"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale."

J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat... (ouvrage téléchargeable ici).

27 décembre 2007

Un an après : Gwenaël nous manque plus que jamais...

Le faible hommage rendu à Gwenaël Le Duc sur le présent blog voici tout juste un an ne saurait rendre compte de la perte énorme causée aux études bretonnes dans des domaines variés, notamment dans celui de l'hagio-historiographie médiévale, par la disparition prématurée de ce chercheur passionné et passionnant. Dans le dernier Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Bernard Merdrignac a mobilisé son talent pour dire avec des mots simples, vrais et pudiques toute l'affection et l'admiration qu'il éprouvait pour son collègue. Ce n'est pas trahir un grand secret que de révéler que cette affection et cette admiration étaient réciproques...

Personnellement, c'est dans sa dimension érudite, dans les lettres qu'il nous adressait hebdomadairement, dans les "à-côtés" des colloques,... que Gwenaël nous manque le plus : parce que cette dimension était chez lui tout empreinte d'humanité et d'humour, ce dont tant d'autres se trouvent être malheureusement à jamais privés.

Signalons que des Mélanges devraient paraître prochainement à la mémoire de notre ami si cher.

André-Yves Bourgès


07 décembre 2007

Billet d'humeur


Notre époque est celle de la facilité : les publics auxquels on souhaite faire passer des messages culturels (étudiants, apprenants,...) sont désormais en situation d'exiger que l'on s'adapte à leurs besoins et ne cherchent pas nécessairement, en ce qui les concerne, à faire l'effort d'adaptation nécessaire. Or, nous considérons que le métier d'historien est exigeant et nous ne pouvons le concevoir sans une certaine déontologie, qui ne permet pas cette réduction au plus petit dénominateur commun (le "truc", la "recette", l'anecdote, voire l'anecdotule).

Ainsi, "raconter l'Histoire" aux gens sans prendre le temps et les moyens de leur expliquer que la façon même dont on raconte l'Histoire au travers des sujets retenus est lourde de conséquences sur la représentation idéologique de l'objet historique auquel on s'intéresse, c'est, pour nous, renoncer à entreprendre une véritable démarche d'historien ; et c'est la menace qui, nous semble-t-il, pèse désormais sur les études historiques bretonnes, par exemple, quand ces dernières s'attachent à des sujets comme la venue des Bretons insulaires en Armorique, le Tro Breiz, l'hagiographie, le mythe arthurien, etc.

En effet, la "marchandisation" touristique qui est associée à plusieurs de ces sujets requiert la caution des historiens mais enlève par avance à ces derniers le droit de procéder à la nécessaire mise au point historiographique qui viendrait fort à propos relativiser la pertinence des problématiques concernées. "Dites-nous qu'Arthur est vivant ! réclamaient déjà les Bretons du XIIe siècle à leurs chroniqueurs ; mais ne nous dites point pourquoi nous voulons absolument croire qu'Arthur est vivant !" : l'attente de leurs descendants du XXIe siècle ne paraît pas être très différente...


André-Yves Bourgès

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