"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale."

J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat... (ouvrage téléchargeable ici).

13 octobre 2013

Bis in eodem anno



A dix mois d’intervalle, 2013 aura donc vu disparaître deux maîtres des études médiévales bretonnes, Jean-Christophe Cassard en tout début d’année et maintenant Bernard Merdrignac, chef de file incontesté des études hagiologiques régionales.


Comme beaucoup d'entre nous, j’ai fait la connaissance de Bernard au colloque organisé en 1985 à  Landévennec pour le 15e centenaire de l’abbaye, colloque dont l’historiographie aura un jour à restituer la véritable mesure tant il a contribué au renouveau des études sur la Bretagne au Moyen Âge ; mais c’est surtout à partir du début des années 1990, dans le cadre du CIRDoMoC, que mes échanges avec Bernard sont devenus chaque jour plus féconds : marqués au coin de la courtoisie, de l’humour, de la modestie et de la générosité dont ce chercheur exceptionnel a toujours fait preuve dans ses relations avec ceux qui bénéficiaient de son immense savoir, ils ont largement contribué, tout comme ceux que j’entretenais avec Gwenaël Le Duc, à la définition de ma propre démarche de recherche définie avant tout comme un traitement heuristique du matériau hagio-historiographique.


En 1995, sur la recommandation du regretté André Chédeville, Bernard avait accueilli dans la prestigieuse revue des Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, dont il était à la fois le secrétaire du conseil d’administration et l’un des membres du comité de rédaction, mon travail sur « Guillaume le Breton et l'hagiographie bretonne aux XIIe et XIIIe  siècles ».  Non content de m’avoir ainsi précocement témoigné sa bienveillance en tant qu’éditeur, Bernard par la suite me fit, à plusieurs reprises, l’honneur et l’amitié de montrer de l’intérêt pour les différentes hypothèses développées à cette occasion et depuis. En 1996, nous étions ensemble, en compagnie de son épouse et de Gwenaël Le Duc, au colloque sur l’hagiographie irlandaise organisé à Cork où nous fûmes accueillis avec chaleur par Jean-Michel Picard. Des liens forts se sont alors tissés entre nous ; mais la première déchirure est intervenue une dizaine d’années plus tard avec la disparition précoce de Gwenaël, en décembre 2006. Peu après, en 2009, sensiblement à l’époque où Bernard se préparait à recevoir de l’Université un éméritat bien mérité, il me fit part, avec la pudeur qui le caractérisait, de ses propres problèmes de santé : les dernières années se sont cependant avérées aussi laborieuses que studieuses et le livre-testament de notre ami, D’une Bretagne à l’autre, paru en 2012, dont j’ai eu l’honneur de rendre compte pour les Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, témoigne de son insatiable appétit de recherche : jusqu’au dernier moment, comme le montre son ultime notule sur son blog, Bernard aura travaillé.


La Faucheuse est sans pitié, mais surtout sans discernement : non bis in eodem anno ! avons-nous été nombreux à lui crier, quand les amis de Bernard furent au courant de la situation de celui-ci. Nous n’avons malheureusement pas été entendus…

André-Yves Bourgès


Quelques semaines avant la disparition de Bernard,  ses amis lui ont remis la pré-maquette et les textes du volume de Mélanges qu'ils avaient préparé pour lui : Bernard a donc pu prendre connaissance des différentes contributions qui lui étaient offertes et c'est lui qui a proposé le plan destiné à les répartir de manière harmonieuse entre cinq parties dont il a suggéré les thématiques. Cet ouvrage est ainsi chargé d'une émotion particulière.

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