de reconstituer une carrière assez mouvementée[7] ; mais cette dernière a peut-être comporté une autre étape, qui aura échappé à la sagacité de ce savant et depuis à l’attention des chercheurs : étape dont témoignerait l’histoire complexe de l’établissement monastique de Lannénec[8].

 

Lannénec, dépendance de Sainte-Croix de Talmond ou de Sainte-Croix de Quimperlé ?

Il faut partir de l’extraordinaire pseudo-charte de Guérec, duc de Bretagne (Guerech Dei gratia Britanniae Minoris dux), datée 458, qui figure à la fin de la vita de Ninnoc dans le cartulaire de Sainte-Croix de Quimperlé[9] :  ce prince donne et concède à la sainte la paroisse de Ploemeur (totam plebem que dicitur Pluemur)[10]  et la terre de l'église Sainte-Julitte, avec cette église elle-même, située en Rhuys (terram videlicet in qua est aecclesia Sanctae Julitae, cum eadem ecclesia que est in Reuguis) [11], ainsi que des redevances annuelles en sel, en vin et en froment pour l’entretien de l’établissement, à prendre sur la terre appelée Batz-Guérande (ad sustentandam quoque loci hujus quolibet anno procurationem, tres centos modios tam salis quam vini atque frumenti de terra que dicitur Bath Guerran similiter concedo)[12], le donateur se chargeant même de l’organisation du transport jusqu’à destination (eisque deferri usque huc navigio faciam). L’acte en question étant passé au lieu-dit Lannénec (Factum est hoc in loco qui vocatur Lann Ninnoc, in plebe Ploeumur), – cela est explicitement dit à deux reprises et l'hagiographe souligne en outre que le toponyme a été formé à partir du nom de la sainte (in loco qui ex ejus vocabulo dicitur Lann Ninnoc), – la plupart des chercheurs s'accorde à voir dans cette pièce controuvée la volonté des moines de Quimperlé de justifier leurs droits sur place[13] ; mais, au XVIIe siècle, Dom Placide Le Duc reconnaissait loyalement n’avoir pu établir positivement l'époque de la donation ou de la réunion de Lannénec à Sainte-Croix[14]. Au témoignage de cet auteur, son plus ancien prieur connu, anonyme, était mentionné dans le nécrologe de l’abbaye quimperloise à propos d’un obit de 1136[15], ce dont nous pouvons sans doute déduire la dépendance de Lannénec à cette date. En 1427, on note que le prieur du lieu, toujours anonyme, déclare un métayer exempt de fouage ; mais ce dernier demeure et exploite d’autres terres à Guidel, ce qui n’est pas sans poser un problème aux commissaires-enquêteurs[16]. Puis il faut attendre 1441, avec la mention en qualité de prieur de frère Jean Trevarré[17], lequel, en 1446, revendique également l’exemption de son métayer[18] ; attesté à nouveau en 1448[19] et 1458[20], suivi par Jean Prévost, mentionné en 1475[21] et qui mourut en 1479[22]. A partir du XVIe siècle, la généralisation du régime de la commende favorisa ici comme ailleurs la compétition entre candidats, venus souvent d’horizons divers[23] ; mais, si à la fin de l’Ancien régime, la collation papale se faisait surtout au profit de l’aristocratie cléricale italienne incarnée en l’occurrence par la famille Lante della Rovere, dont trois membres furent successivement prieur commendataire de Lannénec[24], ce bénéfice avait été auparavant attribué à plusieurs reprises au chambrier de l’abbaye[25], permettant à celle-ci de conserver un lien fort avec sa dépendance.

A quelle époque a été composée la  pseudo-charte de 458 et plus généralement la vita de Ninnoc ? Son terminus ad quem doit être évidemment fixé au moment de la compilation du cartulaire, soit les années 1120 comme nous l’avons dit ; au demeurant, un acte passé sensiblement à la même époque[26] fait état de la donation à l’abbaye de plusieurs domaines en Ploemeur (Caer An Croes, Caer Riguallon, Caer Haeliou, Caer Guen Munuc, Caer Conhouarn, Caer Chruht, Caer Cuelen, Anuuorhic)[27], ainsi que de la dîme de dix-sept villages de cette paroisse (de Ploeumur decima XVII villarum).

