"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale."

J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat... (ouvrage téléchargeable ici).

22 octobre 2017

Jean-Yves Guiomar (1940-2017)




La mémoire de Jean-Yves Guiomar, disparu au début de ce mois d’octobre, doit être ici saluée, car, en marge ou plus exactement en arrière-plan de ses recherches sur le bretonisme, – « dont les deux composantes majeures sont la littérature et la philologie (La Villemarqué) et l’histoire (La Borderie) », selon sa propre définition[1], –  la contribution de cet historien contemporanéiste aux études hagiologiques bretonnes s’avère particulièrement importante, sinon même décisive : en soulignant le rôle central que les saints locaux ont joué dans l’historiographie bretonne du XIXe siècle, en désignant à l’attention du public la place primordiale et prépondérante qu’ils ont occupée dans la démarche historienne d’Arthur de la Borderie, la thèse pour le doctorat d’État soutenue en 1986 par Guiomar[2] a mis en évidence, – en prolongeant et en approfondissant la réflexion menée par Bernard Tanguy, quelques années auparavant[3], à partir de questions de doctrine et de méthode toponymiques posées par François Falc’hun[4], – la véritable spécificité du bretonisme.

Son « itinéraire d’historien »[5], jalonné de nombreuses publications[6], a donné l’occasion à Guiomar d’apporter depuis 1969 différents éclairages sur la question centrale de la « nation », dont on sait qu’elle demeure d’une actualité brûlante, bien au-delà du cercle des historiens. En revanche, sa carrière professionnelle dans l’édition, pourtant riche d’expériences intéressantes, notamment celle qui concerne l’aventure de Champ Libre, n’a pas suscité sa plume ; mais nul doute que les documents déposés par ses soins à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine[7] devraient contribuer à une meilleure connaissance de cet épisode.


[1] J.-Y. Guiomar, Peuple, région, nation (recueil de travaux), Brest, 2015, p. 181.
[2] Thèse dont l’essentiel a été publié avec une préface de Michel Denis sous le titre Le Bretonisme. Les historiens bretons au XIXe siècle, Mayenne, 1987.
[3] B. Tanguy, Aux origines du nationalisme breton, t. 1 : Le renouveau des études bretonnes au XIXe siècle, Paris, 1977.
[4] F. Falc’hun, Les noms de lieux celtiques, 2e série : Problèmes de doctrine et de méthode. Noms de hauteurs, Rennes, 1970, en particulier p. 43-90.
[5] Peuple, région, nation, p. 7-22.
[6] Ibidem, p. 305-311.


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