15 septembre 2012

Quelques mots à propos de l’article de C. Brett, « Soldiers, Saints and States ? The Breton Migrations Revisited »


Au-delà du modeste projet affiché de fournir à la communauté scientifique anglophone une synthèse des travaux rédigés en français depuis les 30 dernières années sur la question toujours controversée des origines bretonnes, il s'agit pour Ms Caroline Brett, tout en alléguant de son respect à l’égard de chercheurs trop tôt disparus, de dénoncer avec vigueur et acribie, dans un article de la revue Cambrian Medieval Celtic Studies (2011, n°61, p.1-56), l’emprise historiographique du regretté Léon Fleuriot sur les études bretonnes (c'était déjà l'objet de notre notule publiée en 2009, intitulée « A propos d'hagiographie bretonne : l'ouvrage de L. Fleuriot sur Les origines de la Bretagne »).
Nombreux les chercheurs continentaux qui, à cette occasion, sont étrillés, traitement vigoureux qui ne s’avère pas toujours immérité : approximations (ainsi p. 9 : le Tractus armoricanus, dont le vaste territoire incluait et dépassait largement les limites de la péninsule armoricaine est souvent par ces chercheurs confondu et réduit à cette dernière) ; libre cours laissé à l’imagination (p. 11 : « Kerneis’s thesis is pure Da Vinci Code », concernant l’implantation militaire bretonne sur le continent au Bas Empire, thèse développée par S. Kerneis), ou bien au contraire conformisme de la pensée, qui encourage des spécialistes comme B. Merdrignac ou P.-R. Giot à valider cette thèse parce qu’elle s’inscrit dans le prolongement de la tradition historiographique médiévale (p. 12-13) ; méconnaissance des avancées scientifiques des quarante dernières années, notamment les travaux anglo-saxons portant sur la nature exclusivement littéraire des matériaux comme l’Historia Britonum (p. 14-15) ; affirmations insuffisamment fondées ou recours excessif aux arguments a silentio, y compris dans le domaine archéologique (p. 17) ; ̶ tels sont, selon C. Brett, les principaux travers méthodologiques qui auraient empêché les chercheurs travaillant sur le haut Moyen Âge breton, de proposer, malgré leur dynamisme et leurs compétences soulignés en plusieurs occasions, une approche véritablement renouvelée de la question. Cette charge menée tout au long de la première partie de l’article s’accompagne d’un rappel aux bonnes vieilles règles de l’histoire positiviste (p. 15-16 : « it seems no more than reasonable to ask that a record be treated as historical evidence only if it can be shown to have been written down contemporaneously with the events or to be descended from a contemporary written record by an identifiable line of transmission ») et se prolonge dans la deuxième partie, consacrée à la thèse également « traditionnelle » d’une immigration bretonne encadrée par les « saints ». Paradoxalement cette vigoureuse critique s’ouvre ici par un retournement de l’argument archéologique a silentio précédemment invalidé (p. 18). Pour le reste l’attitude reste la même à l’égard des travaux des chercheurs de Bretagne continentale : ainsi ceux de B. Tanguy concernant l’onomastique sont présentés comme des spéculations dont les résultats se révèlent à l’occasion « particularly doubtful » (voir par exemple p. 21 et n. 72), sauf précisément quand l’autorité de ce chercheur peut être utilement invoquée par C. Brett pour contrer certaines hypothèses incontestablement excessives de L. Fleuriot (p. 19) ou de Gw. Le Duc (p.20-21 et 21-22). Plus loin dans son texte, C. Brett consacre plusieurs pages roboratives à la toponymie (p. 26-32), qui sont malheureusement quasi-exclusivement consacrées à la question des « plous » (sic) et ignorent presque totalement celle, tout aussi fondamentale et intrigante, des toponymes formés avec le terme lann-. Naturellement B. Merdrignac, de par l’ampleur de ses travaux sur le matériau hagio-historiographique breton, se voit mis en cause (p. 23) à propos du rôle qu’il fait jouer aux « saints » comme « organisateurs » de la Bretagne péninsulaire et plus encore dans la troisième partie de l’article où il est question de l’existence de l’histoire interne des supposés « États » bretons aux Âges obscurs et de leurs chefs (p. 36). De même le regretté A. Chédeville « is over-stretching the evidence » (p. 38) quand il écrit, dans son étude sur « Francs et Bretons pendant la première moitié du VIe siècle : avant la rupture », qu’à cette époque « les royautés tribales et patrimoniales que les Bretons avaient importées à leur arrivée deviennent progressivement des monarchies territoriales dont l’ensemble fut reconnu à la fin du siècle sous le nom nouveau de Britannia ». Au passage, l’auteur du présent texte, heureux et honoré de se retrouver en aussi bonne compagnie, se voit lui aussi égratigné parce que, dans son article déjà ancien sur Commor, « [he] misses an opportunity to present a really critical view of this character » (p. 36, n. 122). Cependant, il arrive de temps à autre que la critique presque constante s’atténue : dans la même note, on signale qu’A. Chédeville a donné « the clearest account of the possible activities of Conomorus/Commorus/Quonomorus ». De même, quelques bons points (mérités) viennent récompenser les travaux de Mme Magali Coumert (voir par exemple p. 39, n. 133).
