[Cette notule reprend l’essentiel d’un article ébauché en 2006, pour faire suite, sur les encouragements du regretté Bernard Tanguy, à nos discussions avec ce chercheur à propos de l’étude qu'il avait publiée l’année précédente. Nous avons saisi l’opportunité d’échanges très enrichissants avec Pierre Yves Quémener pour actualiser ce travail, lequel conserve encore un caractère d’ébauche].
L’étude très documentée de Bernard Tanguy sur « les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur »[1] — qui renouvelle les travaux anciens de René Largillière[2] et de René Couffon[3] — n’a pas permis à cet excellent chercheur de conclure positivement sur l’existence à Quimper d’une église Saint-Trémeur, comme on pourrait a priori le déduire de la lecture d’une bulle de 1147 confirmant à l’abbaye de Redon la possession de l’obedentia sancti Tremori in Corisopito civitate : force est de constater en effet que cette « obédience » (le mot désigne un prieuré ou une exploitation agricole dépendant d’un monastère plus important) n’a pas laissé d’autre trace documentaire à Quimper ; de surcroît, la ville « ne possède plus d’édifice dédié à saint Trémeur »[4]. Comme l’a suggéré Joëlle Quaghebeur, qui rappelle l’existence d’un tel sanctuaire à Carhaix, « le problème pourrait donc résider dans le sens à donner au terme de civitas : s’agit-il de la “cité” de Quimper ou du “territoire du diocèse” de Quimper ? »[5].
*
Pour notre part, nous privilégions la seconde possibilité et nous pensons que l’obedentia sancti Tremori doit être identifiée avec les possessions de Redon à Carhaix. « C’est cependant à Corisopitum », souligne Bernard Tanguy, « que le lectionnaire de Saint-Magloire, le légendaire de Tréguier et le bréviaire de Quimper s’accordent à placer le meurtre de Trémeur »[6] : il convient donc de prendre en compte la dimension hagiographique de cette problématique car, si l’on admet que le sanctuaire carhaisien fut élevé là où, comme le veut la tradition, le saint, rare exemple de céphalophorie en Bretagne, avait apporté sa tête, Trémeur aurait ainsi parcouru, depuis Quimper jusqu’à Carhaix, une soixantaine de kilomètres, distance qui le sacre incontestablement l’un des champions de cette singulière pratique sanctificatrice !
Carhaix (aujourd’hui Carhaix-Plouguer) est le chef-lieu du culte de Trémeur, que la tradition présente comme le fils de la malheureuse princesse Trifine et du redoutable Commor : un petit prieuré sous l’invocation du saint était assez renommé dès la fin du XIIe siècle pour que Béroul ait choisi de faire jurer le légendaire roi Marc par saint Tresmor de Cahares[7] ; le prieur revendiquait en outre d’être nommé le premier aux synodes diocésains[8], ce qui est l’indice que la notoriété de cette maison était également reconnue par les évêques de Quimper[9]. On trouve un accord entre Guy de Thouars, agissant en tant que duc de Bretagne, et l’abbaye de Quimperlé est passé « à Carhaix, dans le prieuré Saint-Trémeur » (apud Carahes in claustro sancti Tremori), en présence notamment d’Eliduc « prieur » du lieu (Eliduc, prior de Karahes)[10].
*
Une notice insérée dans leur cartulaire par les moines de Redon[11], nous apprend qu’au début du XIIe siècle le vicomte de Poher, Tanguy, « leur donna tout le terrain qui appartenait à sa mère auprès du château » (et dedit eis terram totam quam mater sua juxta castellum habuerat), ainsi que divers revenus provenant de l’exercice de la puissance publique. Nulle part n’est explicitement donné le nom de Carhaix, pourtant attesté au XIe siècle[12], et le castellum en question est demeuré anonyme ; mais Bernard Tanguy pense « qu’il s’agit bien de l’ancien château à motte de Carhaix »[13]. Après que les moines eurent édifié sur place un monastère en l’honneur du Sauveur du monde (edificato autem in supradicta data terra monasterio in honorem Salvatoris mundi), le vicomte de Poher compléta sa donation par la restitution des dîmes de la paroisse de Cléden-Poher et de Collorec (decimam parrochie Cleven quam jure hereditario possidebat et decimam Choloroc) ; de son côté, la femme du vicomte octroya aux moines la dîme de son moulin et, suivant leur exemple, deux propriétaires locaux, Alfred et Even, donnèrent des terrains proches du monastère. « Ce prieuré, peut-être connu également comme Saint-Nicolas, devint en 1371 collégiale sous le nom de Saint-Trémeur », synthétise avec vigueur Philippe Guigon[14].
Cependant, le terme castellum qui apparaît dans l’acte de fondation du monastère Saint-Sauveur pourrait tout aussi bien désigner le point d’appui fortifié de la lignée maternelle du vicomte ; or, comme l’a rappelé Hubert Guillotel[15], les vestiges d’un tel « château » se voient à Cléden-Poher, au lieu-dit La Roche, toponyme très caractéristique[16]. L’encadrement religieux du bourg castral aurait été confié, ici comme ailleurs en Bretagne, à des moines venus d’une grande abbaye de la partie orientale du duché[17] ; mais, si tel est bien le cas, la destinée du monastère Saint-Sauveur[18] et du bourg de La Roche-Cléden[19] a tourné aussi court que celle de la vicomté de Poher, dont les biens, dès le début du XIIIe siècle, « étaient intégrés dans le domaine ducal »[20].
Quant au prieuré Saint-Trémeur de Carhaix, que nous supposons donc avoir été distinct du monastère Saint-Sauveur, nous ignorons tout des circonstances de sa fondation, qui pourrait revenir à Saint-Gildas-de-Rhuys, où le culte de Trémeur était effectivement à l’honneur. En tout état de cause, ce prieuré était entré très tôt dans le patrimoine de Redon et ne devait plus en sortir jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ; mais tandis que l’ancienne église priorale, sécularisée, et plus tard érigée en collégiale, avait acquis dès avant 1368 le statut d’église paroissiale sous le titre de Saint-Trémeur[21], le prieuré bénédictin adoptait quant à lui le patronage de Saint-Nicolas, tout en conservant un rôle prééminent dans l’organisation ecclésiastique locale[22].
