21 janvier 2024

Émilien alias Émiland de Bourgogne, Millán de la Cogolla (Rioja) et Émilion du Bordelais

 L’étude de ces trois saints portant en latin le même nom d’Aemilianus, – outre qu’elle met en évidence les tentatives de récupération d’Émilien alias Émiland et d’Émilion par les historiens de la Bretagne, présente un intérêt particulier en raison des coïncidences de leurs dossiers littéraires, au-delà des seules questions d’homonymie [1].

Ces points de contact méritent d’être approfondis : en effet, dans le domaine de la littérature hagiographique, les coïncidences peuvent être indicatrices/révélatrices d’influences, pouvant aller jusqu’au plagiat ; mais, avant de procéder à cette vérification, il nous a semblé intéressant d’éprouver une nouvelle fois les limites du laborderisme hagiologique dans l’approche du Haut Moyen Âge breton[2].

Prologue 

Arthur de la Borderie est en effet revenu, au soir de sa vie, sur le cas d’un certain Émilien, supposé évêque de Nantes au VIIIe siècle ; ainsi écrit-il dans le premier tome de son Histoire de Bretagne :

Dans le temps [1859] où l'on s'efforça de remettre en honneur la prétendue croisade du prétendu Émilien, j'étais à Nantes et je cédai à l'opinion courante qui menait alors grand bruit. Depuis, ayant étudié de près la question, il m'est impossible d'y persister [3].

Il faut dire que cette année-là La Borderie, sous son pseudonyme habituel de Louis de Kerjean, avait mis le paquet en rendant compte sur un ton particulièrement dithyrambique de la translation solennelle des reliques du saint en provenance de l’évêché d’Autun ; de surcroît, ce panégyrique, outre l’historicité d’Émilien, affirmait celle du fondateur supposé du siège épiscopal de Nantes, « saint Clair, l’apôtre envoyé de Rome »[4].

Comme on peut en faire aisément le constat, La Borderie ne s’est pas véritablement interrogé sur les raisons profondes qui l’avaient conduit à se fourvoyer de la sorte, préférant évoquer l’air du temps et du lieu. Il lui a semblé plus habile d’accuser d’un manque de sagacité le jeune chercheur (32 ans) qu’il était à cette époque : cette excuse peut s’entendre bien sûr ; mais elle un peu facile, car La Borderie apparaît déjà à cette date comme un érudit largement confirmé et son assurance, notamment dans ses interventions lors des congrès de la classe d’archéologie de l’Association bretonne, lui a donné, au sein de l’école historique bretonne, une position d’autorité reconnue depuis plusieurs années par ses ainés, y compris ceux qui s’étaient opposés durant un temps à ses arguments, en soulevant des objections parfois très recevables[5]. Par-dessus tout on ne voit ici aucune remise en cause de son approche traditionnelle de la matière hagiographique ; approche qui, au contraire sera réaffirmée à de nombreuses reprises au cours de sa longue carrière littéraire et encore au moment de la publication du premier tome de son Histoire de Bretagne, ainsi qu’il l’exprime avec vigueur dans l’avertissement de l’ouvrage :

On m'a reproché d'être parfois beaucoup trop confiant dans les traditions historiques bretonnes. A ceux qui m'ont fait ce reproche je répondrais volontiers que je les trouve, eux, beaucoup trop confiants en leur propre judiciaire, en leurs inductions et leurs imaginations. Si profonde que soit leur érudition, dans les hardies constructions de leur cerveau il y aura toujours une part de vérité beaucoup moindre que dans les documents rejetés par eux sans raison, lesquels sont l'écho des événements, conservé par la mémoire populaire et par la tradition liturgique, recueilli par l'écriture à une date relativement assez rapprochée des faits, sur les lieux mêmes où ces faits se sont accomplis[6].

Voilà bien de quoi légitimer le bien-fondé de la démarche contraire de François Duine, que ce dernier évoque explicitement à la date de 1918 dans ses Souvenirs et observations à l’occasion de la publication de son Memento des sources hagiographiques, toujours utile à consulter aux dires des meilleurs connaisseurs des textes concernés[7] :

Quelque vingt années après l’apparition de l’Histoire de Bretagne, je mets en pièce les tableaux créés par La Borderie, et je sape ses procédés de conservateur romantique[8].  

*

Ainsi donc à Nantes, vers le milieu du XIXe siècle, la brise océanique ne suffisait pas à dissiper les fumées de légendes propres à intoxiquer l’esprit des érudits locaux : c’est dans ce contexte qu’avait resurgi la question de la filiation apostolique du siège épiscopal de Nantes, pendante depuis le XVe siècle au moins. Plusieurs champions s’étaient engagés dans la défense à nouveaux frais de cette cause, comme on le vit plus particulièrement lors du congrès archéologique de France qui,  en 1856, se déroula dans la cité ligérienne[9] :  l’abbé Paul Jubineau portait en cette occasion les couleurs de saint Clair, épaulé par l’abbé Abel Cahour[10] ;  Alfred Lallemand eut beau formuler différentes objections à l’encontre des arguments des deux ecclésiastiques[11], ces derniers reçurent le soutien de poids de La Borderie, dont les propos, au reste assez imprudents, sont rapportés en style indirect dans les actes du congrès :

Quoique Vitré, dit-il, ait eu aussi la prétention d'avoir été évangélisé par saint Clair, en l'an 72, il a été longtemps fort incrédule à l'endroit de son apostolat avant l'an 250. Mais depuis, éclairé par des documents nouveaux, il est un peu revenu sur sa première opinion. Le travail de M. Jubineau lui semble concluant ; car il n'est pas de ceux qui nient les traditions, il leur accorde au contraire une grande valeur, lorsqu'elles portent avec elles ces deux conditions réunies : qu'elles s'éloignent peu du temps et du lieu dont elles parlent, et qu'aucun document contemporain ne les contredit formellement. Quand donc il a en présence les conjectures des érudits et des traditions locales bien établies, il préfère les traditions aux conjectures. Or, c'est ici le cas d'appliquer ces principes. Pour lui, le silence de Sulpice-Sévère et celui de Grégoire de Tours ne sont pas des arguments qui l'embarrassent ; il rappelle, en effet, ce qui se passe tous les jours, et l'oubli qui environne souvent, dans notre temps où les relations sont si faciles et si fréquentes, les travaux des missionnaires. Il ne s'occupe pas davantage de l'opposition de Néron. Chacun sait que ce qui est difficulté pour les desseins des hommes, n'arrête pas le prêtre qui va dispenser la foi. – Enfin, il fait remarquer que, selon lui, la question n'est pas posée entre une conjecture et une conjecture, mais bien entre une conjecture et une tradition locale, vénérable par sa haute antiquité, non contredite par une autorité suffisante, et qu'en bonne critique on ne doit pas la répudier, pour adopter une opinion professée seulement depuis le XVIIe siècle[12].