C. Brett, qui, manifestement, partage les fortes convictions de J. Poucet en la matière, critique avec virulence les « hypothèses au carré » : c’est, par exemple, le cas de celle de B. Merdrignac sur le «millenium des saints » inauguré, au lendemain de la conversion de Clovis, par un traité d’alliance entre Armoricains péninsulaires, Bretons et Francs (p. 36 : « Again one unproven hypothesis supports another »). C. Brett n’a pas de mal à montrer qu’il n’existe aucun début de commencement de preuve de l’existence d’un tel traité (p. 34-36) ; mais, pour autant, cette démonstration ne remet pas fondamentalement en cause l’hypothèse originelle selon laquelle l’immigration bretonne dans l’ouest de la péninsule armoricaine se serait inscrite dans une perspective que nous qualifierons par commodité « eschatologique » et dont il conviendrait, à partir des travaux de B. Fauvarque, de vérifier comment son architecture complexe s’est édifiée au sein de l’Empire, durant la seconde moitié du Ve siècle, sur des fondements de natures très diverses. En tout état de cause, il faut rappeler avec A. Vauchez, dans son introduction à l’ouvrage Prophètes et Prophétisme, « l'importance, aujourd'hui mieux reconnue qu'il y a trente ou quarante ans, du rôle des courants de pensée et des mouvements apocalyptiques dans l'histoire des diverses civilisations et pays », notamment la permanence de « la tension eschatologique » qui, en Occident, connut « une poussée au cours de l’Antiquité tardive ».
En fait, malgré son excellente tenue, l’article de C. Brett, s’il mérite à l’évidence d’être connu des chercheurs continentaux qui pourront y trouver matière à préciser, sinon à corriger, leurs propres points de vue, ne présente peut-être pas tout l’intérêt qu’a su y trouver M. Coumert à l’occasion de son intervention du dernier congrès de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne (Paimpol, septembre 2012). Tandis qu’au terme de son étude (p. 49-53), C. Brett formule une série d’hypothèses, tout aussi spéculative que celle qu’elle prétend remplacer, comme son auteur a d’ailleurs l’honnêteté de le souligner ( p. 48-49 : « This hypothesis is, of course, just as speculative as the one it is designed to replace, but I believe that at least it does not do violence to the evidence »), et qui, finalement, malgré une conclusion redondante (p. 53-56), apparaît assez peu « décoiffante », voire même assez décevante, puisque, pour l’essentiel, elle reprend aux grands ancêtres, Lobineau et La Borderie, la fourchette chronologique de l’immigration bretonne insulaire dans la future Bretagne continentale, le rôle joué par une élite politico-militaire soucieuse de se tailler sur place de véritables principautés, et celui joué par les « saints » dans l’encadrement spirituel des populations locales, ̶ M. Coumert, dans sa récente recension du livre de B. Merdrignac, D’une Bretagne à l’autre, parue dans le dernier volume des Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, va beaucoup plus loin que sa collègue. Ce compte rendu sévère, trop court malheureusement pour ne pas s’avérer à plusieurs reprises caricatural, témoigne d’une certaine radicalité des positions qui s’apparente à celle des F. Lot, R. Fawtier, R. Latouche, etc. : ainsi, dans le prolongement des travaux de ces grands aînés, séculaires pour certains d’entre eux, M. Coumert conclut à l’impossibilité de connaître les circonstances dans lesquelles, avant la fin du VIe siècle, une partie de la péninsule armoricaine s’est vu attribuer la même dénomination géographique que la grande île qui lui fait face. Plus critique encore que ces critiques, M. Coumert récuse l’unique témoignage pouvant être invoqué pour cette époque en ces lieux, à savoir la lettre adressée par le métropolitain de la IIIe Lyonnaise, Licinius, assisté de Melaine, évêque de Rennes et Eustoche, évêque d’Angers, à deux prêtres gyrovagues, Lovocat et Catihern. Il n’en demeure pas moins cependant que, non seulement les deux anthroponymes concernés, et non pas uniquement le nom Catihern, sont bien britonniques, mais encore que l’analyse du toponyme Languedias, qui désigne une petite paroisse située à proximité de l’ancien chef-lieu de la civitas des Coriosolites, fonde scientifiquement l’hypothèse proposée par B. Tanguy d’y reconnaître « l’ermitage » (lann-) des deux personnages : simple hypothèse, mais renforcée par la rareté de l’anthroponyme concerné et l’implication de Melaine, évêque de la civitas limitrophe des Riedones ; simple hypothèse, mais qui ne saurait être écartée péremptoirement, d’autant qu’elle a retenu récemment l’attention des auteurs de la notice sur Corseul qui figure dans la somme récente Capitales éphémères. Des capitales de cité perdent leur statut dans l’Antiquité tardive, coordonnée par A. Ferdière. De manière générale il nous semble que l’onomastique et plus particulièrement la toponymie suscitent chez C. Brett comme M. Coumert une défiance, pour ne pas dire une méfiance qui sont également affichées par une certaine école archéologique, comme en témoigne le travail de Mme Elisabeth Zadora-Rio sur le divorce entre archéologie et toponymie : peut-être parce qu’il est plus facile de faire parler les lieux que les noms qu’ils portent.
Si les remarques et correctifs apportés par C. Brett et M. Coumert se révèlent à bien des égards utiles et enrichissants pour les études bretonnes, il leur arrive parfois de verser à nouveau dans l'ornière de l'hypercritique dont on croyait l'historiographie des origines de la Bretagne définitivement sortie. Le débat est néanmoins ré-ouvert et, pour peu que ses contributeurs s’y impliquent sans arrière-pensée, ce débat s'avère d'ores et déjà autant passionnant que passionné.