La légende de Tréphine et de Trémeur
La légende de Tréphine et de Trémeur est rapportée dans la vita de Gildas [BHL 3541][23] : avant de s’intéresser spécifiquement à cet épisode, il convient de dire quelques mots de l’ouvrage dans lequel il figure.
*
Il est assez aisé de remarquer que la vita et translatio Gildae [BHL 5341][24] comporte deux parties assez nettement distinctes l’une de l’autre : la première consiste dans la vita du saint proprement dite, la seconde est une sorte d’hagio-chronique de l’abbaye de Rhuys[25], dont la différence d’« objet » et de « projet » est patente, même si elles partagent la même « nature » hagiographique ; sans parler d’un passage interpolé relatif à la redécouverte de reliques de Gildas à Rhuys, au XIe siècle. L’ouvrage est connu par une transcription tardive et déficitaire de sa fin : le texte s’arrête au beau milieu d’une phrase, au moment où l’hagiographe raconte que, suite à la mort à Beauvoir-sur-Mer, le 27 novembre (1040 ?), d’un moine de Rhuys, Goustan, en mission sur place pour son abbaye (defunctus autem est quinto kalend. Decembris apud Bellumvidere castrum, ubi pro utilitate monasterii sui venerat)[26], l’abbé Vital, s’étant alors trouvé en conflit avec les moines locaux de Saint-Philibert, avait obtenu la convocation d’un synode ad hoc par l’évêque de Poitiers afin de régler la situation[27]. Nous nous sommes récemment intéressé à cette affaire[28], beaucoup plus complexe et moins univoque que ce qui en est rapporté par l’hagiographe, et nous avons rappelé à cette occasion les raisons pour lesquelles Ferdinand Lot s’était persuadé, à tort de notre point de vue, que l’écrivain était précisément Vital. Quant à la lacune finale, elle est déjà signalée en 1605 par le premier éditeur du texte, Jean du Bois[29], et continue de faire l’objet de diverses conjectures ; Bernard Merdrignac, qui retient l’identification de l’hagiographe proposée par Lot, rappelle que Vital avait également connu dans son propre monastère de grandes difficultés qui l'obligèrent, vers 1044, à quitter les lieux pour plusieurs années :
« Le fait que la fin de l’ouvrage ne nous soit pas parvenue a permis d’imaginer, selon un scénario digne du Nom de la rose, qu’après la mort de l’auteur (vers 1068) ses frères auraient arraché les dernières pages du manuscrit dans lesquelles il racontait leur conduite peu édifiante à son égard »[30].
Cette supposition n’est pas complètement invalidée quand bien même l’hagiographe serait distinct de Vital : la dénonciation de l’attitude de certains moines à l’encontre de leur abbé serait venue de l’un de leurs frères ; les rebelles auraient alors appliqué à l’ouvrage de ce dernier une « censure » particulièrement brutale en déchirant les dernières pages de son manuscrit. S’agissant de la vita de Gildas proprement dite, du premier chapitre au chapitre 31 de l’édition Lot[31], il convient de souligner que le chapitre 13, sauf ses premiers mots, le court chapitre 14 et le tout début du chapitre 15 ne figuraient pas dans l’édition princeps de 1605, parce qu’ils étaient manquants dans le manuscrit dont s’est servi Du Bois ; mais ce dernier avait signalé cette lacune, au demeurant bien repérable, qui sera complétée par Mabillon dans sa propre édition[32].
En tout état de cause, la seconde partie de l’ouvrage, du chapitre 32 au chapitre 45 et dernier, – au demeurant incomplet comme nous l’avons dit, – de l’édition Lot[33], s’inscrit dans le prolongement de la première et lui est donc nécessairement postérieure ; mais a-t-elle été écrite aussitôt, ou bien après un délai et, le cas échéant, doit-on parler de quelques jours, de quelques mois, de quelques années ? Un délai suffisamment long serait à même de rendre compte de la spécificité de chacune des deux parties, en supposant au moins deux auteurs distingués par leur écriture respective ; mais il faut également envisager la possibilité d’un travail de réécriture partielle, d’interpolations, ou encore d’une sorte de « lissage stylistique » par l’auteur ou les auteurs plus récent(s) : un rapide examen de l’utilisation de l’adverbe permet en tout cas de conforter l’hypothèse d’une pluralité d’auteurs[34]. En outre, il convient de souligner que le court chapitre 33 présente tous les caractères d’une interpolation, selon Theodor Mommsen[35], ou du moins d’un remaniement, de l’avis de Ferdinand Lot[36].
*
Ce dernier s’était efforcé de montrer en son temps, — et la démonstration conserve une grande partie de sa force malgré certains excès, surtout formels, — que l’hagiographe[37], pour donner un peu de consistance à la geste de son héros, présenté comme le fondateur de l’abbaye, avait accueilli dans son ouvrage l’histoire de Trifine. Or, pour l’éminent historien, cette histoire n’est pas autre chose qu’un conte populaire ; mais en présentant Trifine comme la fille du comte de Vannes, Guérec, et surtout comme la femme de Commor, personnage dont la dimension politique doit être reconsidérée[38], l’hagiographe a inséré ce conte « avec habileté » dans une trame historique principalement inspirée par la lecture de Grégoire de Tours et du pseudo-Frédégaire[39].
Gildas est lui aussi un personnage historique, avant tout connu pour avoir composé le De Excidio Britanniae, ouvrage qui, dans le genre de l’admonestation, décrit sur un ton imprécatoire la situation de l’île de Bretagne au VIe siècle[40] ; mais, Breton insulaire, il ne semble pas s’être intéressé à l’Armorique et son séjour en Armorique n’est nullement assuré[41]. Un très court chapitre de la vita de Gildas est consacré à la venue au monde et à la destinée du fils de Trifine[42] : à l’annonce de cette naissance, le saint ordonna de baptiser l’enfant et de lui donner son propre nom (cum mulier filium peperisset, nuntiatum est ad beatum Gildam ; qui jussit puerulum baptisari nomenque suuum ei imponere fecit) ; puis le saint s’employa à ce que l’enfant, venu en âge, se forme par les nobles études des lettres (et, ablactatum, liberalibus literarum studiis erudientum tradidit) ; enfin, tandis que Trifine s’était retirée dans un monastère où elle s’adonna jusqu’à sa mort à la prière et au jeûne, son fils, réputé lui même pour ses vertus et ses miracles, acheva la sainte existence qu’il avait menée (filius vero ejus, et ipse clarus virtutibus et miraculis, beatam quam duxerat vitam beato fine complevit). Ces maigres indications, qui ont l’allure d’un résumé, sont complétées par la précision suivante, laquelle se dénonce manifestement comme une nouvelle interpolation : « celui-ci donc, les Bretons, pour le distinguer de l’autre saint Gildas, ne l’appellent pas Gildas mais Trémeur » (hunc ergo, Britanni, ob discretionem alterius beati Gildae, non Gildam eum sed Trechmorum vocant).