En 1883, dans l’opuscule formé par le recueil des articles qu’il avait publiés la même année sur L’apostolat de saint Clair, premier évêque de Nantes[13], Cahour citait l’intégralité des propos tenus jadis par La Borderie, soulignant combien, de son point de vue, « ces paroles pleines de justesse posent, en effet, parfaitement la question, et en indiquent la véritable solution »[14] : il ramenait ainsi en pleine lumière un texte déjà vieux de plus d’un quart de siècle, dont on pouvait penser qu’il avait sombré dans l’oubli. Verba volant, scripta manent ! Or, cette exhumation ne pouvait pas plus mal tomber pour La Borderie, qui précisément venait de s’opposer avec vigueur à la thèse de l’apostolicité nantaise[15], défendue par le néo-bénédictin François Plaine[16]. Contraint donc d’éclaircir sa nouvelle position, il s’en expliqua rageusement dans sa propre étude, – sous-titrée explicitement « Réponse à M. L’abbé Cahour », – sur le supposé fondateur de l’évêché de Nantes[17] :

En 1856, une Commission liturgique, nommée par Mgr l'évêque de Nantes pour réformer le Propre du diocèse, fut amenée à étudier cette question et conclut à l'apostolicité de l'église de Nantes, c'est-à-dire à l'opinion qui en place l'origine au Ier siècle et fait de S. Clair un compagnon, un disciple direct des saints apôtres.

La Commission liturgique, par l'organe d'un de ses membres, exposa cette thèse devant le Congrès archéologique de France qui tenait ses assises à Nantes en 1856 ; et l'année suivante elle publia pour la soutenir une dissertation habilement faite, relativement modérée, dans les Missae et officia propria dioecesis Nannetensis.

Au Congrès de 1856 et, plus tard, dans l’Annuaire historique de Bretagne de 1861, nous eûmes le tort de nous prononcer sur la question sans l'avoir étudiée ailleurs que dans l'exposé et dans la dissertation de la Commission liturgique ; aussi, tout en faisant des réserves, acceptâmes-nous alors comme possible, probable même, l'existence de S. Clair au Ier siècle ou au moins au commencement du IIe.

Depuis lors, amené à étudier de nouveau cette matière, l'ayant creusée plus à fond, nous arrivâmes à des conclusions toutes contraires au système du Ier siècle et de l'apostolicité. Le 9 septembre 1881, dans la septième séance du Congrès breton alors assemblé à Redon, nous exposâmes à ce sujet notre opinion, et si elle ne prit pas place sous forme de mémoire dans le compte-rendu du Congrès, c'est que l'espace pour l'y insérer manqua ; mais elle fut mentionnée et définie très nettement aux pages 29 et 30 des Procès-verbaux de ce Congrès.

D'ailleurs nous n'avions pas hâte de publier le résultat de nos éludes sur cette question, laquelle, à notre sens, exige dans les recherches une grande étendue et une grande maturité[18].

*

Le nom de Jubineau n’était pas mentionné, sans doute à dessein car il s’agissait pour La Borderie de ne pas d’ouvrir un second front ; aucune allusion non plus à la controverse avec Plaine. C’est Cahour, dont il avait jadis encensé[19] le livre sur Émilien[20], avant d’abandonner la cause assez mauvaise, ainsi que nous allons le voir, de ce « prétendu » évêque de Nantes du VIIIe siècle, – qui était devenu la nouvelle « tête de Turc » de La Borderie. S’ensuivirent des discussions assez âpres entre les deux hommes tout au long de l’année 1884. Chacun des contradicteurs tirait sur l’autre à boulets rouges depuis sa « forteresse » : d’un côté, La semaine religieuse du diocèse de Nantes, dont Cahour, pour reprendre l’expression perfide de La Borderie[21], avait entrepris de tapisser les colonnes[22] ; de l’autre, la Revue de Bretagne et de Vendée, – où La Borderie se comportait en véritable tôlier[23], – dont les deux tomes de l’année en question contiennent sa réponse[24] aux récents propos tenus par Cahour sur leur appréciation respective, très différente pour ne pas dire irréconciliable, de la « tradition nantaise »[25]. On imagine l’état d’esprit des deux parties quand on voit comment ces réponses aux réponses étaient en réalité des répliques ne souffrant pas de répliques ; le ton, déjà assez vif au début de ces « échanges », devait encore monter d’un cran lorsque la discussion en vint aux personnalités (comme on disait à l’époque pour désigner les attaques personnelles). L’une d’entre elles, venue de Cahour currente calamo, sous-entendait que La Borderie avait soustrait et gardait en sa possession des archives anciennes du chapitre cathédral de Nantes[26], ce qui est un fait avéré et parfois aggravé par le recours à l’interpolation ou au caviardage de textes qu’il était donc le seul à pouvoir utiliser en tant que sources[27]. Bien que son nom ne fût pas mentionné, La Borderie se reconnut aussitôt dans l’allusion, au demeurant assez claire :

Mais M. l'abbé Cahour a jugé à propos d'entrer à plus d'une reprise sur un terrain que je m'étais soigneusement interdit, celui des personnalités. Par exemple, dans la Semaine religieuse du 29 mars dernier, s'adressant à un interlocuteur imaginaire, M. Cahour dit de moi : « Il a été pendant de longues années détenteur d'une partie de nos archives capitulaires, qu'il fut autorisé à visiter et à emprunter à un vieux bahut où elles gémissaient, déplorant leur antique splendeur. Pour être vrai, je dois ajouter encore que cet homme aimable a bien voulu, au mois de novembre dernier, remettre à M. le Doyen du chapitre un beau volume des délibérations capitulaires de 1400 à 1410, et qu'il ne s'est point caché de détenir encore d'autres documents qui ne sont assurément pas sans intérêt. Je rappelle cela seulement pour mémoire » [28].