©André-Yves Bourgès 2012

Nous avons reçu de B. Merdrignac le commentaire suivant, qu'il nous paraît intéressant de livrer à la réflexion de nos lecteurs :
"Merci André-Yves pour cette notice « décapante ». J’ai eu connaissance de l’article de C. Brett trop tardivement pour y répliquer directement dans mon dernier livre D’une Bretagne à l’autre. Les migrations bretonnes entre histoire et légendes. Mais je viens de faire part de mes réactions dans une communication au colloque organisé par le CRBC à Quimper le 29 juin dernier et j’espère que ce texte sera prochainement publié. Je n’ai pas encore reçu le compte-rendu de M. Coumert, mais j’ai eu suffisamment d’échanges fructueux avec cette collègue pour pressentir où le bât blesse. Toute autant que d’ « hypercritique » et d’ « histoire positiviste », il me semble que l’on assiste à un retour en force de l’ « école méthodique ». Il est instructif, comme tu le proposes, de mettre en regard les assertions de C. Brett avec les méthodes préconisées par C.-V. Langlois et C. Seignobos dans lIntroduction aux études historiques. Je procède (malicieusement) à quelques coupés-coupés collés à destination des lecteurs de ton « blog » que je ne voudrais pas pour autant avoir l’air de squatter.
1. La primauté donnée à la critique externe et à la critique interne des ces documents (p. 68-69), « qui sont les seuls matériaux de la science historique : il importe évidemment d’éliminer ceux qui n’ont aucune valeur et de distinguer dans les autres ce qui s’y trouve de correctement observé ». Nos collègues n’ont donc guère de peine à démontrer que Gildas, le pseudo-Nennius (sans parler des sources hagiographiques) ne sont pas des documents fiables historiquement, ce qu’aucun historien sérieux ne conteste d’ailleurs aujourd’hui.
2. La remise à leur place des « sciences auxiliaires de l’histoire » (p. 56) : « On dit aussi « sciences ancillaires », « sciences satellites » ; mais aucune de ces expressions n’est vraiment satisfaisante » qui ne seraient que les instruments de travail au service des historiens « Et d’abord, toutes les soi-disant « sciences auxiliaires » ne sont pas des sciences. […] En second lieu, il faut distinguer parmi les connaissances auxiliaires ̶ non pas, à proprement parler, de l’Histoire, mais des recherches historiques ̶ celles que chaque travailleur doit s’assimiler, et celles dont il a besoin de savoir seulement où elles sont, pour se les procurer à l’occasion ; celles qui doivent être tournées en habitude et celles qui peuvent rester à l’état de renseignements en provision virtuelle ».
3. Le déni de tout intérêt à la tradition orale. (p. 151) : Par nature, celle-ci est « une altération continue ; aussi dans les sciences constituées n’accepte-t-on jamais que la transmission écrite. […]. Il faut donc rechercher dans les documents écrits les affirmations venues par tradition orale pour les tenir en suspicion ». (p. 152) : « Légendes et anecdotes ne sont au fond que des croyances populaires, rapportées arbitrairement à des personnages historiques ; elles font partie du folklore, non de l’histoire. Il faut donc se tenir en garde contre la tentation de traiter la légende comme un alliage de faits exacts et d’erreurs, d’où l’on pourrait par analyse dégager des « parcelles » de vérité historique ».
Pour ma part, je persiste et signe : Ces sociétés du haut Moyen Âge où les analphabètes sont la grande majorité ne vivent pas pour autant dans « une culture d’oralité primitive » pour emprunter ce concept à l’ethnologie. Sur un fond culturel largement partagé, les échanges et les tensions entre clercs et laïcs « illettrés » (sans être incultes pour autant) se répercutent dans une documentation écrite dont l’analyse rigoureuse devrait permettre à l’historien de déchiffrer (« en creux » et non « a silentio ») les enjeux hypothétiques. On doit souscrire bien entendu des deux mains à ce précepte de Langlois et Seignobos (p. 208) : « Si le raisonnement laisse le moindre doute, il ne faut pas essayer de conclure ; l’opération doit rester sous forme de conjecture, nettement distinguée des résultats définitivement acquis ». Il faut évidemment saluer de la part de nos collègues le souci de pratiquer cette « histoire scientifique » préconisée par les fondateurs de l’école méthodique. Mais ceux-ci se référaient à la conception des sciences qui était celle de leur temps. Il serait regrettable que les historiens d’aujourd’hui en restent là sans prendre en compte l’évolution de la réflexion des scientifiques sur leurs disciplines depuis plus d’un siècle.
B. Merdrignac".