Les circonstances et les raisons de cette interpolation nous semblent assez faciles à déterminer : pour compenser partiellement l’absence à Rhuys des reliques du fondateur de l’abbaye, l’hagiographe primitif avait insisté sur l’existence d’un autre Gildas. Par la suite, peut-être en s’inspirant du récit qui avait cours à l’abbaye de Déols[43], l’interpolateur a signalé la translation des reliques en Berry[44] ; mais il a surtout « ajouté que, avant de quitter Rhuys, l’abbé Daioc “cacha sous l’autel huit des grands os du corps de Gildas, retrouvés de nos jours dans son sarcophage ”, assertion dont l’impudence naïve saute aux yeux »[45] et qui pouvait donner lieu, au sein de l’abbaye même, à des discussions sur l’identité de ce Gildas. D’où le probable recours à un subterfuge : le filleul du saint, nous dit-on, était en fait connu sous le nom de Trémeur, hagionyme que l’interpolateur est allé chercher on ne sait où, peut-être même à Carhaix ; rien n’empêche, en effet, que Trémeur ait fait sur place l’objet d’un culte très ancien. Par ailleurs, la vita de Gildas fait mention de disciples du saint installés en Cornouaille, plus précisément, comme l’a montré Bernard Tanguy, dans les parages de Concarneau, de Loctudy et de Plozévet[46] ; disciples dans lesquels il faut reconnaître à l’évidence d’ardents propagateurs de la légende de Trifine et de son fils, car l’on retrouve ces deux saints honorés ensemble à Bannalec, tandis que Trémeur honoré seul au Guilvinec et à Cléden-Cap-Sizun.
Evolution de la tradition hagiographique relative à Trémeur
Comme il a été dit plus haut, celui qui a procédé à un remaniement très substantiel de l’ouvrage primitif consacré a Gildas a complété la vita du saint proprement dite par une sorte de chronique hagiographique de Rhuys, décrivant comment l’abbaye était devenue à son époque une véritable « fabrique de saints »[47]. Ce remaniement a également abouti à l’apparition du nom Trémeur ; mais le texte révisé, dans lequel Trémeur est gratifié d’une vie et d’une mort l’une et l’autre emplies de sainteté, ne dit rien de son martyre : ainsi donc, on a supposé que l’épisode de cette fin tragique était venu postérieurement se greffer sur l’histoire du fils de Trifine.
*
La Translatio sancti Maglorii Parisius — dont nous n’avons que des fragments, interpolés entre 1151/1160 et 1181 dans une compilation de chroniques par un moine de l’abbaye Saint-Magloire de Paris[48] — mentionne, parmi les différentes reliques amenées sur place depuis la Bretagne, « parties des précieux corps de Mélar et Trémeur »[49], sans précision sur la nature de la sainteté de ces deux personnages. Le nom de Trémeur, sous la forme sancte Dremore (au vocatif) figure à la fin de la liste des martyrs, tandis que celui de Melar (sancte Melore) est encore compté au nombre des confesseurs dans d’anciennes litanies que dom Mabillon, à la fin du XVIIe siècle, croyait anglaises et millénaires (veteres litaniae anglicanae a mille annis editae) et que l’érudit bénédictin a publiées d’après un manuscrit rémois aujourd’hui perdu[50] ; quant aux auteurs plus récents, ils inclinent généralement — à la suite de François Duine, qui supposait que ces litanies étaient «à l'usage de clercs bretons exilés en Angleterre à l'époque du roi Athelstan»[51], c'est à dire aux années 924-940 — pour le Xe siècle[52]. Cependant, puisque la perte du manuscrit ne permet pas de contrôler l’époque de sa rédaction, nous privant ainsi d’un précieux terminus ad quem, il faut également envisager que cette mention de Trémeur en qualité de martyr puisse se situer chronologiquement après la révision de la vita de Gildas, mais avant la composition de la première biographie de Mélar, sans doute dans le dernier tiers du XIe siècle. Un catalogue des reliques conservées à l’abbaye Saint-Magloire de Paris, dressé au XIIe siècle à partir d’un inventaire effectué vers 1138, associe à nouveau Mélar et Trémeur, mais précise cette fois qu’il s’agissait de deux martyrs (martirum preciosorum partes corporum Melorii et Tremorii)[53]. En 1319, le procès-verbal de visite des reliques conservées à Saint-Magloire de Paris[54] atteste que les moines de cette maison continuaient d’associer les deux jeunes princes martyrs : Item, les precieuz cors martiz saint Meloire et saint Tremoire, pour avoir leur sucession de la comté de Cornoille furent martirs et sont en grant quantité[55] ; mais cette association était en quelque sorte justifiée par le parallèle entre leurs destinées tragiques, désormais bien connues des moines magloriens comme l’atteste un lectionnaire hagiographique du commencement du XIVe siècle, à l’usage de l’abbaye, qui renferme les legendae de Mélar et de Trémeur[56].
Ainsi donc, la légende de Trémeur était-elle entièrement constituée vers la fin du XIIIe ou le début du XIVe siècle, comme en témoigne également l’épisode de l’excommunication de Commor, interpolé vers la même époque dans la vita de Hervé[57] : à vrai dire, il conviendrait peut-être de faire remonter aussi haut que l’époque de composition de la *vita Ia de Mélar, celle de la legenda de Trémeur, c’est-à-dire au moment même où travaillait le moine de Rhuys ; mais il faut noter que la réfection « philibertienne » de la vita de Gildas et qui lui est donc nécessairement postérieure, ne fait pas mention de la mort tragique de Trémeur.
