01 avril 2014

Deux traditions médiévales de Landévennec transplantées en Léon : (I) la légende mariale de Salaün

Deux traditions médiévales qui avaient cours à l’abbaye cornouaillaise de Landévennec ont connu une transplantation et une acclimatation en Léon : la première tradition concerne le pays natal de saint Guénolé et les lieux de sa jeunesse, qui ne se situeraient pas dans les parages de Saint-Brieuc et en Goëllo (Ploufragan et archipel de Bréhat) comme l’indiquent les textes hagiographiques les plus anciens (IXe siècle), mais à Plouguin, plus particulièrement au village de Lesven, et dans les alentours ; la seconde tradition se rapporte à l’histoire de Salaün, héros d’une gracieuse légende mariale localisée à Landévennec et rapportée par l’abbé du lieu, Jean de Langouesnou, mais par la suite confisquée au profit quasi-exclusif du sanctuaire du Folgoët, près de Lesneven.

Dans le cadre d’un travail en cours consacré à l’examen de certaines sources dont s’est servi en son temps le Père Albert Le Grand de Morlaix, nous reviendrons sur les supposées attaches familiales de Guénolé et de sa mère, Guen, à Plouguin : il suffit de dire aujourd’hui que cette localisation se trouvait déjà dans un texte hagiographique dont Pierre Le Baud eut connaissance aux années 1460-1480[1] ; et que l’auteur de cette hagiographie, à l’instar de celui de la pseudo-notice qui figure dans une copie du XVIe siècle du cartulaire de Landévennec[2], ont sans doute été encouragés, sinon commandités par la famille de Lesguen, dont ils venaient au soutien des prétentions généalogiques[3].

En revanche, c’est de l’« Histoire miraculeuse contenant le mystère de Notre-Dame du Folgoët » [4] dont nous souhaitons aujourd’hui entretenir nos lecteurs ; mais il nous faut dès à présent indiquer que, si Salaün est décrit comme originaire des environs de Lesneven, les circonstances de la fondation du sanctuaire proche du Folgoët ne se trouvent probablement pas dans l’histoire de ce personnage et du miracle dont il aurait été gratifié après sa mort : le récit en question — comme l’ont montré plusieurs études récentes, reprenant l’opinion déjà ancienne exprimée par dom Noël Mars et finalement entérinée par A. de La Borderie[5] — se rapporte en réalité aux origines d’une chapelle homonyme située à immédiate proximité et dans la dépendance de l’abbaye de Landévennec. D’ailleurs, comme nous l’avons déjà indiqué, l’auteur de l’« histoire miraculeuse » du Folgoët, Jean de Langouesnou, dans lequel nous croyons également pouvoir reconnaître le compilateur du Chronicon Briocense et l’arrangeur de la légende de saint Budoc[6], était abbé du lieu et se présente en outre comme un témoin oculaire des faits[7] qu’il localise incontestablement dans les parages du grand monastère cornouaillais : il est clair que les escoles (ainsi Pascal Robin traduit-il le latin scolae du texte original de Jean de Langouesnou), fréquentées sans succès par Salaün, dont son biographe souligne ainsi, avec délicatesse, l’idiotie congénitale, sont plutôt à chercher du côté de Landévennec que de Lesneven[8] ; il en va de même pour la fontaine près de laquelle Salaün avait élu domicile[9]

D’autres arguments pourraient être apportés au renfort de cette hypothèse : le récit de Jean de Langouesnou laisse en effet entendre clairement que la chapelle Notre-Dame du Folgoët fut bâtie au-dessus de la sépulture de Salaün ; or, il n’est jamais question dans l’histoire du sanctuaire léonard d’un tombeau, ni même simplement d’une marque distinctive qui aurait permis de repérer cette sépulture. En tout état de cause, l’histoire de Salaün, contribution sans originalité excessive à la légende mariale, constitue un intéressant témoignage sur un type de religion moins populaire que marginale, qui s’exerçait en Bretagne au travers de pratiques dévotionnelles souvent excessives[10]