09 septembre 2012

Gildas, un "homme de lettres" du VIe siècle

 La disparition prématurée de Google Knol (voir ici) nous donne l'occasion de rapatrier sur le blog Hagio-historiographie médiévale un article de vulgarisation publié en octobre 2009.

 
Gildas, « le dernier Romain de l’île de Bretagne » (F. Kerlouégan), mérite-t-il encore le titre d’historien qui lui avait été accordé par les “antiquaires” du XIXe siècle ? A la suite de ces derniers, on a en effet avant tout cherché dans son ouvrage — De excidio Britanniae, «  De la décadence de la Bretagne » (désormais cité DEB) — des informations relatives à l’histoire de l’île de Bretagne aux Ve-VIe siècles. Notons que seul cet aspect de témoignage contemporain parait avoir vraiment intéressé les historiens de la Bretagne continentale, parce qu’ils espéraient recueillir dans le DEB — au-delà de la rapide mention d’insulaires qui, fuyant leur pays où désormais les Saxons se comportaient en maîtres, « rejoignaient les régions d’outre mer » — des renseignements sur les circonstances de l’émigration bretonne en Armorique ;  ils ne faisaient que suivre en cela le lointain exemple de Bède (+ 735)  qui, au sujet des Pictes et des Scots, s’enquérait dans cet ouvrage de détails dont son auteur s’est montré particulièrement avare, alors même que la sobriété n’est pourtant pas la « marque de fabrique » du DEB. Le malentendu était donc de taille et allait s’avérer durable.

Le DEB est constitué de deux parties, précédées d’une introduction dans laquelle Gildas nous explique ses motivations et souligne que, du fait de son inexpérience, il a attendu plus de dix ans avant de composer cette lettre (epistola)— comprendre “lettre ouverte” — contenant une « courte monition » (admonitiuncula). La première partie consiste en la description de l’île de Bretagne suivie d’un résumé de son histoire depuis l’époque de la Conquête romaine : certains érudits (notamment A.W. Wade-Evans)  ont supposé que cette partie proprement “historique” pouvait résulter d’une interpolation au VIIIe siècle ; mais leur hypothèse n’a pas été corroborée depuis. Pour écrire ce résumé, Gildas indique qu’il n’a pu utiliser la matière des monuments écrits de sa patrie — si tant est qu’ils existèrent jamais, prend-il la précaution de souligner — parce que tous ces documents avaient été soit la proie des incendies allumés par les ennemis, soit emportés au loin en bateau par ses concitoyens exilés ; mais il dit s’être servi de traditions recueillies outre mer, au demeurant pas très complètes, ni très claires. Cette désignation de sa source principale par Gildas a parfois été interprétée comme la preuve de son propre exil sur le continent : en tout état de cause, c’est bien ainsi que l’avait comprise, au XIe siècle, l’hagiographe du saint homonyme honoré à l’abbaye de Rhuys. La seconde partie du DEB fait quant à elle l’objet d’une subdivision entre deux textes clairement distingués par leur auteur, mais qui se situent sur le registre de l’admonitiuncula : l’un, qui s’adresse nommément à cinq rois contemporains de Gildas (Constantinus, Aurelius Caninus, Vortiporius, Cuneglasus, Maglocunus), flétrit  la conduite et les méfaits des chefs laïques de l’île de Bretagne ; l’autre, explicitement présenté comme la suite du précédent, est dirigé contre les évêques, les prêtres et jusqu’à certains membres de l’ « ordre » (des diacres)  auquel Gildas déclare appartenir.