Remarquons également que, si l’hagiographe mélarien a délibérément rompu avec la tradition hagiographique relative à Commor, peut-être sur la foi d’une documentation que nous n’avons plus[58], le biographe de Trémeur, prolongeant le discours de celui de Gildas, va plus encore accabler Commor en le décrivant comme le meurtrier de son propre fils. Le texte qui fait le récit de ce crime affreux nous a été transmis par plusieurs témoins et Bernard Tanguy, comme nous l’avons vu, en a cité trois : le lectionnaire de l’abbaye Saint-Magloire de Paris, le légendier de Tréguier et le bréviaire de Quimper ; mais l’attention de ce chercheur a été trompée par l’édition de la legenda sancti Tremori établie par les Bollandistes à partir des deux derniers[59] : en fait le texte du légendier de Tréguier est très largement tronqué, comme souvent dans ce genre de compilation, et arrête son récit bien avant la mort de Trémeur, avant même le martyre de Trifine[60]. Voici le récit en question tel qu’il est rapporté dans la version du lectionnaire de Saint-Magloire[61] :
Nam quadam die dominica dum deambularet spaciando post missam cum sociis suis more scolarum apud Corisopitum prefatus tirannus pater ejus nefandissimus Conomerus caput ejus gladio amputavit. At ille Tremorus elevans caput suum de terra super quendam lapidem ubi nunc sua ecclesia constructa propriis manibus presentavit et ita felici martyro sexto ydus novembris migravit ad Dominum Jesum Christum cui est honor et gloria in secula seculorum. Amen (« Car un dimanche, tandis qu'à la manière des écoliers, il [Trémeur] se promenait à Quimper, après la messe, avec ses compagnons, son père, l’infâme tyran précité Commor, lui trancha la tête avec une épée ; alors Trémeur, levant sa tête de terre de ses propres mains la porta sur une certaine pierre où son église est maintenant bâtie. Et ainsi, par un heureux martyre, le 6 des ides de novembre, il s’en fut vers Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent l’honneur et la gloire pour les siècles des siècles. Amen »)[62].
Le bréviaire de Quimper[63] contient le même récit, avec notamment la localisation à Quimper du meurtre de Trémeur[64] ; mais il s’agit d’un témoin plus tardif que celui que nous allons examiner à présent, dont l’importance nous paraît avoir été sous-estimée.
L’apport du Chronicon Briocense au dossier hagiographique de Gildas et à la légende de Trémeur
Le Chronicon Briocense[65] est une œuvre disparate et décousue[66], dont on a fait l’honneur à plusieurs auteurs[67], sans que pour l’instant du moins la question apparaisse tranchée[68]. Le titre donné à cette compilation n’est pas non plus sans poser problème : il se lit pour la première fois (semble-t-il) sous la plume de Bertrand d’Argentré, qui en possédait l’un des deux manuscrits connus, le plus ancien et le seul complet, mais également le plus fautif[69] ; or, ce manuscrit a certainement été écrit à Saint-Brieuc, car « la lettre initiale du premier mot de la chronique, sciendum, contient le monogramme de Jésus et de Maria, ainsi que le nom Briocus »[70] et, aux dires de D’Argentré, il était conservé dans les archives de la cathédrale du lieu[71]. Le second manuscrit conservé du Chronicon[72] a lui aussi passé par les mains d’un historien, en l’occurrence le Père du Paz, à qui l’on doit de nombreuses notes en marge du texte[73].
*
Comme l’a fait remarquer en son temps André Oheix, « cette compilation sans grande valeur historique, mais dont l’auteur a eu du moins la bonne pensée d’insérer dans son ouvrage des documents qui sans cela seraient aujourd’hui perdus, renferme d’assez longs extraits de la Vita sancti Gildae »[74] : il s’agit en fait d’un office de Trémeur, avec antiennes, respons, oraison, dont une note marginale de Du Paz indique la possible source (ex breviario Corisopitensi) ; mais il ne peut s’agir du modèle du bréviaire imprimé, car le texte conservé par le Chronicon diffère par des additions et des variantes, en particulier pour ce qui concerne la fin tragique de Trémeur, dont l’action n’est pas localisée :
Nam quadam die dominica, dum deambularet spaciendo post missam cum sociis suis more scolarium, praefatus tirannus pater ejus nephandissimus Conomerus caput ejus gladio amputavit. At ille Tremorus, elevans caput suum de terra super quendam lapidem ubi nunc sua ecclesia est constructa, propriis manibus presentavit. Et ita felici martirio sexto idus novembris migravit ad Dominum Jesum Christum cui est honor et gloria in saecula saeculorum. Amen »)[75].
Nous pourrions simplement conclure à un oubli, volontaire ou involontaire, de celui qui a composé l’office ou bien de celui qui a compilé le Chronicon : il est exclu en tout cas d’imaginer la même omission délibérée chez les deux copistes ; mais il faut également envisager que le texte en question, malgré son découpage en lectiones, reproduise une version plus ancienne du passage concerné dans la vita de Gildas, dont les manuscrits anciens, au demeurant lacunaires, ont disparu depuis l’époque de ses premières éditions[76]. Cette hypothèse est, à notre sens, corroborée par deux éléments qui figurent dans le texte du Chronicon : 1°) l’explication du comportement de Commor à l’égard de ses épouses ; 2°) l’indication que Commor n’avait pas péri sous l’effondrement de sa demeure.
Dans le texte du Chronicon figure la raison de l’assassinat par Commor de ses épouses successives[77] : chaque fois qu’il apprenait que sa femme était enceinte, il l’étranglait immédiatement, car il avait été avisé par le diable qu’il allait avoir un fils qui le supplanterait ; mais cette explication fait défaut dans le texte publié par Ferdinand Lot[78]. André Oheix croit que la phrase en question a été interpolée par l’auteur de l’office de Trémeur[79], car elle se retrouve dans le légendier de Tréguier[80], ainsi que dans le bréviaire de Quimper[81]. Néanmoins, une telle explication s’avère nécessaire à la bonne compréhension de l’ensemble du texte et, — sans pour autant prétendre qu’elle pourrait constituer un indice en faveur de l’historicité des évènements rapportés par l’hagiographe, — elle a du moins l’immense avantage de nous faire sortir du conte populaire, auquel Ferdinand Lot prétendait restreindre nos investigations[82] : c’est bien le mythe, — celui de Saturne dévorant ses propres enfants, comme l’a suggéré Henri Marsille[83], — qui s’aperçoit ici sous sa forme originale, que le folklore n’avait pas encore dégradée en réduisant Commor au prototype de Barbe-Bleue[84]. Bien sûr il ne peut être question pour le moment de poursuivre plus avant cette hypothèse en essayant d’imaginer les raisons pour lesquelles la phrase en question aurait été retranchée de la vita de Gildas.