La Borderie demanda à la direction de La Semaine religieuse la publication de sa lettre de réfutation des accusations portées contre lui[29] ; mais il n’obtint qu’à demi satisfaction[30]. Sans doute cette escarmouche eut-elle pour conséquence de transformer la controverse déjà brûlante en véritable polémique, dont il ne pouvait évidemment sortir aucun consensus scientifique.

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Il va sans dire que les différents arguments de La Borderie sont, au point de vue historique, infiniment plus recevables que ceux de Cahour : en effet, de par sa double formation de juriste et de chartiste et de par l’érudition dont il fait preuve à l’occasion de son traitement des sources hagiographiques,

 La Borderie est à coup sûr plus proche du courant critique que du courant légendaire auquel il ne fait aucune concession sur le plan scientifique, mais sa volonté de mettre sa pratique d’érudit au service de l’Église et de la religion complique singulièrement la question[31].

De fait, la combinaison de ses arguments en argumentaire pâtit de cette idéologie catholiciste : auteur à 21 ans d’un « Discours sur le rôle historique des saints de Bretagne », réédité 35 ans plus tard, qui a constitué la base durable de son corps de doctrine[32],

La Borderie, ayant jadis facilement convaincu des érudits de moindre envergure sans doute, mais dotés d’un esprit critique développé, qui s’étaient un temps opposés à son assurance juvénile, avait ensuite laissé, pendant un demi-siècle, ses premières hypothèses se figer sous la forme de pétitions de principe, sans jamais leur apporter de nouvelles démonstrations[33].

La Borderie devait ainsi rester prisonnier toute sa vie de son hagiodulie, comme l’atteste une ultime déclaration en 1901, l’année même de sa mort :

Je regarde, je tiens en effet pour mon premier titre d'honneur, comme historien breton, d'avoir rendu à nos vieux saints cette qualité essentielle et primordiale de fondateurs temporels et spirituels de la nation. C'est à cela que je tiens avant tout ; je dirais volontiers que je ne tiens qu'à cela[34].

Or, au fur et à mesure que le temps passait, des démonstrations nouvelles, ainsi que La Borderie devait lui-même le reconnaitre, étaient rendues non seulement possibles, mais encore nécessaires par une plus grande étendue et une plus grande maturité dans les recherches : encore fallait-il accepter de rebrousser chemin et de reprendre les recherches avec le même état d’esprit critique qui lui avait jadis permis, par exemple, de traiter et de régler magistralement la question de Conan Mériadec ; mais c’eût été reconnaître certains excès plus inavouables encore que d’avoir soutenu la cause d’Émilien de Nantes

I

Émilien alias Émiland de Bourgogne et Émilien alias Millán de la Cogolla

Cette cause est donc entendue, La Borderie ayant été contraint, ainsi que nous venons de le voir, de se rétracter, Émilien de Nantes est totalement dépourvu d’historicité. Le personnage est en effet une création littéraire de l’extrême fin du XVIe siècle, dont la carrière ressemble par bien des aspects à celle de quelque aventurier de cette époque troublée : présenté ici comme ayant pris la tête d’une véritable croisade pour soulager Autun de la pression des Sarrasins, il court d’abord de victoire en victoire avant de mourir au combat ; l’ennemi peut alors s’emparer de la ville et la mettre à sac, événements datés, d’après quelques chroniques, des années 720-730, mais dont les historiens ont depuis fait justice[35]. Outre que son nom tel qu’il figure dans ce récit tardif est un emprunt à un saint fêté à Autun le 22 août[36], il n’est pas certain non plus que, dans la tradition qui a inspiré son créateur, Émilien eût un quelconque rapport avec Nantes, la forme Nanthensis, si elle est ancienne et sincère, ayant pu originellement renvoyer à un autre lieu : c’est le cas par exemple, ainsi que devait le suggérer La Borderie lui-même[37], – de l’important monastère de Nantua[38]. Le prélat aurait donc été un abbé plutôt qu’un évêque, ce à quoi ne s’oppose pas sa désignation par le terme antistes. Au reste les toponymes composés avec l’étymon nant, d’origine celtique, sont assez nombreux en France et dans plusieurs pays d’Europe.

Plus encore qu’un « saint de papier », Émiland, – c’est le nom que la tradition locale donnait à Émilien et qui est entré en composition du nom de l’actuelle commune de Saint-Émiland (Saône-et-Loire), – est un « saint de l’archéologie » :

Jusqu’au seizième siècle la légende de saint Émiland n’est connue que par la tradition répétée  d’âge en âge et de bouche en bouche, sans être appuyée par aucun docu­ment écrit ni soutenue par aucune formule liturgique : légende toute locale, éclose à l’ombre d’un tombeau et conservant le souvenir d’un évêque guerrier, arrivant du fond de la Bretagne, avec une armée, pour combattre les Sarrasins, rencontrant ceux-ci à Saint-Jean-de-Luze, près d’Autun, succombant en ce lieu après un sanglant combat et inhumé, avec ses compagnons, dans des cercueils de pierre, tombés du ciel, pour servir à la sépulture des vic­times, et qu’on voyait en grand nombre sur le théâtre pré­sumé de cette rencontre. 

Pendant de longs siècles tout s’était ainsi borné à la pré­sence d’un tombeau, objet de la vénération des habitants du voisinage et à la vague croyance qui s’était formée à l’entour. Dans celle-ci même, il semble qu’il y ait moins l’écho d’une légende pieuse que les débris de quelque chanson de geste, du temps de Charles Martel ou de Charlemagne[39].

L’auteur de ces ligne, Anatole de Charmasse, aurait pu ajouter, parmi les sources d’inspiration possibles, l’épopée arthurienne, dont Étienne de Bourbon au milieu du XIIIe siècle localise un épisode précisément à Saint-Jean-de-Luze (Saint-Émiland) et le met en rapport avec les nombreux sarcophages, au demeurant vides, visibles sur place :

Vidi ego in dyocesi Eduensi sepulcra infinita ubi dicebantur jacuisse corpora pulcherrimorum et fortissimorum militum Arturi, Diviani, Galvani et Erec sociorumque eorum, ubi non apparebat jam nisi alicubi ossa attrita et pulvis modicus, et in aliquibus sepulcris vix inveniebatur aliquid. Ibi pugnaverunt Romani cum familia Arturi et infiniti milites fuerunt hinc inde occisi et sepulcra eorum multa hinc inde vacua juxta villam que dicitur Aleuse[40].

