"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale." J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat...

05 juillet 2024

Les offices de Clair et de Félix dans les bréviaires nantais et l’apostolicité de l’Église de Nantes au Bas Moyen Âge

 

Les offices de Clair [BHL 1824] et de Félix [BHL vacat], dont les leçons figurent dans plusieurs bréviaires du Bas Moyen Âge, témoignent de l’existence à cette époque d’une tradition relative aux prétentions apostoliques du siège épiscopal de Nantes.  L’office de Clair a d’abord été transcrit dans un bréviaire manuscrit de la première moitié du XIVe siècle[1] puis dans un autre plus tardif (second tiers du XVe siècle)[2], où on peut lire également l’office de Félix[3] dont c’est, à notre connaissance, la première parution. Il faut en outre tenir compte d’un troisième bréviaire manuscrit, daté des années 1470 ; mais il n’en subsiste que le sanctoral d’été, ce qui nous prive de « la légende de saint Félix, qui appartient à la partie d’hiver »[4]. Ces trois livres liturgiques étaient à l’usage de Nantes et ont servi à la composition des premiers bréviaires diocésains imprimés, en particulier celui de 1518[5].

I

L’office de Clair dans le bréviaire manuscrit de la première moitié du XIVe siècle n’est pas le plus ancien témoignage sur le culte du saint à Nantes. En 1263, le chantre Hélie, – dressant la liste des saints du diocèse dans un ouvrage à vocation liturgique qu’il appelle un « Ordinaire » (Ordinarium)[6], prend soin de donner une courte notice sur notre personnage ; mais, comme il le fait pour Félix, il se contente de renvoyer au commun d’un confesseur pour les leçons de l’office :

Sexto Idus [octobris], est festum beati Clari, episcopi et confessoris, de quo fac IX lectiones. Quaere totum officium in communi unius Confessoris pontificis. Iste Clarus fuit primus episcopus ecclesiae Nannetensis ; qui, missus a Romano pontifice ad eamdem ecclesiam, clavum quem beatus Petrus ad dexteram habuit in passione secum detulit, quem in maxima veneratione habemus. Facimus autem de S. Claro festum cum cappis in crastinum S. Dionysii[7].

Depuis Arthur de la Borderie, tous les critiques avisés de l’apostolicité de l’église de Nantes n’ont pas manqué de souligner qu’il est uniquement fait mention dans ce bref passage d’une relique prestigieuse, – un clou ayant servi au supplice de Pierre, – qu’un pape anonyme avait donnée à Clair, présenté comme le premier évêque de Nantes, pour marquer l’importance de la mission d’évangélisation confiée à ce dernier[8]. En revanche, la leçon VI de l’office du saint dans le bréviaire manuscrit de la première moitié du XIVe siècle s’ouvre par une formule plus ambigüe, qui présente Clair ayant vécu dans la compagnie des saints apôtres :

Hic sanctorum apostolorum consorcia consecutus divino spiramine pneumatis est imbutus. Hic a Romano pontifice ad Gallie partes missus est ut verbum divinum predicaret suaque predicacione fidem catholicam erudiret. Qui secum deferens clavum beati Petri pendentis in cruce dexteram perforantem in Britanniam Domino ducente pervenit urbis Nannetice, divina gracia inspirante primus pontifex est effectus[9].

La concomitance de la publication de la thèse développée par l’évêque Daniel Vigier (1304-1337), sur l’indépendance politique des prélats nantais[10], avec la parution de l’office de Clair, où est mentionnée, pour la première fois, l’apostolicité du saint, n’est sans doute pas fortuite : en effet, il était beaucoup plus facile de justifier l’absence de liens de sujétion du siège épiscopal à l’égard d’un pouvoir séculier dont l’établissement s’avérait très postérieur. Ainsi donc, la thèse de Vigier paraît avoir été la matrice de celles qui ont suivi sur le même sujet : c’est en particulier le cas des arguments présentés en 1453 par Guillaume de Malestroit (1443-1461), dont la hardiesse provoqua d’importants remous[11].

La parution plus tardive, ainsi que nous l’avons dit, de l’office de Félix ne préjuge en rien de l’ancienneté du ou des hypotextes dont avaient été tirées ses leçons. Comme en ce qui concerne la legenda de Similien[12], le récit félicien original a probablement été composé par l’auteur de la Chronique de Nantes : du moins, ainsi que nous le verrons plus loin, le texte des leçons V à IX de l’office du saint, où il est question de la construction de la cathédrale, a-t-il été effectivement emprunté au premier chapitre de cette Chronique.