Manque également dans l’édition Lot, l’indication que Commor n’avait pas péri sous l’effondrement de sa demeure[85] : indication qui figure dans le Chronicon[86] et dans le bréviaire de Quimper[87], destinée à justifier les circonstances de la fin tragique de Trémeur et qui offre ainsi au personnage de Commor, à l’instar de nombreux « méchants » de la littérature hagiographique, mais aussi profane, la possibilité de revenir tenir ce genre de rôle dans plusieurs autres vitae de saints bretons.
*
Ces quelques remarques montrent qu’il y aurait sans doute un intérêt à reprendre l’examen de la légende de Trémeur et de Trifine et plus largement celui de la vita de Gildas du point de vue de l’ « histoire de l’histoire » des différents saints concernés.
André-Yves Bourgès
[1] Bernard Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur, et les abbayes de Saint-Gildas-de-Rhuys et de Saint-Gildas-des-Bois », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 83 (2005), p. 5-27.
[2] René Largillière, « La topographie du culte de saint Gildas », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 5 (1924), p. 3-25.
[3] René Couffon, « La légende de sainte Triphine et de saint Trémeur et l’origine de leur culte », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 71 (1944), p. 9-20.
[4] B. Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur … », p. 11.
[5] Joëlle Quaghebeur, La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, Quimper, 2001, p. 292-293. Dans sa thèse de doctorat, Comté de Poher et terre de Cornouaille, Mémoire et pouvoirs, IXe –XIIIe siècles, Paris IV Sorbonne, 1994, p. 452, cette chercheuse avait indiqué l’obedentia sancti Tremori était située à Quimper même.
[6] B. Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur… », p. 12.
[7] Au vers 3080 de son Tristan, conservé fragmentairement dans un manuscrit unique, Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds fr. 2171 : voir édition par Ernest Muret, Paris, 1922.
[8] Aux années 1678-1692, les prééminences honorifiques du prieur de Carhaix, telles qu’elles sont détaillées dans le papier terrier de la barre royale du lieu, « comprenaient le titre de seigneur spirituel de la ville et celui de curé primitif de l’église collégiale de Carhaix, le droit d’être le premier nommé aux synodes de l’évêché, le premier appelé aux assises générales de la sénéchaussée » : voir Léon Maître, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1789. Loire-inférieure. Série B (cours et juridiction d’Ancien Régime), t. 1 (Chancellerie et Chambre des comptes de Bretagne, art. B. 1 – B. 1952), Nantes, 1902, p. 266, art. B. 1114.
[9] Une charte du comte Alain [de Penthièvre] en faveur de l’abbaye Saint-Melaine de Rennes, datée 1145 et donnée à Quimper (apud Chorisop.), mentionne parmi les témoins ¾ outre l’évêque du lieu, celui de Léon, l’archidiacre de Tréguier (le siège épiscopal trégorois était alors vacant), et plusieurs moines de Saint-Melaine ¾ un certain Gradelonus, qui est qualifié prior Sancti Tremori et Karadocus ejus monachus : voir dom Pierre-Hyacinthe Morice, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire… de Bretagne, t. 1, Paris, 1746, col. 595-596. Dans un acte manifestement faux, daté 1128, où intervient un certain Eudon, qui s’intitule « abbé de la cité de Chorisopitum » et qui reconnaît comme son père l’abbé de Redon, sont employés les noms de Gradlonus, qualifié sacerdos, et de Caraduc, qui porte quant à lui le titre de prefectus abbatis : voir Aurélien de Courson [éd.], Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Redon en Bretagne, Paris, 1863, p. 302, n° 350.
[10] Dom Placide Le Duc, Histoire de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, publiée par René-François Le Men, Quimperlé, 1881, Pièces justificatives, n°26, p. 604-605. L’original de cet acte est perdu ; les deux copies subsistantes portent la date 1214, évidemment fallacieuse, rectifiée 1210 par Judith Everard et Michael Jones, The Charters of Duchess Constance of Brittany and her Family, 1171-1221, Woodbridge, 1999, p. 158-159.
[11] Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Redon en Bretagne, p. 332-333, n° 377 (datée par l’éditeur avant 1108) ; Hubert Guillotel propose la datation 1105 X 1107.
[12] La plus ancienne mention certaine du nom de Carhaix figure dans la pancarte du prieuré de Landugen (1081 X 1084) : voir Léon Maître et Paul de Berthou [éd.], Cartulaire de l'abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, 2e éd., Rennes-Paris, 1904, p. 171-172, n° 34 ; J. Quaghebeur, « Possessio et Villa à Sainte-Croix de Quimperlé au XIe siècle », dans L’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé des origines à la Révolution. Actes du colloque de Quimperlé, 2-3 octobre 1998, Brest-Quimperlé, 1999, p. 49-50.
[13] B. Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur… », p. 12, n. 35.
[14] Philippe Guigon, Les églises du Haut Moyen Âge en Bretagne, t. 1, Saint-Malo, 1997, p. 126.
[15] Résumé de son intervention sur « Les vicomtes de Poher et leur origine », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 119 (1990), p. 397-398 : l’étude annoncée n’a jamais été publiée.
[16] Patrick Kernévez, « Inventaire des mottes, enceintes et châteaux médiévaux du Finistère », dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 125 (1996), p. 123.
[17] André Dufief, Les Cisterciens en Bretagne XIIe-XIIIe siècles, Rennes, 1997, p. 193-211 (« Liste des prieurés et des églises de Bretagne dépendant d’abbayes bretonnes et étrangères dans la première moitié du XIIe siècle »).
[18] Outre Redon, deux autres dépendances de l’abbaye au moins, le prieuré de Lohéac et l’église de Crossac, étaient placées sous l’invocation du Saint-Sauveur.
[19] On trouve la localisation apud Rupem Cletguenn dans un acte daté 1081 X 1114 : voir L. Maître et P. de Berthou [éd.], Cartulaire de l'abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, p. 216-217, n° 71.
[20] André Chédeville et Noël-Yves Tonnerre, La Bretagne féodale XIe- XIIIe siècle, Rennes, 1987, p. 174.
