Notre notule sur les antécédents familiaux d'Yves de Kermartin a attiré la vigilante attention d'un spécialiste des questions de généalogie nobiliaire bretonne, qui nous a demandé de préciser notre opinion sur les familles du Juch et de Lanmeur. Nous nous faisons une obligation de répondre à sa demande, sur le ton amical d'une conversation privée.
1. Remarques sur les premiers degrés de la filiation des seigneurs du Juch
En ce qui concerne Alain 1er, je n’ai pas retrouvé la mention Alanus, dominus de Jugo, dans le travail de Vulson de
Si son épouse s’appelle Alice, elle est néanmoins distincte d’Adelicia, qui est donnée en 1255, comme la mère de la dame du Juch, Havoise ; à moins que … voir ci-dessous.
Quant à la participation d’Alain 1er à la croisade conduite par Pierre de Braine, elle me paraît pour le moins problématique.
Tout aussi problématique, la participation d’Hervé II à la septième croisade : l’anecdote relative à l’invocation mariale du seigneur du Juch lors de la bataille de Damiette est un topos, dont G. le Moigne a l’honnêteté de signaler l’origine populaire.
D’ailleurs, est-on sûr que le seigneur du Juch se nommait Hervé ? Est-on même sûr de l’existence de ce seigneur du Juch ?
La dame du Juch se nomme incontestablement Hadeguisia, Hadoisia, Havoise (cf. acte de 1255) ; je ne vois pas comment Havoise aurait pu donner Alienor, n’en déplaise à Yves Tanneau, dont les excellents travaux sur la région concernée aux XVIIIe et XIXe siècles ne sont pas en cause.
Et si cette mention d’une domina de Jugo signifiait que la seigneurie était tombée en quenouille ? Auquel cas le fils aîné (Hervé ?) de la dame en question aurait relevé les nom et armes du Juch.
Hervé III : rien à signaler ; le Livre des osts consacre l’importance de la seigneurie du Juch.
Jean 1er : l’acte du 6 novembre 1312 qui le concerne est conservé en original aux AD d’Ille-et-Vilaine (23 J 120). Il s’agit d’une commission donnée au sénéchal de Cornouaille par celui de Tréguier de faire exécuter Jehan, seigneur du Juch, au profit du seigneur de Boiséon pour 9 marcs et demi d’argent (sous forme de 2 coupes et d’une aiguière) : je pense à un reliquat de dot, car une généalogie de Boiséon, composée vers 1670 (ADIV, 22 J 54, p. 111), nous dit que Plézou du Juch (inconnue de G. le Moigne) avait épousé Eon de Boiséon ; ce sont les parents de Lévénez de Boiséon, héritière de sa maison, mariée à Pierre de Lanmeur, lui-même fils de Thiphaine de Rostrenen. Malheureusement, cette généalogie n’est pas absolument assurée.
Au total, Hervé 1er pas sûr, Alain 1er à vérifier, Hervé II pas sûr.
2. Remarques sur les origines de la famille de Lanmeur
En fait, si vous me faites l'amitié de me suivre, je pense que la généalogie dressée vers 1670 est largement controuvée ; mais cela ne veut nullement dire qu'il ne s'y trouve pas de filiations avérées : en clair, si je révoque en doute que le père de Pierre de Lanmeur s'appelait Yves de Lanmeur, il n'est pas question pour moi de rejeter la possibilité que sa mère s'appelait Thiphaine de Rostrenen, car cette dernière filiation était indifférente à celui qui a dressé la généalogie en question, sans doute l'abbé de Gouessant, lequel était uniquement préoccupé de la reconstitution du lignage mythique des Lanmeur, au prix de faux grossiers (l'un des plus impudents est mentionné dans la maintenue de noblesse de Boiséon du 23 mars 1671 : il s'agit d'un aveu fourni en 1019 - en français !! - par un prétendu Jean de Lameur à Monsour de Boyseon, qui est rapporté dans le Mémoire historique aux AD d'Ille-et-Vilaine, 23 J 54, p. 56-57, un vrai bijou !)
Je dirais même volontiers que le nom de baptême Thiphaine, qui se retrouve à la génération suivante chez les Pestivien (les enfants de Constance de Rostrenen), me paraît constituer un indice assez probant...Thiphaine est explicitement mentionnée dans le procès de canonisation de saint Yves (éd. Mon hypothèse est que les prétendus Lanmeur, honorés sur trois générations d'alliances extrêmement flatteuses (Rostrenen, Boiséon, du Ponthou, ...) qui démontrent et/ou expliquent leur ascension au sein de leur propre classe, portaient en fait à l'origine le nom de leur fief du Cosquer en Guimaëc : en 1327 encore, on trouve un acte de prisage de l'assiette de
André-Yves Bourgès
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