II

La présence, durant presque tout le VIe siècle, sur le siège épiscopal de Nantes de trois prélats apparentés[13], – lesquels, pour ce que nous pouvons en connaître, paraissent avoir fait montre d’une conduite morale et d’un zèle pastoral assez remarquables, – aurait dû tenter la plume d’un hagiographe patenté, désireux de rapporter leurs Gesta, en particulier s’agissant de Félix (mort en 582), considéré comme un saint par la tradition et fêté au 8 janvier. Or, quand bien même nous disposons pour ce dernier d’un portrait contemporain particulièrement vivant, – au reste fortement contrasté, car brossé à quatre mains par son ami, Venance Fortunat, et par Grégoire, son métropolitain, son « surveillant général », avec lequel il eut maille à partir, Félix, à notre connaissance, n’a fait l’objet d’aucun traitement hagiographique digne du personnage ; ou, du moins, dans le cas où un tel texte aurait existé, nous n’en avons gardé qu’un souvenir bien pâle : en effet,  si le court office liturgique de Félix a probablement constitué pour l’essentiel l’abrégé d’un texte plus ancien, on peut, à sa lecture, se convaincre aisément que ce dernier ouvrage ne rendait pas compte de la richesse de son sujet.

Grégoire de Tours s’est intéressé à plusieurs reprises à des saints de Nantes ou du pays nantais : ainsi rapporte-t-il, de manière vivante, les destinées d’un trio d’anachorètes, Friard, Sabaudus et Secondel [BHL 3148], au temps de Félix[14] ; de plus, dans le cadre d’une anecdote miraculaire[15] qui paraît largement empruntée à la vita de Vivien [BHL 1324-1325][16], il évoque incidemment les célèbres « Enfants nantais », Donatien et Rogatien, en même temps qu’un saint évêque du lieu nommé Similien [BHL 2277], auxquels il fait jouer le rôle de véritables divinités poliades. Quant à Venance Fortunat, – outre la vita d’Aubin [BHL 234], d’abord abbé de Théhillac, près de la frontière avec les Bretons du Vannetais[17], puis évêque d’Angers[18], il a donné sur le mode épitaphique, dans ses Carmina, un bel éloge d’Eumère, le prédécesseur et très vraisemblablement le père de Félix[19] : si ce lien de parenté était définitivement confirmé, une gracieuse anecdote racontée par Félix à Grégoire[20]  pourrait, elle aussi, se rapporter à Eumère.

*

L’essentiel du texte de l’office de Félix est consacré à la description de la cathédrale de Nantes (leçons V à IX) :

Lectio V. — De nobilitate autem hujus ecclesiae, tam ex preciositate materiae quam ex pulchritudine formae ipsius, Sanctus Fortunatus, Episcopus Pictavensis, ejusdem Beati Felicis contemporaneus, ad laudem et commendationem ipsius multa scripsit.

Lectio VI. — Et quamvis dictus Fortunatus, episcopus, de ecclesiae qualitate predictae et ejus pulchritudine, ac de laude incliti Felicis, praesulis, multa descripserit, aliqua tamen tacuit memoranda. Altaria vero marmorea in hac eadem ecclesia talia constituit idem Felix, episcopus, qualia usque Romam non inveniebantur.

Lectio VII. — Columnas fecit plurimas in eadem cum capitellis ex vario marmore sculptis ad arcus sustinendos et in utrisque parietibus museum miro opere fabricatum, et in arcubus gypseos flores variis coloribus distinctas et ante altaria coronas aureas cum phialis argenteis.

Lectio VIII. —  In medio vero ecclesiae statuit columnam marmoream sustinentem Crucifixum argenteum, aureum habentem lumbare preciosis lapidibus intextum cum catena argentea sursum a trabe ligata, et omne pavimentum ex vario marmore mirabiliter factum.

Lectio IX. —  Vasa quoque argentea, aurea et magnam ornamentorum copiam eidem ecclesiae tribuit. Carbunculus etiam erat ibi positus supra columnam marmoream allatam ex Alexandria, quod de nocte totam illuminabat ecclesiam. His itaque praedictis et aliis pluribus quae non sunt scripta, Ecclesia Namnetensis decorat fuit a Beato Felice et super omnes alias Galliae ecclesias exaltata[21] .