Le récit qu’il fait des événements du passé et le témoignage que Gildas apporte sur son époque, dont les hypercritiques du début du XXe siècle (notamment F. Lot) n’ont eu aucun mal à dénoncer les imprécisions ou les incohérences, constituent la démonstration a contrario de ce que le propos du DEB n’est justement pas de nature historique ou “mémorialistique” ; ainsi, les emprunts manifestes à Orose (+ vers 418) ne relèvent pas seulement de l’anecdote ou du glossaire, ils sont aussi très largement “idéologiques”. Il faut par ailleurs admettre que cet ouvrage — du moins le prologue et la première partie — a constitué la seule source dont on s’est servi à Rhuys pour identifier son auteur avec le patron et fondateur supposé de l’abbaye, comme l’attestent,  dans la vita la plus ancienne de saint Gildas [BHL 3541], les deux citations exclusives et littérales ainsi que la chronologie de la composition du DEB, que l’hagiographe adapte à son propos : les « frères religieux » de Gildas, qui réclamaient son retour dans l’île de Bretagne, vinrent le visiter au monastère de Rhuys dix années après son installation en ce lieu et c’est alors qu’il écrivit  son « opuscule en forme de lettre » (epistolarem libellum) aux cinq rois de l’île. Cependant, on l’a vu, Gildas, à l’époque où il a écrivait la seconde partie du DEB, n’était pas (encore ?) moine, mais diacre, ce qui a échappé à l’hagiographe, peut-être parce que ce dernier ne disposait pas d’un manuscrit complet de cet ouvrage. Gildas a fait l’objet d’un nouveau traitement hagiographique, cette fois insulaire, par Caradoc de Llancarfan, qui était le contemporain de Geoffroy de Monmouth (+ vers 1155) : la vita en question [BHL 3542] consacre d’ailleurs une large place aux rapports supposés de Gildas, qualifié d’ « historien des Bretons »,  avec le roi Arthur, mais passe sous silence son éventuel séjour armoricain et nous le montre terminant sa vie comme ermite à proximité de l’abbaye de Glastonbury, où il avait écrit les « histoires des rois de Bretagne ». Cette tradition figure également dans le traité De Antiquitate Glastoniae Ecclesiae, composé vers 1135 par Guillaume de Malmesbury, mais qui n’est plus accessible aujourd’hui que dans une version du XIIIe siècle, largement interpolée.

La biographie “autorisée” de Gildas est donc réduite à l’unique indication qui figure dans la première partie parfois contestée du  DEB — indication d’une précision étonnante, mais en même temps dérisoire : Gildas place sa naissance l’année du siège de Mont-Badon, dont malheureusement la date demeure encore discutée (vers le tournant des Ve-VIe siècles). Si la formulation ne laisse pas de doute sur la date de naissance de l’auteur, elle n’est pas suffisamment claire en revanche pour trancher si la rédaction du DEB doit être datée de la quarante-quatrième année de Gildas, ou si cet intervalle de quarante trois ans s’applique à la date du siège de Mont-Badon par rapport à quelque événement antérieur d’importance. On peut retenir, en tant que source externe quasi-contemporaine, les allusions de Colomban (Epist., I, 6 et 7), qui, tout en nous procurant un nouveau synchronisme — cette fois avec Finnian de Clonard (+ vers 550), à qui Gildas avait adressé une lettre dont on conserve encore, semble-t-il, quelques fragments — témoignent de la célébrité de l’auteur du DEB en son temps, ainsi que de la diffusion de son ouvrage vers la fin du VIe siècle. Ce qui est rapporté des cinq rois bretons à qui s’adresse la première admonitiuncula ne peut, en l’état actuel de la documentation disponible, faire l’objet de toutes les vérifications nécessaires ; la critique actuelle admet cependant l’historicité de ces différents personnages, ainsi que celle du vainqueur de Mont-Badon, Ambrosius Aurelianus, dont Gildas souligne que les descendants avaient, à son époque, beaucoup perdu de leur vertu ancestrale. Quant à la seconde admonitiuncula à l’adresse du clergé de l’Église de Bretagne, elle ne fournit aucun nom : prudence de l’auteur, désireux de ne pas brûler tous les vaisseaux de sa (future ?) carrière ecclésiastique, ou bien, plus vraisemblablement, nouvel indice que ce texte, loin de refléter la réalité, est en fait un exercice convenu destiné à illustrer un genre littéraire bien défini ?