A n’en pas douter, il est fait ici écho au passage de l’Historia regum Britanniae[41], où Geoffroy de Monmouth rapporte la bataille qui opposa les troupes du roi des Bretons à celles du procurateur de Rome, Lucius Hiberius, dans une vallée appelée Siesia[42], située entre Langres et Autun : on a identifié par le passé le lieu de cette bataille, au demeurant sans réalité historique, avec Saussy, voire avec Le Val-Suzon, toutes deux communes du département de la Côte-d’Or ; mais la commune actuelle de Saisy (Saône-et-Loire), à une vingtaine de kilomètres d’Autun et à une dizaine de Saint-Émiland nous paraît une hypothèse plus satisfaisante[43].

*

Faut-il penser qu’Étienne de Bourbon, dont l’intérêt pour la matière arthurienne s’observe ailleurs dans son recueil[44], a volontairement ignoré en l’occurrence la tradition locale relative à Émiland, bien qu’il fasse explicitement référence à ce que disent les habitants du lieu (ubi dicebantur), afin d’y substituer le nom plus prestigieux d’Arthur ? Ou bien le culte du saint n’existait-il pas sur place à cette époque ? Ou du moins Émiland n’était-il pas encore associé à la bataille dont les tombeaux vides constituaient les vestiges ? Il n’est pas question en tout cas du véritable matamores décrit dans la légende tardive du saint, lequel présente en revanche une certaine ressemblance avec son homonyme Émilien alias Millán de la Cogolla (Espagne, province de la Rioja)[45]. Cette ressemblance découle peut-être de l’influence littéraire exercée par l’un des deux personnages sur l’autre ; et, le cas échéant, il serait désirable de savoir d’en connaître le sens : sans prétendre trancher définitivement la question, il nous semble infiniment plus probable que le saint espagnol puisse avoir été le prototype du saint bourguignon que l’inverse, en particulier parce que la notoriété du premier dépassait de beaucoup celle du second comme l’attestent, depuis avant l’An Mil jusqu’au XIIIe siècle, les différentes pièces latines ou vernaculaires de son abondant dossier hagiographique[46]. Ainsi donc, la « militarisation » de l’ermite de la Rioja[47] réputé avoir vécu aux Ve-VIe siècles, lequel est présenté à partir du XIIIe siècle sous l’aspect d’un saint guerrier, figure qui s’inscrit parfaitement dans la perspective idéologique du temps de la Gran Reconquista, comme on désigne parfois cette période, a peut-être servi, encouragée par l’homonymie des deux personnages, à une transformation similaire de la figure d’Émiland, dans un contexte politique beaucoup plus tardif certes, mais où l’Occident continuait d’agiter l’idée de croisade[48]. Quant à la route qui aurait permis à cette légende de circuler, – quel que soit le sens de circulation retenu, – il s’agit évidemment du chemin de Compostelle, dont l’un des itinéraires traversait Autun et passait à proximité du monastère San Millán de la Cogolla[49] : s’il convient d’adopter un nécessaire recul à l’endroit des conclusions de Joseph Bédier sur le rôle joué dans l’élaboration des chansons de geste par la route et les sanctuaires qui la jalonnent[50] et, plus encore, de se tenir à bonne distance de certaines extrapolations relatives au phénomène jacquaire[51], il n’en demeure pas moins que des anecdotes, des récits de faits divers ou de faits historiques, des légendes, et, de manière générale tout ce qui a pu contribuer à nourrir « l’universel reportage » évoqué par Mallarmé[52], – bref une véritable « matière », laquelle a été partiellement recyclée dans un grand nombre de compositions littéraires médiévales, hagiographie comprise, a circulé à travers l’Europe en suivant des itinéraires dont il est parfois possible de reconstituer le tracé grâce aux vestiges laissés par cette matière au long des différents trajets qu’elle a empruntés[53] ; sorte de « bagage culturel » transporté à leur insu par les voyageurs, pèlerins bien sûr, mais également soldats, marchands et chemineaux en tous genres.

II

Émilien alias Millán de la Cogolla et Émilien alias Émilion

Le détour par le possible modèle espagnol de l’avatar bourguignon d’un prétendu saint nantais, – ce dernier apparaissant d’ailleurs rien moins que breton si l’on veut bien se rappeler que Nantes au VIIIe siècle, époque supposée de son floruit, ne faisait pas encore partie de la Bretagne, – ce long détour donc nous aura pourtant ramenés, ainsi que nous allons le voir maintenant, jusque dans l’ouest de la péninsule armoricaine, plus précisément à Vannes, d’où, selon ses deux vitae, était originaire, au VIIIe siècle également, un autre Émilien[54], notoirement connu sous le nom d’Émilion dans le pays bordelais et, en Basse-Bretagne, dans les rares lieux où il reçoit un culte, sous celui de Mil(l)ion. L’homonymie et la tradition qui attribue à ce personnage un pèlerinage (avorté) à Compostelle, ont pu jouer là encore, en dépit de l’écart de près de trois siècles supposé le séparer de Millán de la Cogolla, – un rôle d’importance dans le rapprochement des deux saints, à l’instar de leur vie érémitique marquée par une même dimension troglodytique ; mais peut-être leur trait de ressemblance le plus frappant s’aperçoit-il dans leurs origines familiales et leur situation sociale particulièrement modestes, en opposition au topos de la naissance noble très répandu dans la littérature hagiographique depuis Venance Fortunat :  d’après Braulio, le premier hagiographe de Millán, ce dernier était né dans une famille paysanne et fut lui-même berger dans les alpages retirés (Futurus pastor hominum erat pastor ovium minabatque oves ad interiora montium)[55], avant de finir sa vie au lieu où s’élève le monastère rupestre qui porte aujourd’hui son nom. Quant à Émilion, dont la position des parents est qualifié médiocre (mediocribus parentibus) par son premier hagiographe[56] et obscure (parentibus obscuri licet nominis) par le second[57], il était pour sa part membre de la domesticité du comte de Vannes, avant son départ pour Compostelle ; mais son pèlerinage devait être interrompu, d’abord momentanément par son séjour au monastère de Saujon (Charente-Maritime), puis définitivement par sa retraite dans une grotte à proximité de la Dordogne, où la tradition situe l’actuelle église monolithique de Saint-Émilion (Gironde). Les deux saints, enfin, ont en commun d’avoir été en butte à la malveillance de certains proches et accusés l’un et l’autre d’avoir dilapidé des biens qui ne leur appartenaient pas alors qu’ils s’efforçaient de venir en aide aux nécessiteux. Chacun de ces différents traits sont des motifs hagiographiques connus ; mais les retrouver ensemble dans la description de deux personnages homonymes vient renforcer l’hypothèse d’une fond légendaire partagé.