Si l’on veut emporter définitivement la conviction que le touchant récit de Jean de Langouesnou se rapporte en fait au Folgoët de Landévennec et qu’il a fait l’objet d’une véritable captation par le sanctuaire homonyme du Léon, il reste à répondre à trois séries de questions : quelles furent les circonstances de la fondation du Folgoët de Lesneven ? Quelles étaient les motivations de Jean V quand il s’intéressa pour la première fois à cette chapelle, dès 1420 ? Quand et par qui l’histoire de Salaün a-t-elle été introduite sur place ?
Comme nous l’apprennent les précieux documents réunis par D.-L. Miorcec de Kerdanet[11], il paraît y avoir eu au Folgoët dès 1410 un sanctuaire qui faisait l’objet cette année-là de deux donations par Hamon Quiniou et Tanguy de Coëtmenec’h ; puis à nouveau le 4 octobre 1416 : le donateur était cette fois un certain Prigent Gouzian. Le 21 mars 1420, un nouvel acte de donation (par le vicomte de Rohan) mentionne « l’ostel Prigent Gouzian jadix à ladite chapelle, qui est fait de nouvel »[12], ce qu’il faut sans doute interpréter comme l’indice d’une reconstruction de l’édifice entre 1416 et 1420. Les premiers donateurs étaient majoritairement des habitants du lieu ou des seigneurs du pays : une douzaine de bienfaiteurs, partagés à peu près également entre nobles et roturiers, ont ainsi précédé le duc de Bretagne entre 1410 et 1420[13]. Les raisons qui ont motivé leur implication dans la (re)construction du sanctuaire du Folgoët ne sont pas connues avec précision : nulle référence en tout cas à l’histoire de Salaün dans les attendus des actes de donation. Par contre, comme le rappelle T. Malmanche, dont il faut rappeler en la circonstance qu’il avait suivi, en 1898-1899 et 1899-1900, à l’École pratique des hautes études, les conférences de la section des sciences historiques et philologiques où il était inscrit à celle de H. Gaidoz[14], on vénère au Folgoët la statue d’une « Vierge miraculeuse », ainsi nommée « parce qu’elle a produit des miracles. Et ceci est absolument dans l’ordre des choses », poursuit T. Malmanche, qui souligne de surcroît combien les historiographes sont « peu explicites » quant à la provenance de cette statue ; « mais ce qui serait contraire à toute logique », continue le grand dramaturge breton, « c’est qu’à la suite d’un miracle, on fabriquât une statue miraculeuse… »[15]. Donc, la statue en question n’a effectivement aucun rapport avec l’histoire de Salaün ; à l’inverse, contemporaine de la construction de l’édifice[16], elle est peut-être à l’origine du sanctuaire, au travers d’une découverte « miraculeuse » comme ce fut le cas vers la même époque à Rostrenen ou à Josselin[17].

Il ne saurait être question de réduire les motivations de Jean V aux seuls aspects politiques comme on le voit très souvent : à défaut d’être pieux, l’homme était profondément croyant, nous le savons, et plein de dévotion à l’égard de l’égard de la Vierge. Durant sa séquestration par le parti de Blois-Penthièvre, craignant de ne pas recouvrer sa liberté vivant, le duc avait fait, selon son habitude, une série de vœux dont le plus célèbre consistait, s’il échappait à son sort, à remettre aux Carmes de Nantes « son pesant d’or tout armé » ; Jean V s’était également engagé à se rendre en pèlerinage aux Lieux Saints dans les trois mois qui suivraient sa libération et son retour en Bretagne. Libéré le 5 juillet 1420, il exécuta le premier vœu le 14 juillet suivant[18] et obtint rapidement, le 28 août 1420, d’être relevé du second par le pape Martin V ; mais il dut payer en contrepartie « une somme de 10000 florins de la Chambre aux fabriques des églises de son duché et une autre somme égale aux fabriques canoniales de Saint-Jean de Latran et de Saint-Pierre de Rome »[19]. Nous savons que le duc s’acquitta correctement de cette lourde dette, au moins en ce qui concerne la somme à donner aux fabriques des églises romaines[20] ; nul doute qu’il fit de même pour celles de Bretagne, sinon qu’il a peut-être étalé ses paiements dans le temps en fonction de ses facilités de trésorerie : voilà l’origine d’une partie au moins de ses multiples interventions financières au profit de très nombreux sanctuaires. Dès le 8 octobre 1420, le duc avait fait porter son obole à celui du Folgoët par Jean Droniou[21]. Au passage, celui-ci passa commande pour son propre compte d’une statue de sainte Catherine : « taillée dans le kersanton, la sainte porte sur son voile la couronne ducale, et sur son socle le nom du donateur, Jean Droniou, trésorier et receveur général de Bretagne de 1420 à 1428 »[22]. On sait que l’intérêt de Jean V ne devait pas se limiter à ce seul geste et que la chapelle du Folgoët, bientôt érigée en collégiale, a constitué l’un des plus beaux fleurons du réseau de sanctuaires « nationaux » voulu par le duc.

