Il aura été beaucoup question des « disciplines rares » dans les discours officiels,
notamment ministériel, délivrés à l’occasion de la cérémonie des vœux de l’École
pratique des hautes études qui, en 2018, célèbre le 150e
anniversaire de sa création par Victor Duruy. « Disciplines rares » dont on paraît
en effet se soucier un peu plus en haut lieu depuis le rapport remis en
décembre 2014 à Mme Geneviève Fioraso, alors Secrétaire d’État à l'Enseignement
supérieur et à la Recherche, par trois personnalités du monde de l’Université.
Le débat sur la prise en charge des « disciplines rares »
ne date pas d’aujourd’hui : vers le milieu du XVIe siècle, elles
pouvaient apparaître aux yeux de certains comme le possible démultiplicateur
d’une science vaine, encore largement empreinte de scolastique médiévale, ainsi
que le décrivait sur le mode de la satire l’auteur rabelaisique du Cinquième Livre. Or, il s’agissait bien
évidemment du contraire et, heureusement pour leur pérennité, leur renforcement
et leur développement, les « disciplines rares » avaient d’ores et déjà
trouvé asile au sein du collège des lecteurs royaux créé par François Ier :
« Par l'institution des Lecteurs
royaux sont consacrées ces idées, que l'enseignement tel que l'avait compris le
Moyen-Age ne suffit plus, et qu'une période nouvelle doit s'ouvrir ; qu'il peut
y avoir des professeurs délivrés non seulement des obligations scolaires, des
examens et des thèses, mais des cours doctrinaux ; qu'il peut y avoir des
auditeurs tels que, sans rien payer, sans même s'inscrire, sans dessein de
conquérir des diplômes et des grades, ils apprennent pour la joie d'apprendre;
qu'à côté de l'Université officielle s'installe une corporation qui reste en
dehors de la hiérarchie commune, qui ne dépend que de la personne du roi, et
qui prend la charge des disciplines rares, difficiles et nouvelles ; qu'elle se
ne recrute pas nécessairement parmi les professeurs qui ont des titres, mais
bien plutôt parmi les âmes hardies que tentent les voies non frayées ; de sorte
que l'esprit qui préside à cette création est le culte inconditionné de la
science »[1].
Dans le prolongement de l’enseignement du Collège de France, celui
prodigué par l’École pratique des hautes études depuis la fondation de cet
établissement hors murs et surtout hors normes, a eu également pour vocation,
mais sur le terrain de l’expérimentation, de cultiver ce que les Allemands pour
leur part appellent de manière à la fois plus poétique et plus parlante, les « disciplines
orchidées » (Orchideenfächer) :
c’est le moment de rappeler qu’il faut des jardiniers pour les entretenir et pour
favoriser leur efflorescence, « car on ne doute pas que les théologiens ou
les paléontologues contribuent eux aussi à la richesse des nations »[2].
C’est vrai aussi des hagiologues.
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