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A l’inverse, il existe quelques éléments de différenciation : outre le laps de temps important qui les sépare, ainsi que nous l’avons dit, le déroulement de leur existence respective s’effectue selon des séquences qui leur sont spécifiques. Ainsi Millán se forme-t-il auprès d’un ermite exigeant, Félix, qui l’initie à la vie anachorétique, dans laquelle il s’engage à son tour : au bout de quarante ans, le voici ordonné prêtre à raison de son exemplarité et chargé d’une mission en paroisse ; mais il n’est manifestement pas fait pour ce type de responsabilité et, après seulement trois années, il retourne avec quelques compagnons à un mode de vie plus proche de sa longue expérience érémitique. Émilion pour sa part, reçoit sa formation de l’abbé de Saujon, un certain Martin qualifié lui-même saint, – et fait sa profession monastique en ce lieu, qu’il quitte pour s’engager dans une vie solitaire plus conforme à ses aspirations. D’un côté un ermite dont on fait un prêtre de paroisse, au demeurant raté ; de l’autre, un moine bénédictin qui, au risque de l’extravagance, quitte ses frères pour s’accomplir en tant qu’ermite : sinon véritablement dissemblables, Millán et Émilion présentent en l’occurrence des profils que l’on pourrait qualifier asymétriques. Cependant le renom de leur sainteté est tel que, malgré leur appétit de solitude, ils sont l’un et l’autre continuellement visités par ceux qui veulent bénéficier de leur virtus : retour donc aux points communs entre les deux personnages.

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A l’instar du cas d’Émilien, nous pouvons conjecturer que la ressemblance entre Millán et Émilion découle peut-être de l’influence littéraire exercée par l’un sur l’autre ; et il nous semble plus probable, comme le suggère la chronologie de leurs dossiers hagiographiques, que le saint espagnol puisse avoir été là encore le prototype du saint bordelais plutôt que l’inverse ; mais un autre élément doit être pris en considération : ainsi que l’a écrit Eduardo Carrero Santamaria, « la diffusion des formes artistiques en différents sites trouve dans le chemin son moyen fondamental de transmission », ce qui, souligne cet auteur, s’applique d’ailleurs à « n’importe quel chemin », qui « devient per se un cadre pour la circulation et la communication de nouvelles pensées artistiques, de cahiers de modèles, de pièces d’art liturgique et, surtout, de livres »[58]. A fortiori cela vaut pour les routes plus importantes, telles celles qui permettaient l’aller et retour à Compostelle. Ces remarques, très judicieuses, ont une résonance particulière s’agissant des sanctuaires de la Cogolla et de Saint-Émilion, situés l’un et l’autre à immédiate proximité d’un chemin jacquaire, et qui, ainsi que l’avait fait remarquer dès 1910 Jean-Auguste Brutails, présentent un incontestable parenté structurelle :

Il a paru naguère à Madrid un superbe volume sur l’Histoire de l'architecture chrétienne espagnole au Moyen-Age. Divers passages de ce livre de M.  Lampérez sont bien intéressants pour un archéologue bordelais : telles églises de la Péninsule ressemblent, trait pour trait, à certaines églises girondines.

Je me bornerai aujourd'hui à signaler le très curieux édifice élevé à San-Millan de la Cogolla, province de Logrono. C'est une église à deux nefs, contigüe à trois grottes, dont l'une renferme le tombeau du saint.

San Millan, c'est sanctus Emilianus, notre saint Émilion ; la description de l'église espagnole ramène irrésistiblement l'esprit sur le saint Émilion bordelais, avec son ermitage dans le rocher.

S'il n'y a là qu'une coïncidence fortuite, elle est singulière.  Mais n'y a-t-il pas autre chose ? et quoi ? [59]

Peut-être est-il possible de répondre positivement à la question plus que centenaire de Brutails et, considérant que l’église monolithe de Saint-Émilion est une construction du tournant des XIe-XIIe siècles, admettre la possibilité 1) qu’une certaine influence artistique ait pu s’exercer localement en provenance du monastère plus ancien de la Cogolla, 2) que se soient alors implantées sur place des traditions relatives à Millán, adaptées pour renforcer le culte d’Émilion et favorisées en cela par l’homonymie des deux personnages. Dans un tel contexte, marqué par la compétition entre pouvoir religieux et pouvoir politique (archevêques de Bordeaux et vicomtes de Castillon), le rôle joué par les chemins jacquaires est d’autant plus important à prendre en compte que la vita du saint bordelais apparaît à bien des égards comme un « véritable texte publicitaire destiné à attirer sur une voie secondaire les pèlerins en route vers Compostelle »[60] ; ce qui n’est pas sans rappeler la problématique du sanctuaire de la Cogolla, situé lui aussi un peu à l’écart de l’itinéraire principal : on voit en effet que les promoteurs du culte de Millán se sont efforcés de détourner au profit de ce dernier une partie du flot pérégrin à destination de Saint-Jacques[61].