Il reste à déterminer quand et par qui l’histoire de Salaün a été introduite au Folgoët. Une partie de la réponse peut être inférée de la peinture à fresque qui, dans la collégiale, représentait les principaux épisodes de cette histoire et sur laquelle se voyaient au premier niveau, « vis-à-vis l’un de l’autre, un duc et une duchesse à genoux, que nous croyons être Pierre II et Françoise d’Amboise, parce que cette dernière y est vêtue en religieuse carmélite. Le duc, au contraire, porte son manteau ducal, parsemé d’hermines, et sa couronne est posée devant lui sur un coussin » ; tout en haut, « Salaun se présente au B. S. Yves, lequel est ici figuré en soutane noire, rabat blanc et chapeau à trois cornes. Le même saint est assis devant une table, sur laquelle on peut lire cette légende tirée de Jean de Langoueznou : nihil addiscere potuit quam haec duo verba Ave Maria, quae pius duplicabat, triplicabatque. Enfin dans le lointain, apparaît la ville de Lesneven, avec ses tourelles, ses arcades, ses monuments»[23]. En 1467, dix ans après la mort de son mari, Françoise d’Amboise avait pris l’habit du Carmel qu’elle porta jusqu’à sa mort en 1485 ; or, il se trouve que les Carmes de Saint-Pol-de-Léon ont joué, aux dires du P. Cyrille Le Pennec, un rôle essentiel dans la promotion du sanctuaire du Folgoët, rôle d’ailleurs reconnu à sa juste valeur dès 1505 par Anne de Bretagne dont les religieux obtinrent à l’époque le privilège insigne de pouvoir célébrer sur place la grand’messe annuelle du 15 août[24]. Nous pouvons donc supposer que le récit de Jean de Langouesnou, dont le manuscrit était conservé au palais épiscopal, a été acclimaté au Folgoët par les Carmes de Saint-Pol-de-Léon. La fresque, « quoique d’un dessin barbare et sans goût », qui lui conférait un certain cachet d’antiquité, ne datait sans doute que du XVIIe siècle[25] : l’artiste, toujours sur les indications des Carmes, avait peint la duchesse avec la robe de leur ordre ; il avait également représenté, d’abord en compagnie de Salaün, puis assis à sa table de travail, l’hagiographe Jean de Langouesnou, auquel il avait donné l’habit d’un séculier — « soutane noire, rabat blanc et chapeau à trois cornes » — d’où la confusion avec saint Yves dans la notice de D.-L. Miorcec de Kerdanet.

Restent à déterminer le terminus a quo constitué par la transplantation de cette légende et le terminus ad quem dont témoigne son acclimatation. Contemporain de la paraphrase en français composée par P. Robin, nous disposons du témoignage très explicite de Guillaume Postel :
ad trium historum liliorum miraculum primo in loco debet poni et haberi lilium de Folgoet in Cornouailliae episcopatu, ad sepulchrum beati Salaun, ubi cum litteris aureis scribitur Ave Maria, quia devotissimus Beatae Mariae assidue dicebat O O O O O O Maria Ave Maria semper jejunans in pane et aqua et Virgo manens juxta fontem in cava arbore agens.
La localisation in Cornouailliae episcopatu, malgré l’étrangeté de la forme employée ne laisse en effet que peu de place au doute : le lieu de la sépulture de Salaün et du miracle du lys n’est pas situé en Léon, mais en Cornouaille, du moins dans l’opinion de Postel, à qui tout esprit de clocher devait en l’occurrence être étranger puisqu’il n’était pas breton[26]. Soulignons à cet égard qu’un homonyme, Jean Postel, peut-être un parent, car il évoluait dans le même milieu curial que Guillaume, était sensiblement à la même époque doyen commendataire du Folgoët[27].