Quant à son terminus a quo, il est tentant de penser qu’il est contemporain de la fondation du monastère ; mais, comme l’a fait remarquer Karen Jankulak[28], la vita de Ninnoc

« … is not placed among the documents assembled at the head of the Cartulary or the group of foundation charters which begin the Cartulary proper, but is integrated among the more or less topographically organised charters. St Ninnoc was considered worthy of either the creation or the copying of a fully articulated saintly biography, but her cult was clearly of limited interest to Gurheden. Above all, one might argue, the sites of her cult were far from the site of Sainte-Croix; she could not be said to have founded Sainte-Croix or any previous church on its site »[29].

Plus précisément la vita de Ninnoc figure dans le cartulaire en tête d’une série de chartes « nantaises » [30]. Or, on a vu que la pseudo-charte de Guerech rapportait, entre autres donations, des redevances annuelles en nature à venir de Batz-Guérande : ne serait-ce pas l’appartenance du lieu au diocèse de Nantes qui a conduit le compilateur à insérer la vita à cette place, afin d’en faciliter l’appropriation par les moines de Sainte-Croix ? Auquel cas sa composition n’aurait peut-être pas eu à l’origine de rapport avec la fondation de l’abbaye et pourrait en conséquence s’avérer antérieure à celle-ci ; mais un indice ténu permet de maintenir un lien entre Quimperlé et Ninnoc : en effet, l’hagiographe nous apprend que la sainte avait été baptisée par le fameux Colomba, alias Columcille (S. Columchille qui eam baptisavit et imposuit ei nomen, ut predictum fuerat ab angelo, id est Ninnoc Guenngustle). Or, on voit qu’à la fin du Moyen Âge, l’église paroissiale de Quimperlé était placée sous l’invocation d’un saint Colombier, lequel, avant que le non moins fameux Colomban ne vienne le supplanter au XVIe siècle[31], paraît avoir été lui-même le substitut de Colomba[32].

Si la revendication de Lannénec par les moines de Sainte-Croix a peut-être précédé leur possession du lieu, si la vita de Ninnoc elle-même a pu préexister à cette revendication, – sans préjuger de l’existence de traditions plus anciennes qui auraient rattaché le personnage à Quimperlé par le biais du culte de Colomba, assez peu répandu en Bretagne, – il est certain que Lannénec dépendait de l’abbaye quimperloise à la fin du Moyen Âge et probable que cette dépendance remontait au moins au premier tiers du XIIe siècle. Or, on voit par  un acte d'échange du 24 septembre 1494 que l’abbaye Saint-Croix de Talmond prétendait elle-aussi posséder le prieuré de Sainte Ninnoc, au diocèse de Vannes (dicti prioratus Sancte Ninoche prefati ordinis, dicte Vennetensis dyocesis), qu’elle céda à cette date à Saint-Gildas de Rhuys contre le prieuré Saint-Nicolas de la Barre-de-Monts[33] : ainsi donc, sous réserve qu'il ne s'agissait pas d'un prieuré distinct, ce qui ne paraît guère vraisemblable, il faudrait supposer que Lannénec ait été transmis par l'abbaye de Quimperlé à celle de Talmond entre 1479 et 1494 ; puis, échangé au profit de celle de Rhuys, qui l'aurait par la suite rétrocédé à Sainte-Croix de Quimperlé, avant que le prieuré ne passe finalement sous le régime de la commende. Une autre hypothèse, plus parcimonieuse, préconise qu'au-delà de possibles confusions entre les deux abbayes Sainte-Croix, fondées à la même époque[34], les moines de Quimperlé, dès leurs débuts, ont cru, à l’instar de ceux de Talmond, qu’ils étaient en possession de Lannénec : ce quiproquo pourrait résulter d’un transfert de chartes opéré par Vital lors de son retour en Bretagne, comme cela devait être lui reproché par son successeur, Evrard, dans des circonstances assez similaires[35] ; mais surtout cela impliquerait que la carrière de notre personnage avait connu une étape supplémentaire à Quimperlé, dont l’un des tout premiers abbés (le deuxième ? Le troisième ?) se nommait en effet Vital[36]. En tout état de cause, Saint-Gildas de Rhuys aura fait un véritable marché de dupe en échangeant son prieuré poitevin contre l'établissement breton, car les titres de Sainte-Croix de Quimperlé ont apparemment permis à cette dernière de conserver sans discussion ses droits sur Lannénec, notamment la collation du prieuré lors de sa vacance[37].