*

Si notre hypothèse était retenue, resterait posée la question de l’origine vannetaise d’Émilion : précision qui figure dans les deux vitae du saint et d’autant plus intrigante qu’elle n’influe pas directement sur la destinée de ce dernier. Certes, son statut de serviteur et même d’intendant du comte de Vannes lui permettait, ainsi que nous l’avons dit, d’exercer sa charité à l’égard des nécessiteux ; mais il aurait pu agir de même, étant au service de n’importe quel autre puissant. De surcroît, aucun des deux hagiographes ne donne le nom de ce comte de Vannes (par ignorance peut-être), ni ne précise son époque : il est donc impossible de conclure à la véridicité de l’anecdote, ni même la situer dans le temps, la chronologie d’Émilion laissant elle-même à désirer, car elle est avant tout basée sur la « référence finale au duc Waifre d’Aquitaine » dans la première vita ; référence qui, dans la seconde vita, « a été remplacée par la date de 767, ce qui exige une certaine expertise historique » de la part de l’hagiographe[62]. Cependant, on ne voit pas en quoi la déduction de cet écrivain viendrait renforcer l’historicité du saint, qu’il n’est pas pour autant nécessaire de révoquer en doute : on peut supposer, avec Bernard Merdrignac, qu’Émilion « était probablement originaire du pays de Vannes puisque l’auteur aquitain de sa Vie médiévale n’avait à première vue, aucune raison d’inventer cette précision » [63] ; de plus, si tant est qu’il ait effectivement entrepris le pèlerinage de Compostelle, il ne peut absolument pas avoir vécu aussi tôt que le VIIIe siècle. Enfin, le récit de sa profession monastique paraît témoigner d’une pré-histoire du saint ; peut-être même le moine de Saujon doit-il être distingué de l’ermite bordelais, lequel, comme on l’a dit, serait plutôt inspiré du personnage de Millán.

III

Mil(l)ion de Loguivy-Plougras

En conclusion, il faut dire quelques mots de saint Mil(l)ion honoré en Basse-Bretagne, plus particulièrement dans l’ancien diocèse de Tréguier, à Coatascorn et à Plouagat, où deux chapelles lui sont dédiées, et surtout à Loguivy-Plougras, où sa chapelle, devenue église tréviale a même fini, eu égard à ses dimensions imposantes, par remplacer l’église paroissiale : la fête patronale était célébrée le troisième ou le quatrième ou du moins le dernier dimanche d’août, ce qui n’est pas sans rappeler le dies natalis d’Émilien d’Autun au 22 août. A Loguivy-Plougras Mil(l)ion est surnommé en breton tad ar bara, « père du pain », ce qui renvoie évidemment à la légende d’Émilion ; mais cette dévotion doit être assez tardive : elle est en tout cas absente des ouvrages d’Albert Le Grand (1636/1637), de Gui Alexis Lobineau (1725) et de Malo de Garaby (1839). Certains commentateurs ont supposé que le culte d’Émilion avait été (ré-)importé depuis Saint-Émilion au XVe siècle par un membre de la famille seigneuriale de Trogorre ayant combattu sur place : le nom d’Alain de Plougras est parfois avancé ; mais, si tant est qu’ils sont avérés, le théâtre des exploits de ce personnage doit être plutôt Castillon-la-Bataille, non loin il est vrai, – une douzaine de kilomètres, – de Saint-Émilion et dont le nom actuel commémore l’affrontement qui, en 1453, mit fin à la Guerre de Cent ans  grâce en particulier à l’aide que l’armée du roi de France reçut alors des contingents bretons. Une transmission directe entre Vannes et Loguivy-Plougras paraît en tout cas beaucoup moins probable, car aucune tradition, aucun souvenir relatifs au saint ne semblent avoir été connus dans le Vannetais au Moyen Âge.

*

D’une manière générale, au point de vue de l’hagiographie bretonne, le cas d’Émilien de Nantes apparait donc mirageux et celui d’Émilion de Vannes « marginal »[64], y compris son succédané local Mil(l)ion de Loguivy-Plougras ; mais ils s’inscrivent peut-être dans une perspective plus large, permettant d’entrevoir un réseau d’homonymes, comme c’est le cas pour Émiland de Bourgogne, dont les histoires se croisent sur les chemins de Compostelle et s’échangent sur fond de lutte contre les Sarrasins : à cet égard, l’évolution du personnage de Millán de la Cogolla, telle que son dossier littéraire en porte les traces, permet de définir à gros traits les prototypes auxquels ont eu recours les hagiographes des différents saints concernés.

 

André-Yves Bourgès



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[1] De prime abord on peut noter une sorte d’affinité des personnages concernés avec des terroirs viticoles célèbres, voire prestigieux ; mais, pour autant, aucune des vitae concernées n’évoque de rapports privilégiés avec le vin ou la vigne : il est donc impossible de conclure que ces régions ont été en la matière plus hagiogènes que les autres. – L’adjectif hagiogène pour désigner une région particulièrement riche du point de vue de la création hagiographique a été créé par Brigitte Cazelles, Le corps de sainteté d'après Jehan Bouche d'Or, Jehan Paulus et quelques vies des XIIe et XIIIe siècles, Genève, 1982, p. 33, n. 66, qui l’applique en l’occurrence au nord de la France pendant la période romane.

[2] Cette rapide réflexion prolonge et complète celle qui inspire la récente notule intitulée « "Bretagne est poésie" : une expression du bretonisme », Hagio-historiographie médiévale (30 décembre 2023), https://www.academia.edu/112610599.

[3] Arthur de la Borderie, Histoire de Bretagne, t. 1, Rennes-Paris, 1896, p. 548, n. 5

[4] Louis de Kerjean, « Translation solennelle des reliques de saint Émilien, évêque de Nantes », Revue de Bretagne et de Vendée, 6 (1859), p. 448.

[5] C’est le cas par exemple d’Olivier de Wismes (1814-1887), dont nous avons rapporté, dans la notule référencée supra n. 2, l’essentiel de la controverse qui l’opposa à La Borderie lors du congrès de Morlaix de 1850. Il faut ajouter que Wismes devait rapidement rendre les armes à son cadet, dans des termes qui en disent long sur le pouvoir de conviction de ce dernier, comme on le lit dans le Bulletin archéologique de l’Association bretonne (classe d’archéologie), 3 (1851), n°1, p. 112 : « Il suffit aussi que, malgré mes doutes, mon ami la Borderie continue à dire : Credo, pour que je répète après lui : Credo. Il est, malgré sa jeunesse, du petit nombre de ceux qui ont le droit de dire : Je sais. Ce droit il l'a péniblement conquis, lorsqu'au lieu de ruiner son intelligence dans l'oisiveté, de flétrir son cœur par le plaisir, et de jeter les plus belles facultés à toutes les distractions du monde, il a veillé dans le silence des nuits, le front penché sur les in-folio, étudiant, comparant, analysant les textes de ces vieux grimoires, dont la vue seule ferait frémir la plupart d'entre nous ».

[6] A. de la Borderie, Histoire de Bretagne…, p. IV.