Les jésuites Mathieu Rader et Philippe de Berlaymont dans leurs ouvrages respectifs publiés en 1614 et 1619[28] s’en tiennent au texte de Jean de Langouesnou auquel ils font explicitement référence : nulle part, dans ces résumés assez secs, il n’est fait référence au Folgoët, de Cornouaille ou de Léon, et le seul toponyme mentionné l’est par Berlaymont, qui rapporte comment Salun conferebat se ad certum quidam fontem ab urbe Landevenec una ferme leuca dissitum. En fait, il faut attendre la publication en 1634 de l’ouvrage du P. Cyrille Le Pennec suivi, en 1637, par la somme hagiographique d’Albert Le Grand, qui consacre une notice à « L’histoire de la fondation de Nostre-Dame du Follcoat, en Léon le 8 mars », pour voir apparaître des modifications sensibles de la légende originelle, dans la perspective de son enracinement léonard. A cette occasion, le Père Cyrille vient enrichir le récit du miracle avec un motif supplémentaire : s’il était bien question, dans le premier état de la légende, du lis qui pousse sur la tombe de Salaün après sa mort et dont les fleurs portent inscrites en lettres d’or les mots : Ave Maria — les seuls mots latins que le pauvre innocent eût jamais réussi à apprendre quand il fréquentait à Landévennec l’école du monastère — rien n’était dit au sujet d’une fouille du tombeau qui aurait montré que le lis sortait de la bouche même de Salaün. Comme le souligne dom Gougaud[29], ce second motif hagiographique a certes souvent accompagné, mais pas systématiquement, le premier. Le Père Cyrille a pu emprunter le rapprochement de ces deux motifs à la Légende dorée, pour les faire figurer ensemble dans le récit miraculeux du Folgoët. Quant à la célèbre réponse de Salaün aux soudards qui le pressaient de se déclarer pour tel ou tel parti pendant la guerre de Succession de Bretagne : ni Blois, ni Montfort, vive Madame Marie — formule à laquelle paraît faire écho six siècles plus tard le célèbre slogan autonomiste breton : na ruz, na gwenn, Breizhad hepken — elle apparaît dans l’ouvrage du Père Albert, qui a peut-être trouvé l’anecdote dans ses propres sources léonardes.

Reste à savoir pourquoi Jean de Langoueznou, si du moins son traducteur lui a été fidèle, a brodé dans son récit autour du seul premier motif : son ignorance du stade le plus élaboré de la légende du tombeau fleurdelisé paraît peu vraisemblable compte tenu du succès et de la diffusion de la Légende dorée. Mais envisager qu’un scrupule de l’historien qu’il était peut-être l’ait retenu d’accentuer le caractère miraculeux déjà très affirmé de l’histoire de Salaün, c’est assez sûrement risquer d’encourir à nouveau le reproche d’une interprétation trop rationalisante et trop restrictive de ce que le père Le Jollec avait quant à lui désigné en son temps l’événement du Folgoët et qui, s’agissant du sanctuaire léonard, s’apparente plutôt à un non-événement, du moins vu de Landévennec.