[21] La bénéficiaire d’un miracle de Charles de Blois est domiciliée en 1368 de parrochia Sancti Tremori de Kerahes, Corisopitensis diocesis : André Vauchez (dir.), Laurent Héry, Jean-Paul Le Guillou (+), Yves Le Guillou et Armelle Le Huërou, Le procès de canonisation de Charles de Blois, duc de Bretagne, 1329-1364, t. 1, Paris-Rennes, 2023, p. 823 ; cette parochialis ecclesia Sancti Tremori de Brahes (sic), Corisopitensis diocesis avait eu à souffrir des troubles de la guerre de succession de Bretagne comme en témoigne une bulle papale du 10 mars 1392 : voir Guillaume Mollat, Etudes et documents sur l’histoire de Bretagne (XIIIe-XVIe siècles), Paris, 1907, p. 188, n. 2.
[22] Voir supra n. 8.
[23] Il faut signaler une autre vita [BHL 3542-3543], composée par Caradoc, moine de Llancarfan (Pays de Galles) : il n’y est pas question de la Bretagne continentale, alors qu’on suppose, avec quelque raison semble-t-il, qu’il a existé des relations entre l’abbaye galloise et celle de Rhuys. Les chercheurs ont en général négligé une troisième vita [BHL 3544], très largement démarquée de BHL 3541, qui présente Gildas comme un disciple de Philibert : « du point de vue historique », écrit François Duine, « cette pièce est méprisable, mais du point de vue des procédés hagiographiques, le faux est curieux ».
[24] L’édition de référence demeure celle donnée par Ferdinand Lot, Mélanges d’histoire bretonne (VIe-XIe siècle), Paris, 1907, p. 433-473. Lot est à l’origine de la désignation Gildae vita et translatio (Ibidem, p. 433, note a de l’apparat critique : « Ce titre est de nous ») ; mais si la première partie de l’ouvrage mérite effectivement d’être appelée vita, car l’histoire de Gildas y est rapportée tout au long, l’intitulé de la seconde partie (translatio) nous semble d’autant plus trompeur que le récit de la translation des reliques du saint et de leur redécouverte occupe seulement la fin du chapitre 32, ainsi que les quelques lignes ad hoc qui forment le chapitre 33. Au reste, ce dernier présente tous les caractères d’une interpolation, ou du moins d’un remaniement, de l’avis même de Lot (Ibid., p. 461, n. 4), qui fournit à cette occasion de nombreux éléments permettant de supposer l’existence d’un récit de translation distinct, véritable « mode d’emploi » des reliques conservées à l’abbaye Saint-Sauveur-et-Saint-Gildas de Déols (ibid., p. 224-229) ; mais si un tel ouvrage a jamais existé, il a disparu, à l’instar du monastère pour lequel il aurait été écrit.
[25] Nous avons forgé le terme hagio-chronique pour désigner ce texte, parce que son auteur a surtout mis en avant le relèvement de l’abbaye de Rhuys par Félix, ainsi que les événements relatifs à la vie du monastère, qui témoignent de la présence sur place, dans la première moitié du XIe siècle, d’une véritable « fabrique de saints ». Cette dimension de chronique a frappé Guy Devailly, « Tentatives de réforme de l’abbaye Saint-Gildas-de-Rhuys (XIe-XIIe siècles) », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 63 (1986), p. 130, qui souligne son intérêt pour les historiens ; en revanche, le Chronicon Ruyense publié par dom Morice lui paraît usurper son titre : « malgré son intitulé, il s’agit en fait de simples annales et non d’une véritable chronique » (Ibidem, p. 129).
[26] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 472.
[27] Ibidem, p. 473 : Episcopus, quia inobedientes praeceptis suis ipsi monachi fuerant, praecepit eos cum suo abbate ad synodum suam venire, abbatem etiam Vitalem praecepit adesse. Cum ergo venissent et in synodo utrique eorum causam dixissent, episcopus praecepit abbatibus atque canonicis nobilibus qui aderant, ut… (« L'évêque, parce que les moines eux-mêmes avaient désobéi à ses ordres, leur ordonna de venir à son synode avec leur abbé, et ordonna à l'abbé Vital d'être également présent. Après qu’ils furent venus et eurent exposé chacun leur cas durant ce synode, l'évêque ordonna aux abbés et aux nobles chanoines qui étaient présents, de… »). Le texte s’arrête ici brutalement.
[28] André-Yves Bourgès, « Notes sur l’abbé Vital de Rhuys (XIe siècle) », Hagio-historiographie médiévale (décembre 2021), https://www.academia.edu/65925763
[29] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 207-229, donne un état de la question des sources manuscrites des éditions de Du Bois et de Mabillon.
[30] Bernard Merdrignac, Les Vies de saints bretons durant le haut Moyen Age. La culture, les croyances en Bretagne (VIIe-XIIe siècle), Rennes, 1993, p. 34.
[31] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 433-460.
[32] Ibidem, p. 211.
[33] Ibid., p. 460-473.
[34] A.-Y. Bourgès, « Statistique lexicale assistée par ordinateur : quelques réflexions d'un chercheur en hagiologie », Hagio-historiographie médiévale (janvier 2022), https://www.academia.edu/67864388 (voir l’annexe intitulée « autour de l’adverbe » : le cas de la vita et translatio Gildae occupe une douzaine de lignes de notre développement).
[35] Theodor Mommsen, « Gildae Sapientis De Excidio et Conquestu Britanniae ac flebili castigatione in reges, principes et sacerdotes », Monumenta Germaniae historica. Auctores antiquissimi, t. 13, Berlin, 1898, p. 3.
[36] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne…, p. 224 et p. 461, n. 4.
[37] Il faut peut-être reconnaître dans cet écrivain le premier abbé du monastère restauré, le breton Félix (mort en 1038).
[38] A.-Y. Bourgès, « Commor entre le mythe et l’histoire : profil d’un “chef” breton du VIe siècle », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 74 (1996), p. 419-427.
[39] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, Paris, 1907, p. 254.
[40] François Kerlouégan, Le De Excidio Britanniae de Gildas. Les destinées de la culture latine dans l’île de Bretagne au VIe siècle, Paris, 1987 ; voir également, de Christiane M.J. Kerboul-Vilhon, Saint Gildas, De Excidio Britanniae. Décadence de la Bretagne, Sautron, 1996 et Gildas le sage. Vies et œuvres, Sautron, 1997.
[41] B. Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur … », p. 22-25.
[42] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, p. 454-455, chap. 25.
