Pierre Riché est mort à Paris le 6 mai
dernier à l’âge de 97 ans, la même semaine que Fanch Morvannou, dont nous avons
rapidement évoqué la mémoire ici même. L’œuvre considérable du professeur Riché
sera célébrée par ses pairs à hauteur de ses apports fondamentaux à la
connaissance du haut Moyen Âge. Pour notre part, nous souhaitons souligner le
rôle joué par ce chercheur dans la relance des études hagiologiques bretonnes,
depuis son article de 1966 sur les hagiographes bretons et la Renaissance carolingienne,
qui avait réveillé « la Belle au bois dormant »[1] ;
article non seulement précurseur, mais encore particulièrement roboratif, dont son auteur a plus
tard indiqué qu’il lui avait été largement inspiré par la démarche et les
travaux de François Duine[2].
Ainsi,
au tournant des années 1970-1980, après un demi-siècle de torpeur, est apparu un
regain d’intérêt pour le matériau hagiographique breton. Et
en 1985, Pierre Riché, Léon Fleuriot et Bernard Merdrignac, – qui avaient
rejoint le Père Marc Simon, moine de Landévennec, et quelques autres au sein du
comité chargé d’organiser, dans le cadre du 15e centenaire de la
fondation supposée de la vieille abbaye cornouaillaise, un colloque scientifique
international, – virent aboutir les efforts de près de trois années de
préparation : manifestation d’une ampleur sans précédent régional depuis
les grands congrès savants du XIXe siècle, ce colloque, intitulé Landévennec et le monachisme breton dans le
haut Moyen Âge, allait, par la fécondité de ses travaux et par la richesse
de ses échanges, orienter pour trois décennies au moins les études médiévales
bretonnes, singulièrement pour la période que les historiens anglo-saxons
désignent sous l’appellation de Dark Ages.
Mais
c’est à ses fruits que l’on reconnaît le bon arbre (Mt 7, 16-20) : comme ne
faiblissait pas le sentiment de véritable renouveau qu’avait fait naître chez
de nombreux spécialistes le colloque de 1985, furent jetées, dès l’année suivante,
par les mêmes organisateurs, les bases d’une institution, le Centre
international de recherche(s) et de documentation sur le monachisme celtique,
dont l’acronyme, CIRDoMoC, rappelle en manière de clin d’œil les noms des
Matmonoc, Wrmonoc et autres Liosmonoc[3].
Malgré la disparition prématurée de Léon Fleuriot en 1987, ses collègues ne
renoncèrent pas au projet, tant se faisait sentir le besoin d’un
« lieu » d’échanges, ouvert à tous (universitaires, membres de
sociétés savantes, chercheurs indépendants ou encore simples passionnés et
grand public cultivé) afin de favoriser une approche spécifique dans laquelle le
matériau hagiographique breton, et même plus largement « celtique », allait
occuper en tant que sujet d’étude une place de choix. Animé par Gwenaël Le Duc
en tant que son secrétaire et son « sergent recruteur », sous la
présidence de Pierre Riché, dont le nom et l’autorité permirent d’installer d’emblée
le CIRDoMoC à l’égal des sociétés savantes les plus renommées, organisa dès juillet
1988 à l’abbaye de Landévennec, son siège social, sa première journée d’étude
intitulée Irlandais et Bretons dans l’Europe
du haut Moyen Âge. Pierre Riché laissa le fauteuil de président au professeur
François Kerlouégan en 1993 ; mais il
continua pendant de nombreuses années à honorer de sa présence les journées d’étude
annuelles de Landévennec.
Pour
qui souhaiterait entendre à nouveau la voix de Pierre Riché et mesurer la
profondeur de son savoir tout autant que la clarté pédagogique qui caractérisait
ses exposés, nous invitons à cliquer sur le lien suivant (la conférence
dont il s’agit, sur les « Influences religieuses irlandaises sur le
continent au début du moyen-âge » a été prononcée en 2011) :
André-Yves Bourgès
[1] P. RichÉ, « Les hagiographes bretons et la Renaissance
carolingienne », Bulletin philologique et historique (jusqu'à
1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques. Actes du 91e Congrès national des sociétés savantes tenu à
Rennes 1966, t. 2 (1968), p. 651-659 ; Idem,
« Le réveil de la Belle au
Bois Dormant : l'histoire de la Bretagne dans le très Haut Moyen Age (Ve-VIIIe
siècles) », C. Laurent, B.
Merdrignac, D. Pichot [dir.], Mondes de l'Ouest et villes du monde : Regards
sur les sociétés médiévales. Mélanges en l'honneur d'André Chédeville, Rennes, 1998, p. 21-27.
[2] Idem, « Quelques réflexions d’un lecteur des Cahiers de l’abbé Duine », F. Duine, Souvenirs et observations, p. 335.
[3] F. Kerlouégan, « Avant-propos », L. Lemoine, B. Merdrignac et
A. Calarnou (éd.), Corona
Monastica – Mélanges offerts au père Marc Simon, Landévennec-Rennes, 2004 (Britannia monastica, 8), p. 13
Merci André-Yves de souligner l'importance de Pierre Riché dans le contexte de la recherche bretonne. J'ai pour ma part mis en ligne quelques notes personnelles sur mes premières rencontres avec le grand historien : http://blog.pecia.fr/
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