Ce passage est inspiré, nous dit-on explicitement, du poème de Venance Fortunat[22], qu’il prétend même compléter[23] : l’ami de Félix était assurément un bon modèle à imiter ; mais on peut aisément observer qu’il n’a fait l’objet d’aucun emprunt de la part de l’hagiographe, lequel, – si tant est même qu’il les ait jamais nourries, – avait donc largement renoncé à ses ambitions au moment de composer son œuvrette. En revanche, cette description, introduite par la formule sciendum est, figure au début de la Chronique de Nantes[24], ainsi que l’a fait remarquer René Merlet[25] qui souligne :

« Le chroniqueur de Saint- Brieuc, qui, seul avec Le Baud, nous a conservé ce premier chapitre de la Chronique de Nantes, fait suivre les mots sciendum est du mot enim. Ce qui semble prouver que ce premier chapitre était précédé d'une ou de plusieurs phrases dont le texte est perdu » [26].

Cette lacune pourrait être comblée sans difficultés particulières, au moins partiellement, par le recours au texte des leçons III et IV de l’office, lesquelles évoquent la manière dont l’action de bâtisseur de Félix s’était inscrite dans la continuité de ses prédécesseurs en général et d’Eumère en particulier :

Lectio III. — Qui Constantinus edicto imperiali praecepit ut per universum orbem Jesus Christus, Dominus Noster, manifestissime praedicaretur et ut, cum episcoporum licentia, ecclesiae in nomine Christi aedificarentur. Quo tempore, Nannetenses Episcopi primum ausi fuerant infra moenia Nanneticae urbis ecclesiam aedificare in honorem Beatorum Petri et Pauli Apostolorum[27].

Lectio IV. — Quam Ecclesiam aedificaverunt in Orientali parte civitatis cum tribus criptis parvissimis. Et sic permansit illa parva[28]  ecclesia usque ad tempora Clotarii, regis, filii Clodovei. Tunc vero Eumelius, Nannetensis Episcopus, erigens fundamenta magnae ecclesiae ex omni parte ecclesiolae circumposuit, quam postea Beatus Felix Episcopus, successor ipsius mirabili opere ad consummationem felicem perduxit[29] .

La mention de Constantin est d’autant plus intéressante à relever qu’elle figure également, comme on l’a dit[30], dans l’argumentaire de l’évêque Guillaume de Malestroit :  l’introduction de l’office de Félix dans la liturgie de l’église nantaise n’aurait-elle pas été destinée à renforcer les prétentions contemporaines de ce prélat ? On constate en effet que cet office préconise, à l’instar de celui de Clair, l’apostolicité de l’Église locale :

Lectio IL Eo autem tempore quo Beatus Clarus primus Nanneticorum Episcopus ad hanc urbem praedicandam ab Apostolico[31] (adjuncto Deodato diacono) missus fuit, tunc temporis intra moenia hujus urbis minime potuit aedificare ecclesiam propter contrarietatem paganorum ; nec etiam alii Episcopi, successores sui, donec Beatus Sylvester Constantinum imperatorem ad fidem Christi convertit[32].

Mais ici, la mission confiée par les apôtres à Clair, – lequel se voit adjoindre en la circonstance un diacre nommé Deodat, jusqu’alors inconnu de la tradition nantaise, – n’avait pas abouti, du fait de l’opposition des païens, à la construction d’une église à l’intérieur même de la ville : il avait même fallu attendre pour ce faire la conversion de Constantin. Il est manifeste que ce passage de l’office de Félix témoigne d’une volonté d’annexer le saint à la thèse apostoliciste : outre l’invention du nom de Déodat, personnage qui connaîtra par la suite un assez grand succès[33], son auteur s’est efforcé, tant bien que mal, d’accorder la leçon en question avec le rappel historique de la reconnaissance officielle de la religion chrétienne par un décret de Constantin (leçon III).

Enfin, l’aspect de puzzle littéraire du texte de l’office de Félix se voit encore renforcé par la leçon I, qui contient quelques éléments relatifs aux origines géographiques et sociales du saint :

Lectio I. — Gloriosus Felix, Episcopus Nannetensis, ex Bituricensi urbe ac generosis parentibus originem duxit, adeo quod quasi omnibus nobilibus Aquitaniae regionis per sanguinitatis lineam attingebat. Merito etenim tali nomine proprie est appellatus. Feliciter enim vixit et vitam feliciter consummavit[34].