[43] André Oheix, Notes sur la Vie de saint Gildas, Nantes, 1913, p. 30-32.
[44] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, p. 461-462, chap. 33.
[45] Ibidem, p. 229.
[46] B. Tanguy, « Les cultes de saint Gildas, sainte Trifine et saint Trémeur … », p. 16-20.
[47] B. Merdrignac, Les Vies de saints bretons durant le haut Moyen Âge, p. 68-69.
[48] H. Guillotel, « L'exode du clergé breton devant les invasions scandinaves », dans Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 59 (1982), p. 301-309.
[49] Idem, p. 312, donne le texte parte preciosorum corporum Melorii et Tremorii ; René Merlet, « Les origines du monastère de Saint-Magloire de Paris », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 56 (1895), p. 246, donne le texte partes corporum preciosorum Melorii et Tremori.
[50] Dom Jean Mabillon, Vetera analecta, t. 2, Paris, 1676, p. 671 ; Michaël Lapidge [éd.], Anglo-Saxon Litanies of the Saints, Londres, 1991, p. 260. Le manuscrit en parchemin de la bibliothèque de Reims qui contenait ces litanies ensemble avec le livre des Psaumes (una cum libro Psalmorum in membraneo codice Remigianae apud Remos bibliothecae) a peut-être disparu dans l’incendie de 1774.
[51] F. Duine, « Inventaire liturgique de l'hagiographie bretonne », dans Mémoires de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, t. 49 (1922), p. 42.
[52] Le dernier état de la question figure dans l’étude très fouillée de B. Tanguy, « Anciennes litanies bretonnes des Xe et XIe siècles », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 131 (2002), p. 453-479.
[53] Lucien Auvray, « Documents parisiens tirés de la bibliothèque du Vatican (VIIe-XIIIe siècle) » [«II. Documents relatifs à l’abbaye Saint-Magloire de Paris (XIe-XIIe siècle) » ; « 7. Catalogue des reliques de Saint-Magloire »], Mémoires de la Société de l’histoire de Paris, t. 19 (1892), p. 27.
[54] Anne Terroine et Lucie Fossier, Chartes et documents relatifs à l'abbaye de Saint-Magloire de Paris, t. 2, Paris, 1966. p. 553-558.
[55] Ibidem, p. 555. Le petit prince martyr est désormais nettement distingué de son homonyme saint Meloire confesseur, mentionné quelques lignes plus bas.
[56] Ms. Paris, Bibliothèque Mazarine, n° 399, f. 177 (De sancto Melorio) et f. 218 (De sancto Tremorio). Outre un important corpus de textes relatifs à saint Magloire, le ms. en question contient plusieurs autres legendae de saints bretons : Lunaire (f. 86), Samson (f. 109), Guénaël (f. 217), Ciferianus (f. 228), Malo (f. 230), Maudez (f. 238).
[57] A.-Y. Bourgès, « Le bestiaire hagiographique de saint Hervé », Britannia Monastica 7 (2003), p. 76, 80 et 85.
[58] Idem, « Commor entre le mythe et l’histoire… », p. 422.
[59] ASS, Novembre, t. 3, p. 830-831.
[60] Ms Paris, BnF, lat. 1148, f. 92 v° : velut timidus et nullius audacie homo propter quendam monachum ad effectum ducere non permitteret.
[61] Ms Paris, Bibliothèque Mazarine, 399 (ancien 248). Ce ms. comprend un lectionnarium de sanctis per annum écrit au commencement du XIVe siècle à l'usage de l'abbaye Saint-Magloire de Paris, dont certains feuillets ont été récrits au XVe siècle, ainsi qu’un fragment d’un ancien lectionnaire du XIIe siècle renfermant le commun des saints ; pour une description rapide du ms., voir André Molinier, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Mazarine, t. 1, Paris, 1885, p. 153-154.
[62] Ibidem, f. 221 r°. Nous devons la transcription de ce texte à Mme Armelle le Huérou que nous remercions bien vivement. La leçon more scolarum doit être corrigée more scolarium, laquelle figure dans les autres témoins du texte (voir infra) et dont le sens est évident : déambulations de jeunes clercs, qui goûtaient le plaisir mérité du repos dominical assorti d’une certaine liberté de mouvement.
[63] Breviarium Corisopitense, imprimé vers 1500. Pour une description rapide de ce bréviaire qui n'est plus connu que par un seul exemplaire conservé à la Bibliothèque de la société des bollandistes, à Bruxelles, voir dom F. Plaine, BSAF, t. 13 (1886), p. 64-66, t. 14 (1887), p. 121 et t. 17 (1890), p. 27, n. 2 ; F. Duine, « Bréviaires et missels... », notice n° 56 ; BHL, p. xix. Les archives diocésaines de Quimper disposent désormais d’un facsimile photographique, de ce Bréviaire accessible et téléchargeable en ligne à l’adresse www.bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/9573 ; la legenda de Trémeur figure de la vue 229 à la vue 232.
[64] Ibidem, facsimile, vue 232 : Nam quadam die dominica, cum deambularet spaciando post missam cum sociis suis more scolarium apud Corisopitum, praefatus tyrannus pater ejus nephandissimus Cognomerus caput ejus gladio amputavit. At ille Tremorus, elevans caput suum de terra super quendam lapidem ubi nunc sua ecclesia est constructa, propriis manibus praesentavit. Et ita felici martyrio sexto idus novembris migravit ad Dominum Jesum Christum cui est honor et gloria in saecula saeculorum. Amen.
[65] Dom Gui-Alexis Lobineau, Histoire de Bretagne, t. 2 (Preuves), Paris, 1707, col. 833-892 (édition partielle, qui ne contient que les évènements contemporains de l’auteur) ; dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire… de Bretagne, t. 1, col. 7-102 (édition partielle) ; Gwenaël Le Duc et Claude Sterckx, Chronicon Briocense. Chronique de Saint-Brieuc, texte critique et traduction, t. 1 (seul paru), Paris, 1972.
[66] « En résumé, la Chronique dite de Saint-Brieuc semble plutôt un amas de documents, destinés à être mis en œuvre, qu’un ouvrage définitif. Nous ne saurions expliquer autrement le désordre de sa rédaction, ni surtout son incroyable pauvreté sur la guerre de succession de Bretagne, contemporaine de notre historien », écrit Paul de Berthou, « Introduction à la Chronique de Saint-Brieuc », Bulletin archéologique de l’Association bretonne, t. 18 (1900), p. 80. Le jugement sur la forme n’a pas varié depuis : voir, par exemple, Léon Fleuriot, dans sa préface à l’édition Le Duc-Sterckx, p. 9.