[7] Joseph-Claude Poulin, L’hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge, Ostfildern, 2009, p. 466 : « Sa culture d’humanités classiques lui a permis de faire progresser de façon importante la reconnaissance des sources formelles de l’hagiographie bretonne. Il a particulièrement excellé dans ses entreprises d’inventaire et de catalogage, qui n’ont pas encore été remplacées ».

[8] Bernard Heudré et André Dufief (éd.), Souvenirs et observations de l’abbé François Duine, Rennes, 2009, p. 284-285.

[9] Congrès archéologique de France Séances générales tenues à Nantes, en 1856, à Verneuil, au Neubourg et à Louviers par la Société française d’archéologie, Paris, 1857.

[10] Ibidem, p. 42-47

[11] Ibid., p. 46, 48 et 49-50.

[12] Ibid., p. 48-49.

[13] Dans La semaine religieuse du diocèse de Nantes, p. 292-294, 364-369, 388-395, 414-418, 444-448, 462-465, 486-489, 514-518, 535-537, 555-559, 583-588.

[14] Abel Cahour, L’apostolat de saint Clair, premier évêque de Nantes – Tradition nantaise, s.l. [Nantes], s.d. [1883], p. 64-65.

[15] Bulletin archéologique de l’Association bretonne publié par la classe d’archéologie, 3e série, t. 1 (1882), p. 29-30.

[16] François Plaine, « L’apostolat de saint Clair et les origines chrétiennes de l’Armorique », Association bretonne – Archéologie – 23e session tenue à Quintin en 1880 (1881), p. 119-157.

[17] A. de la Borderie, Saint Clair et les origines de l’Église de Nantes suivant la véritable tradition nantaise, Rennes, 1884.

[18] Ibidem, p. 1-2.

[19] L. de Kerjean, « Translation solennelle des reliques de saint Émilien… », p. 449 : « Je n'irai pas plus loin, renvoyant le lecteur avide de détails au livre de M. l'abbé Cahour, le promoteur, si je puis dire, de la cause du saint évêque guerrier, et que le dernier successeur de saint Émilien vient d'appeler au rang des chanoines de son église cathédrale. Pourquoi les canonicats n'ont-ils plus de titres ? Je sais bien celui que porterait M. l'abbé Cahour : le chanoine de saint Émilien ».

[20] A. Cahour, Notice historique et critique sur saint Émilien, évêque de Nantes, mort à Autun au VIIIe siècle, Nantes, 1859.

[21] Revue de Bretagne et de Vendée, 55 (1884), p. 391. 

[22] La semaine religieuse du diocèse de Nantes (1884), p. 180-184, 204-207, 269-276, 295-302, 316-324, 364-371, 415-421, 483-491, 703-709.

[23] Jusqu’à faire suivre le compte rendu élogieux de l’ouvrage de Cahour par Stéphane de la Nicollière-Teijeiro d’une note désavouant le recenseur : Revue de Bretagne et de Vendée, 54 (1883), p. 401.

[24] Revue de Bretagne…, 55, p. 391-398 ; 56 (1884), p. 136-146.

[25] Voir supra n. 12 et n. 15.

[27] André-Yves Bourgès, Le Dossier littéraire de saint Goëznou et la controverse sur la datation de la Vita sancti Goeznovei, suivi en annexe de la vita de saint Ténénan, Morlaix, 2020, p. 66-72.

[28] Revue de Bretagne…, 55, p. 333.

[29] Ibidem, p. 333-335.

[30] La semaine religieuse…, p. 346.

[31] Jean-Yves Guiomar, Le bretonisme. Les historiens bretons au XIXe siècle, Mayenne, 1987, p. 244.

[32] A. de la Borderie, Du rôle historique des saints de Bretagne dans l'établissement de la nation bretonne armoricaine, Rennes, 1883, p. 1 : « Sur tous les points principaux, sur le fond même de la thèse, nous n'avons rien à changer ; toutes nos recherches depuis lors l'ont confirmée ; nous espérons en pouvoir bientôt donner la démonstration définitive dans le livre que nous préparons sur l'Histoire de Bretagne du Ve au Xe siècle ».

[33] A.-Y. Bourgès, « Retour sur les différents types d’approche du matériau hagiographique médiéval par les historiens de la Bretagne depuis le XIXe siècle », Hélène Bouget et Magali Coumert (dir), Histoires des Bretagnes 6. Quel Moyen Âge ? La recherche en question [Actes du colloque Enjeux épistémologiques des recherches sur les Bretagnes médiévales en histoire, langue, et littérature, Brest, université de Bretagne Occidentale, 12-14 décembre 2017], Brest, 2019, p. 242.

[34] Cité par Alexandre-Marie Thomas, « Le rôle des saints dans l’histoire de Bretagne », Albert Le Grand, Les vies des saints de la Bretagne armorique, 5e édition, Quimper-Brest-Paris, 1901, p. 719.

[35] Voir en particulier le méticuleux travail sur les sources effectué par Hervé Mouillebouche, « Un autre mythe historiographique : le sac d’Autun par les Sarrasins », Annales de Bourgogne, 82 (2011), n°1-2, p. 5-35.

[36] Ce nom figure en effet à cette date et avec cette location dans le martyrologe hiéronymien : Albert Poncelet, Analecta Bollandiana, 31 (1912), p. 500-501 ; Anatole de Charmasse, « Nouvelle note sur la légende de saint Émiland », Mémoires de la Société éduenne Nouvelle série, 44 (1923), p. 1-7.

[37] A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, t. 1, p. 548.

[38] Certaines traditions, depuis longtemps reconnues sans véritable fondement elles aussi, attribuaient la fondation de ce monastère au célèbre apôtre des Flandres, Amand : il s’agit là d’un doublet de la tradition, elle aussi largement légendaire, qui préconise la fondation par Amand d’un monastère à Nant (Aveyron). Dans les deux cas, le défaut de localisation précise du toponyme Nanto mentionné dans la vita du saint [BHL 332] est à l’origine de cette confusion. Nous avons suggéré de  prendre en compte l’actuelle commune de Nant-le-Grand (Meuse), dont l’église paroissiale est placée sous le vocable de Saint-Amand et dont la localisation correspond mieux aux indications données par la vita, qui précise que cette fondation était intervenue après le retour d’Amand dans le pays des Francs (vir Domini Amandus in finibus remeavit Francorum) : voir à ce sujet notre notule en ligne intitulée « Une abbaye énigmatique : Nant », https://www.academia.edu/111340547.