Car Gildas est avant tout un “homme de lettres”, dont le style prolixe et parfois obscur témoigne en réalité d’une grande maîtrise de la langue latine et de son appropriation par un véritable auteur, pour qui la romanité, dans sa double dimension politique (l’Empire) et religieuse (le christianisme), constitue un summum indépassable. Le DEB est avant tout un “livre d’écrivain”,  préparé de longue date et dont la spontanéité n’est sans doute pas la caractéristique principale : comment en effet peut-on résister plus de dix ans à un impérieux besoin de dénoncer les turpitudes de son temps, sauf à considérer que cette maturation est une étape nécessaire du projet littéraire que l’on a construit ? Certes, on a tenté d’interpréter (et en même temps d’expliquer) ce délai par des considérations relatives à l’âge de l’auteur du DEB : Gildas aurait en fait écrit ce texte autour de sa vingt cinquième année, ce qui rapporterait la première étape de ses réflexions lorsqu’il était âgé de douze, quinze ans, — trop jeune donc pour prendre la plume ; mais rien n’empêche de voir en lui un auteur plus mûr, largement quarantenaire même si l’on retient l’une des traductions possibles du passage sur sa naissance. De même, si la “bibliothèque” de Gildas, inventoriée au travers des emprunts manifestes qui figurent dans son ouvrage, ne comprenait sans doute que quelques livres — ce qui,  à nouveau, ne concorde guère avec l’hypothèse d’un travail de rédaction à l’intérieur d’une enceinte monastique, généralement bien dotée en manuscrits d’œuvres diverses —  le DEB témoigne indirectement de l’influence de très nombreux auteurs, dont l’apprentissage a nécessairement demandé du temps.

Le bilan historiographique de Gildas peut être vite fait : si sa personnalité littéraire est désormais assez bien connue, le personnage historique demeure pratiquement insaisissable et la personne du saint est le produit d’un phénomène d’historicisation tardive à partir de traditions hagiographiques invérifiables, mises par écrit à partir du XIe siècle ; — il est particulièrement inapproprié de reprocher à Gildas de ne pas être le Grégoire de Tours des Bretons, car son propos est très différent de celui de l’auteur des Dix livres d’histoire ; — son œuvre est une contribution d’importance à l’histoire littéraire du VIe siècle  ; elle vient illustrer le genre, assez peu développé, de la “lettre-sermon”, dont le modèle est peut-être à chercher du côté de la lettre aux soldats de Coroticus par saint Patrice ; mais, sur le fond, c’est l’influence de Salvien de Marseille (+ après 470) qui est sans doute la plus sensible ; au demeurant, le DEB constitue un témoignage sur l’existence dans l’île de Bretagne à cette époque de foyers de culture latine, plutôt conservateurs, peu influencés en tout cas par la culture indigène ; — les historiens des origines de la Bretagne continentale doivent se contenter d’une mention furtive concernant l’émigration d’insulaires vers des contrées d’outre-mer : il n’est pas spécifiquement question de l’Armorique et il n’est pas non plus établi, si du moins cela n’est pas impossible, que Gildas ait fait partie de ces émigrés ; — en revanche, les rares traits “civilisationnels” rapportés incidemment par Gildas pour servir son propos, sont particulièrement précieux, car ils témoignent, à l’époque de cette émigration, de la forme de plusieurs institutions et de quelques faits sociaux propres aux populations de l’île de Bretagne : il convient donc  de  resituer ces notations comme un jalon dans la perspective ethno-historique qui s’ouvre avec le corpus littéraire des auteurs de l’Antiquité et se prolonge avec  la documentation médiévale, sans en tirer de conclusions trop péremptoires pour ce qui concerne la Bretagne continentale.

André-Yves Bourgès

17 juin 2012

La vita Paterni de Venance Fortunat et la limite occidentale de la cité de Rennes à l’époque mérovingienne


La vita de Paterne d’Avranches par son contemporain Venance Fortunat [BHL 6477] nous apprend que le saint avait fondé « de nombreux monastères pour le Seigneur  de par les cités de Coutances, Bayeux, Le Mans, Avranches et Rennes de Bretagne » (per civitates Constantiam, Baiocas, Cinomannis, Abrincas, Redones Britanniae multa monasteria per eum domino sunt fundata)[1].  Même si, comme l’écrit H. Atsma, « nous ne pouvons pas dire, où ceux-ci étaient situés exactement »[2], il est tentant d’en chercher le souvenir dans les différents toponymes qui, à l’instar de Saint-Pair-sur-Mer (Manche) sur le lieu même de l’établissement principal de Sesciacum, ont, à l’échelon du vaste territoire évoqué par l’hagiographe, conservé le nom du saint : Saint-Pair et Saint-Pair-du-Mont (Calvados), Saint-Paterne (Sarthe), Saint-Pois (Manche) et enfin Saint-Pern (Ille-et-Vilaine).