 

Vital et « l’affaire Goustan »

Le texte publié par Ferdinand Lot sous le titre vita et translatio Gildae[38] contient, un passage où il est question de l’abbé Vital : on voit ce dernier réclamer auprès de l’évêque de Poitiers, Isembard, contre les religieux du prieuré Saint-Philibert de Beauvoir[39], dépendance de l’abbaye de Tournus, afin d’obtenir que lui soit rendu le corps d’un de ses propres moines, Goustan, mort sur place[40].  Sur les raisons du déplacement de ce personnage, l’hagiographe évoque l’intérêt du monastère de Rhuys : nous n’en apprendrons pas plus de sa part à ce sujet ; mais nous rappellerons que la production de sel dans les parages a longtemps constitué un enjeu économique majeur. Par ailleurs, il précise que Goustan mourut un 27 novembre, dans la maison des moines de Maillezais[41]. Cette dernière information est manifestement destinée à discréditer l’abbaye de Tournus, dont les représentants locaux auraient alors littéralement volé à ceux de Maillezais la dépouille mortelle de Goustan, afin de capter les offrandes qui déjà accompagnaient sa canonisation populaire[42] ; mais cette fois, notre auteur en a trop fait, car il ne semble pas que l’abbaye de Maillezais ait jamais disposé d’un établissement à Beauvoir[43]. Le prieuré Saint-Pierre-les-Champs, qui leur est parfois attribué, est mentionné au XIVe siècle dans le cartulaire poitevin, dit le « Grand-Gauthier » ; mais il relevait de Marmoutier. Au reste, l’époque de la fondation de cet établissement n’est pas connue : on peut seulement constater qu’il n’est pas mentionné dans les chartes de 1105 et 1128, ni dans la bulle du 11 janvier 1136 relatives à la grande abbaye tourangelle[44].

Par ailleurs, il faut noter combien l’hagiographe s’est fourvoyé s’agissant des circonstances de l’arbitrage effectué par Isembard, lesquelles nous sont bien connues grâce à l’ordonnance rendue par l’évêque de Poitiers en cette occasion : ayant rappelé qu’aussitôt après la mort de Goustan à l’ « hospice » de Beauvoir, le corps de ce dernier avait été porté au monastère de Saint-Philibert, le prélat rapporte qu’au mépris de ses propres injonctions, les moines de Saint-Gildas, loin de chercher à récupérer la dépouille de leur frère, avaient au contraire pris prétexte de la vénération populaire dont celui-ci faisait l’objet pour élever sur place, au détriment de ceux de Saint-Philibert, une église destinée à accueillir sa sépulture[45]. Du coup, Isembard ordonne que l’édifice en question soit remis à ces derniers pour y exercer exclusivement le culte, sauf à ce qu’eux-mêmes lèvent cet interdit, et enjoint à nouveau aux moines de Saint-Gildas de rapatrier le corps de Goustan à Rhuys, ou du moins de le transporter au lieu qu’il leur a déjà désigné[46].

Le traitement de « l’affaire Goustan » a encouragé Lot à formuler une intéressante hypothèse, rapidement transformée en certitude :

« La précision des détails du dernier chapitre, la manière dont l'abbé Vitalis est mis en scène donnerait lieu de supposer que l'auteur de la Vita Gildae n'est autre que Vitalis lui-même.

Une remarque transforme cette hypothèse en certitude ou quasi-certitude.

Mommsen a observé que l'auteur de la Vita Gildae était visiblement le même que l'auteur d'une rédaction de la Vita Pauli Aureliani. Il n'identifie pas cet auteur. Mais nous savons son nom grâce à un passage de la Vita Gauzlini, c'est- à-dire de l'abbé Josselin, le maître de Félix, due à André de Pleury : ‘’alter etiam actu et nomine Vitalis vitam egregii Pauli, incliti Britannorum presulis, censura providi correxit acuminis’’.

Un autre maître de l'érudition écrit à propos de ces lignes : ‘’On ne peut douter que ce ne soit l'œuvre de Vital. Les mots censura providi correxit acuminis sont parfaitement justifiés par le travail auquel l'auteur de la vie imprimée par les Bollandistes [Acta Sanct., mars, t. II, 111-120] dit s'être livré sur une vie plus ancienne composée en Bretagne’’.

Vitalis, second abbé de Ruis restauré, est donc l'auteur de la Vita Gildae »[47] .

 

En fait plusieurs éléments ne permettent pas de recevoir cette conclusion sans discussion.