[39] A. de Charmasse, « La légende de saint Émiland », Mémoires de la Société éduenne Nouvelle série, 38 (1910), p. 81.

[40] Jacques Berlioz et Jean-Luc Eichenlaub, « Les tombeaux des chevaliers de la Table Ronde à Saint-Émiland (Saône-et-Loire) ? Recherches sur un exemplum du dominicain Étienne de Bourbon (mort vers 1261) », Romania, 109 (1988), n°433, p. 20.

[41] Michael D. Reeve (ed.) & Neil Wright (trans.), Geoffrey of Monmouth, The History of the Kings of Britain. An Edition and Translation of the De gestis Britonum [Historia Regum Britanniae], Woodbridge, 2007.

[42] Ibidem, p. 235 (§ 168) : quandam uallem qua Lucius transgressurus erat ingreditur, quae Siesia uocabatur.

[43] J. Berlioz et J.-L. Eichenlaub, « Les tombeaux des chevaliers de la Table Ronde à Saint-Émiland… », p. 34.

[44] Albert Lecoy de la Marche (éd.), Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Étienne de Bourbon…, Paris, 1877, p. 86-87 (§95) et 321 (§ 365).

[45] J. Berlioz et J.-L.  Eichenlaub, « Les tombeaux des chevaliers de la Table Ronde à Saint-Émiland… », p. 41-42.

[46] On pourra se reporter aux nombreux travaux d’Isabel Ilzarbe Lopez, laquelle a récemment inventorié et opéré un traitement approprié de l’ensemble de cette documentation.

[47] Patrick Henriet, « Y a-t-il une hagiographie de la « Reconquête » hispanique (XIe-XIIIe siècles) ? », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 33ᵉ congrès, Madrid, 2002 [L'expansion occidentale (XIe-XVe siècles) Formes et conséquences], p. 56-57.

[48] Ainsi le projet de croisade a-t-il occupé une partie importante des discussions du cinquième concile du Latran (1512-1513), alors même que l’Église faisait face en interne aux débuts de la Réforme.

[49] J. Berlioz et J.-L.  Eichenlaub, « Les tombeaux des chevaliers de la Table Ronde à Saint-Émiland… », p. 42.

[50] Joseph Bédier, « De la formation des chansons de geste », Romania, 41 (1912) n°161, p. 5-31. Ainsi que l’écrivait naguère Giulia Barone, « La tesi di Bedier e le prospettive attuali della storiografia sui pellegrinaggi. II Les pèlerins et leurs routes », Au Carrefour des routes d'Europe. La chanson de geste (= Senefiance, 20), 1987, p. 33 : « "La thèse de Bédier et les perspectives actuelles de l'historiographie sur les pèlerinages" c'est un défi passionnant pour un historien ; cela veut dire se confronter è la théorie sur l'origine même des Chansons de geste, cette "question homérique" du Moyen Age occidental. Or, et peut-être vous vous en doutiez déjà, l'historien n'a aucune chance de pouvoir vous apporter des arguments décisifs pour ou contre l'hypothèse de Bédier ».

[51] Philippe Martin. Les Secrets de Saint-Jacques de Compostelle, Paris, 2018.

[52] Stéphane Mallarmé, Divagations, Paris, 1897, p. 250 (extrait de « Crise de vers »).

[53] Voir par exemple le récent travail de Gauthier Langlois, « La circulation d’une légende épique de fondation sur les chemins de Saint-Jacques : la légende de Dame Carcas et ses adaptations pyrénéennes, ibériques et occitanes », Louis Bergès (dir.), La montagne explorée, étudiée et représentée : évolution des pratiques culturelles depuis le XVIIIe siècle, Paris, 2020 (https://books.openedition.org/cths/11252), p. 135-154, notamment (p. 148) la figure 10.

[54] François Dolbeau, « Le dossier hagiographique de saint Émilion », Frédéric Boutoulle, Dany Barraud et Jean-Luc Piat (éd.), Fabrique d’une ville médiévale. Saint-Émilion au Moyen Âge, Bordeaux, 2011 (= Aquitania, Suppl. 26), p. 125-138 et 393-397, a procédé à un examen sur nouveaux frais des différentes pièces de ce dossier : cet examen a notamment permis d’établir (p. 138) que la plus ancienne des deux vitae du saint « a probablement été composée à la fin du XIe ou au début du XIIe siècle », tandis que l’autre, qui lui emprunte l’essentiel de sa matière en l’abrégeant, « ne saurait être antérieure à 1450 ». Nous remercions vivement ce chercheur d’avoir bien voulu nos communiquer ce travail très important.

[55] Patrologie latine, t. 80, Paris, 1863, col. 703.

[56] F. Dolbeau, « Le dossier hagiographique de saint Émilion », p. 393.

[57] Joseph Guadet, Saint-Émilion, son histoire et ses monuments, Paris, 1841, p. 263.

 [58] Eduardo Carrero Santamaria, « Le sanctuaire de la Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle à l’épreuve de la liturgie », Claude Andrault-Schmitt (dir.), Saint-Martial de Limoges. Ambition politique et production culturelle (Xe-XIIIe siècle), actes du colloque des 26-28 mai 2005 à Poitiers et Limoges, Limoges, 2006, p. 295.

[59] J.-A. B., « San-Millan de la Cogolla et saint Émilion », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, 3 (1910), p. 287.

[60] Jean-Luc Piat, « Saint-Émilion. Église monolithe et catacombes », Revue archéologique de Bordeaux, 95 (2004), p. 35.

[61] Alain Varaschin, « San Millán de la Cogolla et le chemin de Saint-Jacques », Charles Higounet (dir.), L’homme et la route en Europe occidentale, au Moyen Âge et aux Temps modernes, Toulouse, 1982, p. 261-265.

[62] F. Dolbeau, « Le dossier hagiographique de saint Émilion », p. 131.

[63] Bernard Merdrignac, Un enfant de Vannes : Saint Émilion, Vannes, 1992, « Introduction » (non paginée) [p. V].

[64] J.-C. Poulin, « L’hagiographie bretonne avant l’an mil », Michèle Gaillard et Monique Goullet (éd.), Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, Turnhout, 2020, p. 199.