Cependant, s’agissant de ce dernier, deux objections peuvent être immédiatement soulevées à l’encontre d’une telle identification : si le vocable de l’église du lieu est uniformément saint Paterne depuis le milieu du XIe siècle[3], il est noté au IXe siècle sous la forme saint Bern, dans laquelle on veut reconnaître un anthroponyme breton ; et surtout, comme l’atteste le colophon de son magnifique évangéliaire transporté depuis à Tongres, cette église était  localisée dans l’évêché d’Alet, désigné ici par le nom de son plus illustre pontife, saint Malo (librum evangelistarum ecclesiae S[an]c[t]i Berni in Episcopatu S[an]c[t]i Machutis)[4]. De fait, l’appartenance de l’église de Saint-Pern à ce diocèse est bien attestée au moins depuis son érection en paroisse en 1149[5] et jusqu’à la fin de l’Ancien régime.

La première objection n’apparaît nullement dirimante : l’existence d’un “saint” breton du nom de Bern/Pern, identifié à l’occasion avec Paterne, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’évêque d’Avranches ou bien de celui de Vannes, n’a pas à être ici révoquée en doute car ce type de confusion réciproque, volontaire ou involontaire, sur la base d’une vague homophonie entre les noms de deux personnages, est bien avéré. A Saint-Servan, siège primitif de l’évêché d’Alet, l’illustre évêque de Tongres, Servais, saint tutélaire de la dynastie des Pippinides, s’est ainsi vu remplacer par un personnage d’origine celtique, au demeurant distinct de l’apôtre des Orcades[6].

La seconde objection constitue quant à elle le point d’appui de notre « hypothèse au carré »[7] : celle-ci ne peut être en effet valablement formulée  ̶  avec toutes les précautions d’usage  ̶  que si l’identification de Saint-Pern avec l’un des monastères fondés par Paterne d’Avranches est préalablement admise. Le cas échéant, il pourrait s’agir de la confirmation du recul vers l’est de la limite occidentale de la civitas de Rennes, admis par la plupart des auteurs ; mais un recul beaucoup moins précoce donc qu’il n’est habituellement supposé[8] et plus tardif encore que ne pouvait le laisser à penser la formation sur cette nouvelle limite du “glacis martinien” voulu par Melaine de Rennes[9] ; recul qu’il conviendrait dès lors de mettre en rapport avec une poussée des Bretons, contemporaine de celle qui s’observe dans le sud de la péninsule[10], et dont rendrait compte ici la curieuse désignation « Rennes de Bretagne », si tant est que cette formule est bien sortie de la plume de Venance Fortunat.


©André-Yves Bourgès 2012


[2] H. Atsma, « Les monastères urbains du nord de la Gaule », Revue d'histoire de l'Église de France, t. 62 (1976), n°168, p. 171, n. 39.
[3] A. de la Borderie, Fondation du prieuré de Saint-Pern. Chartes inédites des XIe et XIIe siècles, Nantes, 1887, p. 10.
[4] J. Petit-de Rosen, « Description d'un Évangéliaire du Trésor de Notre Dame de Tongres », Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, t. 1 (1852-1853), p. 70 ; C.-M.-T. Thys, « L’église de Notre-Dame à Tongres », Annales de l’Académie d’archéologie de Belgique, 2e série, t. 2 (1866), p. 251.
[5] A. de la Borderie, Fondation du prieuré de Saint-Pern…, p. 15.
[6] L. Campion, S. Servatius évêque de Tongres, patron de Saint-Servan, Rennes-Paris, 1904,
[7] L’expression est empruntée à J. Poucet, Les origines de Rome, Bruxelles, 1985, p. 165, n. 23.
[8] Un précis et précieux status quaestionis figure chez J.-P. Brunterc’h, « Géographie historique et hagiographie : la vie de saint Mervé », Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes, t. 95 (1983), n° 1, p. 14-17.
[9] A. Chédeville, « Un évêque "martinien" au temps de Clovis : saint Melaine de Rennes », Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. 63 (1997), p. 229-240
[10] Grégoire de Tours, Dix livres d’histoire, V, 16, 26, IX, 18, X, 9 et 11.

08 juin 2012

Malo ou l'ancien patron de la nation bretonne

Le blog Hagio-historiographie médiévale est heureux de publier ci dessous une notule de notre ami Bertrand Yeurc'h.


Dans le cadre de nos recherches sur l'armorial breton du manuscrit l'Argentaye [1], notre route a croisé celle de saint Malo. Le début de ce texte a pour but d'expliquer l'origine des hermines héraldiques bretonnes. Il relate l'histoire d'une reine de Bretagne devenue veuve, qui confia secrètement, par peur pour leur vie, ses deux fils, enveloppés dans un manteau d'hermine, à l'évêque de Saint-Malo, leur oncle qui les baptisa et les éleva. Devenu grands, ils furent présentés au monde lors d'un tournoi à Paris utilisant les hermines comme armoiries. L'évêque de Saint-Malo les présenta au roi, qui fit alliance avec eux. Puis ils rentrèrent en Bretagne où ils furent bien accueillis.
            L'évêque malouin est peut-être une allégorie de saint Malo, dont le nom, bien avant celui de  saint Yves, servait de cri de guerre. Les sources littéraires et en particulier les chansons de gestes, dont les plus anciennes datent du xiie siècle, sont abondantes à ce sujet : Girart de Roussillon, « les bretons crient Malo ! » [2] ; Aspremont, « Lors ont breton lor anseigne escriee, / C'est « Seinz Malo ! », qui est de lor contree » [3] ; roman de Rou, « et bretun : Maslon, maslon ! Crient » [4] ; la chanson des Saxons, « là fu bien escriez de Brotons sanz Malax [ms. A : Mallaus] ! » [5] ; Beuves de Commarchis, « Et Hunaus Saint Malo, le cri de son pays » [6] ; l'entrée d'Espagne, « saint Machot ! […] saint Machloit ! » [7] ; la chevalerie Ogier de Danemarche, « Et saint-Malo hautement Salemons » [8] ; le livre des miracles de Notre-Dame de Chartres, « ce sont bretons ne de Breteigne / de seint Mallon portent lenseigne » [9] ; le bon Jehan, « Malo, Malo au riche duc ! » [10]. Saint Malo jouait alors pour les bretons un rôle équivalent à celui que joua saint George pour les anglais. Avant d'être confronté à ce rôle prééminent de saint Malo, nous nous attendions plutôt à rencontrer saint Samson, évêque de Dol
            Malo était patron d'une église à Rome (San Macuto) dès 1192 [11], ce qui donne un autre indice de son ancienne prééminence. Il semble que ce soit, de plus, la seule paroisse d'Italie usant de ce vocable. L'unique autre saint breton pour lequel fut consacrée une église romaine est Yves (Sant'Ivo dei Bretoni). Il y a donc, comme avec les cris de guerre, un passage de relais entre Malo et Yves.
            La raison de l'invocation de Malo par les Bretons nous est inconnue, mais ce choix remonte au moins au milieu du xiie siècle, donc plus de 150 ans avant l'adoption des hermines par les ducs de Bretagne. Il nous semble que l'aura de Malo a été jusqu'ici quelque-peu sous estimée, en partie à cause de son remplacement par Yves comme patron de la nation bretonne. Il serait intéressant que des hagiologues se penchent sur cette ancienne prééminence de Malo par rapport aux autres saints bretons et en particulier à Samson. Par exemple, une reprise du dossier de l'érection de Dol en métropole bretonne permettrait certainement de renouveler l'idée que nous nous faisons des rapports de forces entre l'ancien évêché d'Alet et l'abbaye doloise.
 
Bertrand Yeurc'h


[1]    BnF, ms. fr. 11464, fo 65vo-70 (texte accessible en ligne ici).
[2]    P. Meyer, Girart de Roussillon: chanson de geste traduite pour la première fois, Paris, 1884, ccxxxiv-351 p. (147, p. 83).
[3]    F. Suard, Aspremont : chanson de geste du xiie siècle, Paris, 2008, 748 p. (9004-5, p. 564).
[4]    F. Pluquet, Le roman de Rou et des ducs de Normandie par Robert Wace, poète normand du xiie siècle publié pour la première fois, d'après les manuscrits de France et d'Angleterre avec des notes pour servir à l'intelligence du texte, Rouen, 1827, 2 t. (7845).
[5]    F. Michel, La chanson des Saxons par Jean Bodel, publiée pour la première fois, Paris, 1839, 2 t. (t. i, p. 195).
[6]    M. Scheler, Bueves de Commarchis par Adenés li Rois : chanson de geste publiée pour la première fois et annotée, Bruxelles, 1874, xvi-187 p. (3775).
[7]    A. Thomas, L'entree d'Espagne : chanson de geste franco-italienne publiée d'après le manuscrit unique de Venise, Paris, 1913, 2 t. (8570 et 8607).
[8]    La chevalerie Ogier de Danemarche par Raimbert de Paris : poëme du xiie siècle, Paris, 1842, 2 t. (12694).
[9]    P.-A. Gratet-Duplessis, Le livre des miracles de Notre-Dame de Chartes, écrit en vers, au treizièle sicèle par Jehan Le Marchant, publié pour la première soi d'après un mansucrit de la bibliothèque de Chartes, Chartres, 1855, xxvii-lxiv-318 p. (p. 102).
[10]  J.-M. Cauneau et D. Philippe, Chronique de l'Etat breton : le bon Jehan et le jeu des échecs, Rennes, 2005, xviii-602 p. (1166 et 2224).
[11]  B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, « L'église Saint-Malo de Rome (San-Macuto) », Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 36, 1916, p. 85-108 (p. 88).