27 décembre 2006

Un ami s’en est allé : hommage à Gwenael Le Duc

J’ai fait la connaissance de Gwenael à la fin des années 80 dans le cadre du CIRDoMoC, dont notre ami fut longtemps le dévoué secrétaire et la véritable cheville ouvrière.

Impossible bien sûr de reconstituer les circonstances de la naissance de notre amitié, dont témoignent simplement le glissement progressif de l’adresse des lettres de Gwenael : d’abord le protocolaire Monsieur, puis bientôt le Cher Monsieur, suivi du Cher ami avant que vienne le Cher André, car jamais Gwenael n’a pu se résoudre à m’appeler par mon double prénom.

Remarquable épistolier, toute la substance de son érudition passait dans ses lettres au grand bénéfice de ses correspondants. Gwenael a finalement peu publié — pas assez en tout cas au goût de ceux pour qui ses travaux étaient essentiels — ; mais les travaux dont nous attendions la publication étaient là présents en germe : Gwenael s’en défaisait allègrement, sous forme de copies de documents, de répertoires et de fichiers, d’ébauches d’articles, de notations diverses dont nous sommes nombreux à avoir profité. Son soutien quand je travaillais sur le dossier hagiographique de saint Mélar a été plus que précieux : essentiel.

Mais attention : en plus de l’érudition dont il aimait faire assaut, il y avait aussi l’humour. Ah ! l’humour de Gwenael, indissociable du personnage, indissociable même de sa personnalité ; s’exprimant sous des formes diverses et parfois étonnantes : je me souviens, au plus fort de la « controverse de saint Goëznou », quand nous nous opposions très amicalement mais fermement sur la datation de la vita du saint, avoir reçu un billet de Monopoly de 10000, 20000 ou 50000 F (je ne sais plus) avec cette mention : « cela suffit-il pour te faire fermer ta grande bouche ? »

Autant de passion pour des querelles que d’aucuns trouveraient byzantines, à l’instar de celle sur le sexe des anges : cette dernière réglée d’ailleurs et définitivement par Gwenael grâce à sa découverte, qu’il s’empressa de me faire partager par un après-midi ensoleillé, d’un ange femelle sculpté sur les sablières d’un ancien oratoire, à Mélesse (35) …

Au-delà de la (fausse) étymologie du nom de Gwenael (gwenn ael, « l’ange blanc »), il me plait de penser que c’est l’ange de Mélesse qui, en compagnie de saint Goëznou et de sainte Geneviève de Brabant, est venu accueillir mon ami — notre ami — quand ce dernier, avec son air goguenard, a poussé, dimanche dernier, la porte qui donne sur la pièce d’à-côté.


André-Yves Bourgès

3 commentaires:

  1. Monsieur Bourgès,

    J´ai fait mon doctorat à Rennes2 sous la direction de M. Le Duc, et j´ai pu soutenir ma thèse en 2004 Arthur en Bretagne – Arthur pour les Bretons. De retour au Brésil j´attends, comme plusieurs chercheurs qui s´intéressent au monde brittonique, l’édition des fragments du Livre des Faits d’Arthur. Savez-vous s´il existe un projet ou si quelqu’un à présent s’occupe de ces fragments de littérature arthurienne ? Merci pour toute indication.
    Ana Donnard – UFMG – Brésil.

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  2. Bonsoir,

    Bonne question, d'autant plus que le texte des fragments conservés n'est pas complêtement établi (cf. la notule publiée sur ce blog à propos d'un fragment méconnu du LFA); j'ai également suggéré, comme ce fut le cas pour la reconstitution de la Chronique de Nantes, d'utiliser les passages conservés (traduits) par Le Baud. Je n'ai pas connaissance d'une édition en cours et je ne sais si quelqu'un s'en occupe : pourquoi pas vous, qui disposez sans doute d'une transcription de ce texte et qui êtes particulièrement qualifiée pour mener ce travail à bien ?

    Cordialement

    André-Yves Bourgès

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  3. Bonjour,

    Merci M. Bourgès pour ce message sympathique. Au cours de mon doctorat Professeur Le Duc avait plusieurs fois exprimé son admiration pour votre travail de recherche. De mon côté, ou plutôt je dirais, de mon côté Atlantique, je me trouve bien en difficulté pour continuer le travail commencé à Rennes, c´est à dire, travailler finalement sur ce dossier « fragments méconnus de Le Baud » ou le tant attendu et mystérieux Livre des Faits d´Arthur ! L´état de santé de Professeur Le Duc avait empêché la suite de son travail sur ces fragments et j’ai dû laisser un des sujets le plus important de ma thèse en attente d´une nouvelle opportunité de travail et d’accès à la documentation. La raison de mon message précèdent c´est que je travaille sur le texte à rendre aux éditeurs des Mélanges Le Duc, à paraître, et vous êtes certainement parmi les chercheurs à lui rendre hommage. Je désespère de ne pas pouvoir finalement conclure mon chapitre Arthur dans l´hagiographie bretonne, qui d´ailleurs contient une section « Par où sont passés les textes ? » . Je suis à la dépendance donc des chercheurs en Bretagne qui seront en mesure de réaliser ce travail, et je ne vois d´autre personne que vous même ou sinon Professeur Merdrignac, avec qui je suis en contact. Je pense aussi à Professeur Kerlouégan et à M. Louis Lemoine. Certainement il y a bien d´autres chercheurs en Bretagne, au CIRDOMOC par exemple. Ce que je trouve bien dommage c´est de ne pas pouvoir finalement faire le point sur ces fragments, d´autant plus que le LFA pourra certainement éclairer le parcours historiographique et la signification du mythe arthurien en Bretagne ou ...Arthur pour les Bretons. Kenavo,
    Ana Donnard – Faculdade de Letras, UFMG – Brasil

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