[67] Dès 1928, Barthélemy Pocquet-du-Haut-Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne, 2e éd., Spézet, 2000, p. 324, n. 89, soupçonne le secrétaire du duc Jean IV, Hervé Le Grant, « d’avoir trempé dans la rédaction du Chronicon Briocense, dont l’attribution à Guillaume de Vendel [proposée par P. de Berthou] ne (lui) paraît guère acceptable ». Depuis, l’attribution à Hervé Le Grant a été admise et défendue par Jean Kerhervé et par Michael Jones, dont les travaux sur l’État breton aux XIVe et XVe siècles font autorité.
[68] L’identification du chroniqueur avec Hervé Le Grant n’est pas sans susciter quelques objections : en particulier, on s’explique mal comment ce praticien chevronné et rigoureux aurait produit une œuvre aussi foisonnante, désordonnée et donnant le plus souvent l’impression d’un véritable galimatias. Il faut donc s’en tenir à la position prudente de B. Pocquet du Haut-Jussé : Hervé Le Grant a sans doute participé à bâtir la documentation utilisée dans le Chronicon Briocense ; mais rien n’assure qu’il soit à proprement parler l’auteur de cet ouvrage.
[69] Ms Paris, BnF, lat. 6003 : c’est le ms A de l’édition Le Duc-Sterckx. P. de Berthou, « Introduction à la Chronique de Saint-Brieuc », p. 82, indique que « ce manuscrit est le seul complet » et souligne qu’« il contient une foule d’erreurs de copiste » ; en outre, P. de Berthou a fait remarquer, à la suite de Bréquigny, que ce manuscrit, passé entre-temps de la bibliothèque de D’Argentré à celle de Colbert, n’avait pas été utilisé par les Mauristes, qui ont travaillé à partir de l’autre manuscrit pour établir leurs éditions partielles.
[70] Anatole de Barthélemy, « La légende de saint Budoc et de sainte Azénor », dans Mémoires de la Société d’émulation des Côtes-du-Nord (1866) p. 237 (suite de la n. 5 de la p. 236) : le premier mot du Chronicon doit se lire en fait secundum.
[71] Chronicon… nondum typis encusum et vulgo Briocense dictum, quod in archivo monumentorum primarii templi Briocensis urbis repertum sit.
[72] Ms Paris, BnF, lat. 9888 : c’est le ms B de l’édition Le Duc-Sterckx
[73] P. de Berthou, « Introduction à la Chronique de Saint-Brieuc », p. 83.
[74] André Oheix, Notes sur la Vie de saint Gildas, Nantes, 1913, p. 7.
[75] Chronicon Briocense, f. 35r (ms A) et f. 38r (ms B).
[76] A. Oheix, Notes sur la Vie de saint Gildas, p. 3-4.
[77] Chronicon Briocense, f. 33r (ms A) et f. 36r (ms B) : … […] Statim jugulabat eam. Acceperat enim responsum a diabolo, qui omnium bonorum est invidus et in quantum potest humanum genus perturbare laborabat (laborat ms B), quod filium erat habiturus qui eidem Conomero praevaleret. Et cum jam multas interemisset mulieres […] …
[78] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, p. 450, chap. 20 : …Statim jugulabat eam. Et cum jam multas interemisset mulieres…
[79] A. Oheix, Notes sur la Vie de saint Gildas, p. 8 : « Il ajoute également une phrase pour expliquer la mauvaise habitude qu’avait Conomor de tuer ses femmes quand elles devenaient enceintes ».
[80] Ms Paris, BnF, lat. 1148, f. 90v. : … […] Statim jugulabat eam. Acceperat enim responsum a diabolo quod filium erat habiturus qui eidem Conomero praevaleret. Et cum jam multas interemisset mulieres […] …
[81] Breviarium Corisopitense, facsimile, vue 229 : … […] Statim jugulabat eam. Acceperat enim responsum a diabolo quod filium erat habiturus qui eidem Cognomero praevaleret. Et cum jam multas interemisset mulieres […] …
[82] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, p. 253-254, qui parle même de « conte de ma Mère l’Oye ».
[83] Henri Marsille, « Saint Gildas et l’abbaye de Rhuys », Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, t. 101 (1974), p. 17. Voir cependant la position prudente adoptée par B. Merdrignac, Recherches sur l'hagiographie armoricaine du VIIème au XVème siècle, t. 2, s.l. [Saint-Malo], 1986, p. 36.
[84] Sur cette dégradation du mythe en folklore, dont parlent avec éminemment de pertinence Françoise Le Roux et Christian J. Guyonvarc’h à propos de La légende de la ville d’Is, Rennes, 2000, p. 12-13, voir le CR de l’ouvrage de Nicole Belmont sur la Poétique du conte, Paris, 1999, par Jean Derive, paru dans Etudes rurales, n° 165-166 (2000) : N. Belmont, souligne J. Derive, « conclut que le conte, certes, banalise le mythe et, substituant souvent une fin heureuse à une fin dramatique ou effaçant le tragique, réduit son enjeu, mais que, toutefois, l'une des relations fondamentales entre les deux genres est le déni de la mort et de l'irréversibilité du temps humain (on peut revenir du Grand Voyage). Passant de Cendrillon à Peau d'âne, elle montre que mythe et phantasme s'entrelacent pour former la structure du conte ; ainsi le conte serait-il un retournement du mythe en phantasme ».
[85] F. Lot, Mélanges d’histoire bretonne, p. 458, chap. 23 : …Et projecit super illam habitationem, quae statim, Deo volente, tota corruit. Deinde abiit usque ad locum…
[86] Chronicon Briocense, f. 34r (ms A) et f. 37v (ms B) : Et projecit super illam habitationem, quae statim corruit tota ; sed nondum tirannus fuit extinctus, licet graviter laederetur. Deinde abiit sanctus vir Gildas usque ad locum…
[87] Breviarium Corisopitense, facsimile, vue 230 : …Et projecit super illam habitationem, quae statim (Deo volente), corruit tota ; sed nondum tyrannus fuit exstinctus, licet graviter laederetur. Deinde abiit vir sanctus Gildas usque ad locum…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire