"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale." J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat...

10 août 2025

Un saint inconnu : saint Vouster ?

 Au bataillon des saints bretons inconnus est venue se joindre une nouvelle recrue : dans le feuillet de présentation des activités de l’été spirituel (2025) proposées par la paroisse Saint-Yves en Pays de Morlaix, nous avons eu en effet le bonheur de trouver le nom de saint Vouster, lequel avait jusqu’à présent échappé aux investigations des spécialistes d’hagiographie bretonne, notamment Bernard Tanguy dont le monumental Grand Dictionnaire des saints et saintes de Bretagne récemment paru aux éditions Skol Vreizh (Morlaix, 2024), constitue le dernier état de la question ; saint obscur, certes, mais pour lequel il existe un « pardon », c’est-à-dire, nous est-il expliqué dans le même feuillet, « une fête qui se tient à date fixe et dans un lieu consacré pour honorer et prier Dieu à travers l’intercession du saint patron du lieu ». 

 


  Dans le cas précis, ce lieu de culte est connu : il s’agit de la chapelle de Kermouster, en Plouézoc’h ; mais pas plus de saint Vouster honoré sur place que de beurre en broche. Le mot moust(o)er en breton, emprunté au vieux-français « moustier » (du latin monasterium, « monastère ») a servi durant le bas Moyen Âge, sur une longue période, à désigner par extension une chapelle rurale.

Cette « invention » moderne est d’autant plus intéressante qu’elle vient illustrer la manière dont, au Moyen Âge précisément, la fabrique des saints a fonctionné à plein régime en Bretagne grâce à l’utilisation des toponymes, en particulier ceux formés avec les préfixes plo-, plou-, pleu-, et lan- (les loc-, plus tardifs témoignant d’une fiabilité plus grande quant à leurs éponymes) : ainsi, sans vouloir remettre en cause de manière systématique l’historicité des saints bretons, il faut bien envisager qu’un certain nombre d’entre eux résulte d’une extrapolation aventurée. Il n’est pas jusqu’aux toponymes formés avec le préfixe saint- (sant- en breton) qui ne puissent s’avérer problématiques, comme en témoignent Saint-Logot, dans la commune de Trémel (Côtes-d’Armor), ou Saint-Nogot en Saint-Goazec (Finistère), lesquels ont de grandes chances de cacher la dénomination bretonne san logot formé avec san, saon, « conduit, canal, ruisseau », et logot, « souris ».

 

André-Yves Bourgès

Printfriendly