D’abord, le propos de l’hagiographe s’agissant du rôle de Vitalis dans l’affaire Goustan peut résulter soit d’une incompréhension, soit d’une tentative d’enfumage : si l’on retient la première possibilité, cela dénote chez l’auteur de ce passage un manque complet d’entendement, ou, si l’on retient la seconde possibilité,  une forte propension au mensonge ; mais, dans les deux cas, le portrait du personnage s’avère peu flatteur et bien éloigné de celui de l’écrivain dont André de Fleury vante « l’esprit pénétrant et éclairé » dans sa vita Gauzlini[48]. De plus, nous savons que ce dernier ouvrage a été composé au tout début des années 1040, en 1042 selon ses derniers éditeurs[49], peut-être en 1041, selon leur prédécesseur[50] : à cette époque Vital déjà avait succédé à Félix, mort en 1038, à la tête du monastère de Rhuys. « Or, si Vitalis de Fleury et Vitalis de Ruis sont un seul et même personnage, il est surprenant qu'André, qui relate l'envoi de Félix et de Teudon en Bretagne, ne souffle mot du départ pour ce pays du biographe de S. Paul Aurélien » [51].

Ensuite, la comparaison stylistique entre le remanieur de la vita Pauli Aureliani [BHL 6586] et l’auteur de la vita Gildae ne permet pas, aux yeux des spécialistes, de conforter l’hypothèse qu’il s’agit du même hagiographe. Comme le souligne Joseph-Claude Poulin :

« Un même auteur aurait-il su renouveler jusque dans les détails sa façon de raconter des scènes analogues ? Plus étonnant encore est le fait que le Vital remanieur de la Vita Pauli a eu très régulièrement recours à la prose rimée – ce que son modèle ne lui suggérait pas de façon aussi soutenue – alors que le Vital rédacteur de la Vita s. Gildae la pratique peu par comparaison. Autant le premier est friand d’ablatifs absolus, qu’il multiplie par dizaines, autant le second accorde plutôt sa faveur aux interventions répétées en discours direct. L’ensemble de ces motifs de forme nous incite donc à préférer la position des éditeurs de la Vita Gauzlini, qui distinguent deux moines homonymes de Fleury : celui qui s’est intéressé à Paul Aurélien a pu travailler dans le premier tiers du XIe siècle ; l’autre, mort abbé de Rhuys après 1067, s’est occupé plus tard du cas de Gildas »[52].

C’est ainsi que Poulin est amené à établir une distinction subtile, qu’au reste la chronologie n’impose pas de manière absolue, entre un « Vital l’Ancien » et un « Vital le Jeune », dont l’intérêt pour l’hagiographie bretonne serait l’unique point commun[53].

Enfin, si nous pouvons admettre que Vital a terminé sa carrière et sa vie à l’abbaye de Rhuys, reste posée la question de son « origine » monastique et de son éventuelle activité hagiographique. Était-il déjà membre de la communauté locale lorsqu’il fut appelé à en prendre la tête, sans doute à la mort de Félix en 1038 ? Ou bien venait-il d’un autre monastère, de Bretagne ou d’ailleurs ? La plupart des auteurs s’accorde à reconnaître en lui un moine de Saint-Benoit de Fleury, – ce qui n’est pas évident, attendu le silence du moine André à son sujet, – comme l’avait été son prédécesseur Félix ;  mais, au contraire de ce dernier, il ne serait point nécessairement breton, puisque la réfection de la vita Pauli Aureliani qu’on lui attribue est présentée par son auteur comme purgée des excès de la garrulitas britannica. Cependant, on vient de voir que cette double conjecture constitue une hypothèse au carré, à partir de l’identification de l’abbé Vital de Rhuys, supposé hagiographe de Gildas, avec le moine Vital de Fleury, hagiographe avéré. En fait, rien n’empêche de conjecturer que ce dernier était breton d’origine et que, précisément, sa connaissance de la langue bretonne lui avait été d’un grand secours quand il s’était efforcé d’améliorer la verbosité de Wrmonoc. En revanche, cette appartenance bretonne ne constituait pas nécessairement un passeport pour Rhuys. Quant à l’abbé homonyme de ce dernier monastère, Breton ou pas, nous ne sommes nullement assuré de son activité hagiographique, car l’ouvrage composite qu’on lui attribue ne donne, contrairement à l’affirmation de Lot, aucun indice véritable sur son ou ses auteurs. En outre, rien n’empêche de reconnaître en lui un moine d’une autre abbaye bénédictine que Fleury, et même d’une abbaye bretonne où l’influence de Fleury était patente : ce pourrait être le cas de Redon, s’il s’agit bien du monastère dont Teudon avait été nommé abbé, à moins qu’il ne s’agisse plutôt de Saint-Melaine de Rennes.

 

André-Yves Bourgès

 



[1] Ce nom a également été porté par différents personnages décorés du titre de saint. Plusieurs d'entre eux sont célèbres : Vital de Milan, supposé le mari de sainte Valérie et le père des saints Gervais et Protais (Ier siècle) ; Vital martyr à Bologne (avec Agricola) au début du IVe siècle ; Vital de Gaza (en Palestine) qui au VIIe  siècle s'adonnait à la conversion des prostituées et dont les méthodes parurent scandaleuses à ses contemporains ; Vital, établi au VIIIe  siècle dans l'ermitage dont le nom de la commune actuelle de Saint-Viau (Loire-Atlantique) a conservé le souvenir ; enfin Vital de Mortain, fondateur au début du XIIe  siècle de l'ordre et du monastère de Savigny (Manche).

[2] Cartulaire de l'abbaye de Talmond, Poitiers, 1873, p. 5 (ch. 2) : Ego Willelmus, Talemontis dominus, Vitali abbati qui, abbatia Sancti Gildasii cui praeerat, monachorum suorum importunitate atque inobedientia ejectus, a me sibi locum aliquem dare in quo Deo juxta propositum deservire posset expostulans accesserat, cujus moralitatis atque sanctitatis fama, non solum apud habitatores vicinarum, verum etiam remotarum provinciarum perlucebat,  consilio atque instinctu conjugis, necnon filiorum meorum Willelmi atque Pippini atque procerum meorum, ecclesiam Sancte Marie in Holona dedi ab omni consuetudine solutam.

[3] Ibidem, p. 7 (ch. 3) : Post non multum vero temporis, venerandum virum domnum videlicet Vitalem, abbatem S. Gildasii monachorum, et huic prefeci monasterio, et ea que pater meus eidem viro venerabili in Holona dederat, ipse predictus Vitalis abbas sepedicto tunc me annuente contulit loco.

[4] Charles Métais (éd.), Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme, Paris-Saintes, 1893 (archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, 22), p. 59.

[5] Aurélien de Courson (éd.), Cartulaire de l'abbaye de Redon, Paris, 1863, p. 384 (Appendix, ch. 61) ; nous avons retenu la datation proposée par Hubert Guillotel.

[7] Ferdinand Lot, Mélanges d’histoire bretonne (VIe-XIe siècle), Paris, 1907, p. 230-239.

[8] Le village de Lannénec est situé dans la commune de Ploemeur (Morbihan) ; l’étang de Lannénec, quant à lui, s’étend principalement sur celle de Guidel (Morbihan).

[9] Léon Maître et Paul de Berthou (éd.), Cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé (2e édition revue, corrigée et augmentée), Rennes-Paris, 1904, p. 64-65 ; Cyprien Henry, Joëlle Quaghebeur et Bernard Tanguy (éd.), Cartulaire de Sainte-Croix de Quimperlé, Rennes, 2014 (Sources médiévales de l’histoire de Bretagne, 4), p. 328-331. Toutes nos transcriptions ont été vérifiées sur cette édition en fac-simile.

[10] Ploemeur dont l’ancien territoire paroissial a été amputé au profit de Lorient, quand ce port s’est développé à partir du début du XVIIIe siècle, et, beaucoup plus récemment, pour former la commune de L’Armor-Plage en 1924.

[11]  Erwann Vallerie, « La mère de saint Patern a-t-elle fait l’objet d’un culte au pays de Vannes ? », Britannia monastica, 6 (2002), p. 137 : « La localisation géographique est assez précise pour que l’on comprenne que cette église de Sainte-Julitte est nécessairement l’église paroissiale d’Ambon » (Morbihan).

[12] Aujourd’hui la commune de Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique).

[13] Cyprien Henry, « La rade avant Lorient : l’installation des moines de Quimperlé sur l’île Saint-Michel », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 93 (2015), p. 46, n. 71 : « Le rattachement de Lannénec à Sainte-Croix n’est déduit, dans le cartulaire, que par l’insertion de la vie de sainte Ninnoc aux fol. 106-117 ; l’analyse codicologique du manuscrit permet d’être sûr qu’il ne s’agit pas d’un ajout postérieur, et c’est donc bien dans la campagne de rédaction des années 1120 que le cartulariste a copié cette vie dans l’ouvrage, preuve que l’établissement avait déjà à cette date été rattaché à l’abbaye quimperloise ».

[14] René-François Le Men (éd.), Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé par Dom Placide Le Duc, Quimperlé, s.d. (1881), p. 259.

[15] Ibidem, p. 258-259.

[16] René de Laigue, La noblesse bretonne aux XVe et XVIe siècles. Réformations et montres, t. 1, (Évêché de Vannes), Rennes, 1902, p. 491-492.

[17] Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, p. 324-325.

[18] R. de Laigue, La noblesse bretonne…, p. 495.

[20] Ibidem, p. 340-341.

[21] Ibid., p. 355.

[22] Ibid., p. 362.

[23] Exemples : le 19 mars 1572, résignations de Jean Le Météour, prêtre du diocèse de Vannes, recteur de Bouillé, diocèse d'Angers, et de Pierre Vincent, prêtre du diocèse de Poitiers, en compétition pour la possession du prieuré de Lannénec, dont la collation se fait le 5 septembre 1572 au profit de Pierre Thébault.

[24] Sur la démission du cardinal Frédéric Lante en 1771, qui avait lui-même succédé dans ce bénéfice à Emile Lante (mort en 1765), Antoine Lante, prêtre romain, inquisiteur général en l'ile de Malte fut pourvu la même année du prieuré de Lannénec, dont il conserva la commende jusqu’en 1791.

[25] Le 13 mars 1582, frère Jacques de Quenec’hquevilly, chambrier de l’abbaye depuis 1573, se voit conférer le prieuré de Lannénec par François Séné, chantre et chanoine de Vannes et grand vicaire de l'abbé ; mort le mort le 30 juin 1596, son successeur dans cet office fut frère Jacques Provost, mentionné es-qualité la même année et qui, en tant que prieur de Lannénec, vendit le 1er septembre 1606 à Jean Riou, sieur de Kermelo 7 tonneaux et demi de froment provenant de son prieuré.

[26] Cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, p. 211-212 ; Cartulaire de Sainte-Croix de Quimperlé (fac-simile), p. 295-296.

[27]  Selon M. Louis Goulpeau, il s’agit respectivement, pour les quatre premiers, des toponymes Kergroise, Keryvaland, Quéhellio-Sachoy et Kervénanec, aujourd’hui dans la commune de Lorient, et, pour les deux derniers, de Kerguelen et de Bourigo dans la commune de Larmor-Plage ; Caer Conhouarn et Caer Chruht n’ont pu être identifiés.

[28] Karen Jankulak, « Breton vitae and political need in the Cartulary of Sainte-Croix de Quimperlé », Pamela O'Neill et Jonathan M. Wooding (éd.), Literature and politics in the Celtic world: papers from the Third Australian Conference of Celtic Studies, Sydney, 2000 (Sydney Series in Celtic Studies 4), p. 218–247.

[29] Ibidem, p. 230-231.

[30] Comme l'écrivent les éditeurs du Cartulaire, « les chartes LXXC-LXXXI et LXXXIX intéressent particulièrement le diocèse de Nantes ».

[31] St-Colombier ou St-Colomban de Quimperlé : Saint Colombier en 1460 ; Sainct Coulombier, Sainct Columbier en 1488 ; Sainct Colomban en 1539 ; Sainct Columban en 1561 : ces différentes formes nous ont été communiquées en son temps par le regretté Bernard. Tanguy. Ajouter le texte des « réformations des fouages de Quimperlé et de Loctéa » qui cite en 1427 « la paroisse de Sainct-Colombier en la Chastlenye de Kemperlé » : voir René de Laigue, « Saint Gurlois », Bulletin de l’Association bretonne. Soixante-deuxième congrès tenu à Quimperlé du 3 au 5 Juillet 1928, tome 40 (1929), p. 3.

[32] Un compte des dépenses ducales par Auffroy Guinot pour les années 1430-1433 mentionne « la feste de St Coulombier à Kemperlé » : voir Pierre Haycinthe Mémoires pour servir de preuves à l’histoire… de Bretagne, t. 2, Paris, 1744, col. 1232. L’édition plus étendue donnée par Michael Jones, « Les comptes d'Auffroy Guinot, trésorier et receveur général de Bretagne, 1430-1436. Édition et commentaire », Journal des Savants (2010), n° 1, p. 45 et n. 176, permet d’établir que Colombier était fêté localement après le 13 mai mais avant le 14 juin ; or, comme le rappelle M. Jones, le dies natalis de Columcille tombait le 9 juin.

[33] Cet acte, conservé aux archives départementales de la Vendée, a été signalé par Georges Loquet, L’abbaye Sainte-Croix de Talmond (Vendée), La Roche-sur-Yon, 1895, p. 98, n. 1. ; Julien Rousseau, Saint Goustan, moine de Rhuys et de Beauvoir, Fontenay-le-Comte, 1940, p. 30, l’a analysé et en a publié les extraits les plus significatifs.

[34] Leurs fondations respectives sont rapportées ensemble à la même date (1046) dans le Chronicon Sancti Maxentii Pictavensis, ms Paris, BnF, lat. 4892, f. 200,  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8540962m/f417 (consulté le 25 décembre 2021) : Similiter in Britannia minore et in provincia Cornubie monasterium Sancte Crucis Diemperelensis inchoatum est. Illud quoque Sancte Crucis Talemonensis eodem tempore inceptum est a domino ipsius castri.

[35] Cartulaire saintongeais de la Trinité de Vendôme, p. 59 : Interrogavit autem dux Gosfridus eumdem abbatem Ebrardum, utrum testem aut chartam inde haberet. Deinde abbas idem se inde non habere testem aut chartam respondit; Vitalem enim abbatem, suum antecessorem, chartam secum asportasse in Britanniam conquerebatur ; mais cette version fut aussitôt contestée par un clerc nommé Thébaud : Mox autem ibi assurgens quidam clericus, nomine Tetbaldus, grammaticus, de ablatione illius charta ab Vitale abbate in Britanniam, falsissimum esse ita significavit. Testificatus est enim ibidem idem Tetbaldus se audivisse, Vitalem abbatem confessum fuisse se vel suum monasterium chartam inde nullam habere, vel habuisse ante ducem Guillelmum, fratrem et antecessorem istius ducis Gostridi, quando idem dux Guillelmus, de ista eadem re, placitum cum ipso abbate Vitale in sala de Thalamonte faciebat, judicatumque ibi et affirmatum fuisse abbatem Vitalem incertam rem et non idoneam quærere, ideoque rectum non habere. Sur le fond, les droits de Sainte-Croix de Talmond sur Olonne qui sont en discussion ici paraissent avoir été indiscutables ; mais, sur la forme, l’affaire, mal engagée, avait connu différents rebondissements fort intéressants à connaître : malheureusement, leur récit dépasserait de beaucoup le cadre de la présente notule.

[36] Cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, p. 152-153 (ch. 11 et 12) et p. 289 (noms des abbés du lieu) ; Cartulaire de Sainte-Croix de Quimperlé (fac-simile), p. 237 -238 et p. 403. Vital est mentionné à la troisième place dans la liste abbatiale dressée par Gurheden, qui évoque le pouvoir miraculeux de ses reliques : Post hunc autem Vitalis abbas a nullo inquietatus in eadem sede per IX laudabiliter viguit annos, cujus ossa multos sanitati infirmos restituunt ; mais Gurheden a travesti la réalité à plusieurs reprises pour donner plus d’ancienneté et plus de lustre à son monastère. Dom Le Duc, Histoire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, p. 83, indique à propos de Vital que « l'on ne trouve point son nom dans le nécrologe » du monastère, ce qui peut laisser à penser qu’il n’est pas mort sur place.

[37] Du moins pendant les quatre mois attribués au collateur ordinaire, les huit autres mois étant réservés au Pape.

[38] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 433. Si la première partie de l’ouvrage mérite effectivement le titre de vita, car l’histoire de Gildas y est rapportée tout au long, l’intitulé de la seconde partie (translatio) nous semble d’autant plus trompeur que le récit de la translation des reliques du saint et de leur redécouverte occupe seulement la fin du chapitre XXXII, ainsi que les quelques lignes ad hoc qui forment le chapitre XXXIII. Au reste, ce dernier présente tous les caractères d’une interpolation, ou du moins d’un remaniement, de l’avis même de Lot (Ibidem, p. 461, n. 4), lequel fournit à cette occasion de nombreux éléments permettant de supposer l’existence d’un récit de translation distinct, véritable « mode d’emploi » des reliques conservées à l’abbaye Saint-Sauveur-et-Saint-Gildas de Déols (ibid., p. 224-229) ; mais si un tel ouvrage a jamais existé, il a disparu, à l’instar du monastère pour lequel il aurait été écrit.

[39] Aujourd’hui la commune de Beauvoir-sur-Mer (Vendée), à proximité immédiate de La Barre-de-Monts, dont il a été question plus haut.

[40] Mélanges d’histoire bretonne, p. 473 : Igitur cum ad monasterium ejus haec nuntiata fuissent, Vitalis abbas illuc perrexit et ut corpus monachi sui sibi redderetur humiliter rogavit. Sed illi, non sancti viri dilectione, sed potius amore pecuniarum quae quotidie ad ejus undique deferebantur sepulchrum, nullum reddiderunt responsum. Ille ad episcopum Pictavensem Isembardum abiit, clamorem ferens de injuria ablati sibi corporis monachi sui. Episcopus, quia inobedientes praeceptis suis ipsi monachi fuerant, praecepit eos cum suo abbate ad synodum suam venire, abbatem etiam Vitalem praecepit adesse. Cum ergo venissent et in synodo utrique eorum causam dixissent, episcopus praecepit abbatibus atque canonicis nobilibus qui aderant, ut (le texte s’interrompt ici dans les différents manuscrits et éditions).

[41] Ibidem, p. 472 : Defunctus autem est quinto kalend. Decembris apud Bellumvidere castrum, ubi pro utilitate monasterii sui venerat, in domo monachorum sancti Petri Maliacensium.

[42] Ibid., p. 473 : Videntes itaque monachi sancti Philiberti multa ornamenta, pecuniam quoque copiosam et cereorum diversam multitudinem circa corpus viri Dei aggregari, persuaserunt omnibus qui convenerant ut ad ecclesiam suam sanctum corpus deferrent. Sed, resistentibus monachis in quorum hospitio defunctus fuerat, famulis etiam contradicentibus ne ab illa domo moveretur donec illud possent ad suum reducere monasterium, illi e contrario, concitata multitudine, rapientes illum de domo illa cum omni apparatu suo et luminibus ad ecclesiam suam deportaverunt et immensam quae offerebatur per triduum pecuniam colligentes, post tertium diem sepelierunt eum.

[43] Julien Rousseau, « Les anciens monastères de Beauvoir-sur Mer », Revue du Bas-Poitou et des provinces de l'ouest, t. 55 (1942), n°3, p. 214-215. Le Grand-Gauthier

[44] Ibidem, p. 213-214.

[45] Charte Artem/CMJS n°3274, http://telma.irht.cnrs.fr/outils/originaux/charte3274/ (consulté le 25 décembre 2021) : Quidam igitur Sancti Gildasii ut a quibusdam dicebatur religiosus monachus quondam apud Bellum Videre hospitio susceptus et mox urgente infirmitate post paucos dies defunctus, in eadem villa in monasterio beati Philiberti populo triumphante est collocatus. Ex quo siquidem loco nostra tali licentia sancti Gildasii monachi illum abstrahere debuerunt, ut vel ad suum cenobium deportarent, vel in loco ab omni calumnia sancti Philiberti monachorum inmuni reponerent, et ibi pro posse seu pro velle suo ecclesiam edificarent. Illi vero preceptis nostris non usquequaque obedire volentes, ex eodem castro monachum suum educere non curaverunt, sed in ipso castro in hereditate sancti Philiberti suis monachis a veteribus et a modernis rite concessa et in ejus parrochia favore ejusdem castri principis ad hoc multo precio conducti beati Philiberti monachis calumpniantibus sepelire et ecclesiam edificare non timuerunt.

[46] Ibidem : Propter quod canonice censuimus a loco illo monachum defunctum moveri, et vel ad suum monasterium deferri vel in tali loco qualem supra disseruimus deponi, et illud totum edificium pro hac causa suscitatum monachis sancti Philiberti absque omni contradictione dimitti, in qua ecclesia nisi beati Philiberti monachos, imperpetuum omnes divinum officium interdicimus celebrari, excepto si ipsi monachi quibuslibet hoc interdictum voluerint relaxari. Isembard n’a pas mentionné le nom du lieu en question.

[47] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 234-235.

[48] Robert Henri Bautier et Gillette Labory (éd. et trad.), Vie de Gauzlin, abbé de Fleury. Vita Gauzlini, abbatis Floriacensis monasterii, Paris, 1969 (Sources d'histoire médiévale, 3), p. 37.

[49] Ibidem, p. 13.

[50] Paul Ewald, « Reise nach Italien im Winter von 1876 auf 1877 », Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, vol. 3 (1878) p. 349-350.

[51] Louis Gougaud, « Les relations de l'abbaye de Fleury-sur-Loire avec la Bretagne armoricaine et les îles Britanniques (Xe et XIe siècles) », Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. 4 (1923), n°1, p. 8.

[52] Joseph-Claude Poulin, L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009 (Beheifte der Francia, 69), p. 297.

[53] Ibidem, p. 454.