André-Yves Bourgès © 2014



[1] P. Le Baud, Chroniques et Ystoires des Bretons, livre 3, édition [partielle] par Ch. de la Lande de Calan, t. 2, Nantes, 1910, p. 17.
[2] Ms Paris, BnF, lat. 9746, f. 79v. A. Ramé, « Rapport sur le cartulaire de Landévennec », Bulletin philologique et historique du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1882, p. 420, évoque l’hypothèse d’une possible copie intermédiaire datée 1436. Cette hypothèse, comme le signale J.-C. Poulin, L'hagiographie bretonne du Haut Moyen Âge. Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009 (Beihefte der Francia, 69), p. 410, a été développée « sans doute sur la foi d’une mention ajoutée à la fin de l’acte 39 du cartulaire, au fol. 76v, mais absente du ms. de Quimper : Anno Domini  millessimo (sic) CCCC.XXX.VI ».
[3] R. Latouche, Mélanges d’histoire de la Cornouaille (Ve-XIe siècle), Paris, 1911, p. 28, n. 5.
[4] Tel est le titre de la paraphrase française par Pascal Robin, sieur du Faux, du récit de Jean de Langouesnou, autrefois conservé dans le trésor de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon ; cette paraphrase a été insérée dans le recueil intitulé Histoire de la vie, mort, passion et miracles des saints, dont le maître d’œuvre était René Benoist et qui a connu deux éditions, l’une et l’autre parisiennes, en 1579-1580 et en 1607. Nous avons utilisé le texte donné par L. Lécureux, « La légende de Notre-Dame du Folgoët », Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. (1916), p. 119-132, d’après l’édition de 1579-1580 (avec les additions de l’édition de 1607) et celui donné par J. Le Jollec, Histoire miraculeuse contenant le mystère de Notre-Dame du Folgoët. Essai critique, Quimper, 1949, p. 12-18, d’après la seule édition de 1607. L’original latin de Jean de Langouesnou (en latin), également connu des jésuites M. Reder et Ph. de Berlaymont, ainsi que du P. Cyrille Le Pennec, qui semble en avoir eu communication de la part d’un chanoine du Folgoët, a depuis disparu ; mais sa réalité est incontestable et — outre la belle et célèbre hymne mariale Languentibus in purgatorio, composée pour la même occasion — deux très courtes citations de cet ouvrage ont été conservées : voir Le dévot pèlerinage du Folgoët, publié en 1634 par le P. Cyrille Le Pennec, réédité par D.-L. Miorcec de Kerdanet dans son édition des Vies des saints de la Bretagne armorique, d’Albert Le Grand, p. 81 et 82.
[5] Voir la synthèse de dom M. Simon, « Le Folgoat de Landévennec : la tradition des moines », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 75 (1997), p. 37-43.
[6] A.-Y. Bourgès, « Jean de Langouesnou, abbé de Landévennec, auteur du Chronicon Briocense ? », Hagio-historiographie médiévale (30 novembre 2005) [accessible en ligne à l’adresse : http://hagio-historiographie-medievale.org/2005_11_01_archive.html].
[7] « Je, Jean de Langoueznou, Abbé dudit lieu de Landevennec, ay esté présent au miracle cy-dessus, l’ay veu, et ouy, et si l’ay mis par escrit à l’honneur de Dieu et de la benoiste Vierge Marie ».
[8] « Or il advint que tel enfant Salaün fust envoyé aux escoles en l’aage puéril, et n’y sçeut apprendre autre chose que ces paroles en latin, Ave Maria c'est-à-dire, je te saluë, ô Marie ! lesquelles il redisoit fort souvent, jusques à trois, quatre, cinq et six fois ordinairement. Il fut ainsi renommé par tout la contrée de Landevenec et aux environs, en cherchant l’aumosne… »
[9] « Parquoy les habitans du pays lui distribuoient sur l’heure ce qu’il [sic] devoient manger eux mesmes : et lors s’en alloit à une certaine fontaine esloignée de la dicte ville [var. : cité ville] de Landevenec de demie-lieüe de Bretagne (qui revient bien à trois quarts de lieüe de France ou d’Anjou mesme) qui est du costé du midy ».
[10] Les pratiques ascétiques et pénitentielles décrites dans ce texte mériteraient un examen plus approfondi. Certaines sont « traditionnelles » (Salaün est un pauvre, un mendiant) : le pain mouillé dans l’eau pour toute nourriture ; le coucher à même le sol. D’autres sont plus « étonnantes » (Salaün est un « fol ») : l’immersion jusqu’aux aisselles dans l’eau glacée (rappel du baptême ? Simulacre ordalique ? Régulation de la libido ?) ; l’oraison mariale codifiée, tout en s’accrochant aux branches d’un arbre (souvenir des saints  dendrites ?)
[11] D.-L. Miorcec de Kerdanet, « Notice sur Notre Dame du Folgoat composée sur les titres originaux », dans son édition des Vies des saints de la Bretagne armorique, d’Albert Le Grand, p. 115-184.
[12] Idem, p. 128.
[13] Id., p. 129.
[14] École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques, Annuaire (1900), p. 124 ; Annuaire (1901), p. 175.
[15] T. Malmanche, La Vie de Salaün qu’ils nommèrent Le Fou, suivie du Conte de l’Ame qui a faim. Version Française avec une Introduction de l’Auteur, 2e édition, Paris, 1926, p. LVII.
[16] D.-L. Miorcec de Kerdanet, « Notice sur Notre Dame du Folgoat composée sur les titres originaux », p. 124.
[17] Ch. Prigent, Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne 1350-1575, p. 488-489.
[18] H. Martin, Les Ordres mendiants en Bretagne (vers 1230-vers 1530)…, p. 218-219.
[19] B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne. Essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, p. 356.
[20] Ibid.
[21] R. Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, [5 vol.] Nantes, 1889-1895, n° 1464.
[22] Ch. Prigent, Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne 1350-1575, p. 182. Ainsi, l’origine bretonne de la Vierge d’Alexandrie et même son appartenance à la dynastie ducale étaient donc déjà acquises à cette date.
[23] D.-L. Miorcec de Kerdanet, « Notice sur Notre Dame du Folgoat composée sur les titres originaux », p. 122.
[24] C. Le Pennec, Le dévot pèlerinage du Folgoët, p. 98.
[25] J. Cambry, Voyage dans le Finistère [avec des notes du chevalier de Fréminville], réédition, Paris, 2000, p. 166, n. 11
[26] A.-Y. Bourgès, «Un témoignage sur l'existence en Cornouaille au XVIe siècle d'une tradition locale relative à Salaün et au miracle du Folgoët », Hagio-historiographie médiévale (10 mai 2009) [accessible en ligne à l’adresse : http://hagio-historiographie-medievale.org/2009/05/un-temoignage-sur-lexistence-dune.html].
[27] D.-L. Miorcec de Kerdanet, « Notice sur Notre Dame du Folgoat composée sur les titres originaux », p. 153-157.
[28] M. Rader, Viridarii Sanctorum. Pars altera, Münich, 1614, p. 177-179 ; Ph. de Berlaymont, Paradisus puerorum, Cologne, 1619, p. 768-769.
[29] H. Gougaud, « Recherches sur une légende mariale du Moyen Age », Quatrième congrès marial breton (septembre 1913), Quimper, 1915, p. 469- 476 ; réédition dans G. Milin et P. Galliou [dir.], Hauts lieux du sacré en Bretagne, Brest (1997), p. 42-47 (Kreiz, 6). Le relevé de dom Gougaud tend à montrer que le premier motif, celui du lis dont les fleurs portent Ave Maria et qui pousse sur le tombeau d’un innocent dévoué sa vie durant au culte de la Vierge, est sans doute le plus ancien ; et qu’il s’est développé en même temps que les abbayes cisterciennes, précisément au moment où l’essor économique de ces maisons a dépassé les possibilités de travail des moines eux-mêmes et où ces derniers ne s’étaient pas encore résolu à confier à des tenanciers le faire-valoir de leur immense richesse foncière : il a fallu alors faire massivement appel aux frères convers dont les origines, pour nobles qu’elles fussent à l’occasion — le relevé de dom Gougaud évoque à plusieurs reprises le cas de chevaliers entrés tardivement dans la vie monastique et il s’agit là manifestement d’un topique — ne préparaient pas forcément, surtout chez un soldat qui pouvait avoir reçu durant sa carrière nombre de coups sur le crâne, à l’acquisition intellectuelle du bagage de culture latine exigé pour être moine du choeur. En revanche, cette main d’oeuvre rustique, aux différents sens actuels du terme, témoignait d’un zèle religieux qu’il convenait d’encourager par des exempla auxquels elle pût s’identifier. A ce premier motif est venu s’adjoindre dès avant la fin du XIIIe siècle celui du lis qui sort de la bouche de l’innocent enterré sous ce lis, motif évidemment inspiré de celui très proche de l’arbre miraculeux aux feuilles également pleines d’Ave Maria qui prend racine dans la bouche de celui dont il protège le tombeau.