Si la parenté prêtée à Félix avec la quasi-totalité de l’aristocratie d’Aquitaine peut effectivement correspondre à sa situation familiale, son origine berruyère en revanche paraît résulter d’une confusion avec le prélat homonyme qui siégeait à Bourges à la même époque : là encore, il s’agit d’une tradition tardive. Quant au rapprochement du nom du saint (merito etenim tali nomine proprie est appellatus) avec l’adverbe correspondant (feliciter enim vixit et vitam feliciter consummavit), il donne à l’écrivain l’occasion de définir à notre intention en quoi consistait, dans la perspective chrétienne, un callonyme, « beau nom », ou bien « nom profitable », ou encore « nom approprié » ;  rapprochement que Venance Fortunat lui-même, « toujours à l’affût d’un jeu de mots »[35], n’avait pas manqué de faire en son temps[36] et que l’on retrouve également, ainsi qu’on l’aura noté, dans la leçon IV de l’office du saint (ad consummationem felicem perduxit).

*

A titre de conclusion provisoire, il nous semble possible d’établir le rapport d’étape suivant.

1.     Les deux offices de Clair et de Félix, auxquels il faut ajouter celui de Similien, se complètent et se renforcent mutuellement, comme on peut s’en rendre compte à la lecture de leurs leçons respectives, même si celles-ci renvoient à des traditions distinctes : dans l’office de Similien, il est fait état d’un épisode miraculaire, rapporté au temps de l’évêque Gautier (1005-1041), dans lequel l’intercession du clou de Pierre est sollicitée avec succès par les participants ; mais le texte est absolument muet sur Clair. A l’inverse, pas un mot de la relique dans l’office de Félix, dont cependant la leçon II évoque la mission apostolique de Clair.

2.     Ces différentes constations permettent de déterminer dans quel ordre chronologique doit être envisagée la composition des textes concernés :

-         XIe-XIIe siècles : Récit de deux miracles en relation plus ou moins directe avec Similien et récit de la (re)construction par Félix de la cathédrale de Nantes ; les deux textes en question sont sortis de la plume de l’auteur de la Chronique de Nantes et/ou ont été intégrés à cet ouvrage que Le Baud désignait sous le titre de Livre des miracles et chronicques de l’église de Nantes[37].

-         Entre 1263 et 1347, probablement aux années 1305-1337, publication de la legenda de Clair ; les récits où apparaissent Similien et Félix sont quant à eux absents des livres liturgiques de Nantes des XIIIe et XIVe siècles.

-         Sous l’épiscopat de Guillaume de Malestroit (1443-1461), introduction dans le bréviaire à l’usage de Nantes des offices de Clair, Félix et Similien, composés à partir des textes précédents : l’office de Félix témoigne des procédés d’interpolation utilisés pour renforcer l’argumentation du prélat. Quant à l’office de Similien, nous ignorons s’il a fait l’objet de pareil traitement ; mais cela ne nous semble en l’occurrence nullement nécessaire, ainsi que nous l’avons indiqué dans un précédent travail[38].

 

André-Yves Bourgès



[1] Ms Nantes, Bibliothèque municipale, 2376, f. 236v-237v. – Arthur de la Borderie, Saint Clair et les origines de l'église de Nantes selon la véritable tradition nantaise, Rennes, 1884, p. 4, ignore ce manuscrit, ce qui lui fait postdater au XVe siècle la première mention de l’apostolicité des origines nantaises : « Le plus ancien document qui rapporte aux temps apostoliques la mission de S. Clair est un bréviaire de Nantes manuscrit, sans date, mais dont l'écriture accuse le commencement du XVe siècle, et qu'on appelle d'ordinaire Bréviaire de 1400 ».

[2] Ms Nantes, Bibliothèque municipale, 25, f. 400v-403. Ce bréviaire contient l’office de la Présentation de la Vierge, dont la fête n’a été instituée à Nantes qu’en 1427, d’après Nicolas Travers, Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes (éditée par Auguste Savagner), t. 1, Nantes, 1836, p. 526.

[3] Ibidem, f. 254r-255r.

[4] François Richard, Étude liturgique sur la légende de saint Clair, Nantes, 1885 (Supplément à la Semaine religieuse du diocèse de Nantes), p. 45. Il s’agit du ms Nantes, Bibliothèque municipale, 26, dont il n’existe pas de copie numérisée.

[5] Ibidem, p. 9 et 25-26.

[6] Ms Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 1251 : Ego igitur Helyas, cantor humilis ecclesie memorate [Namnetensis], in nomine sancte et individue Trinitatis, anno Domini Mo CCo LXIIIo, de ordine divini officii presentem libellum composui, quem Ordinarium appellavi ; in quo quid per totum anni circulum qualiter sit psallendum lector diligens poterit invenire (d’après le catalogue en ligne Calames, https://calames.abes.fr/pub/#details?id=BSGB10001).

[7] Arthur de la Borderie, Saint Clair et les origines de l'église de Nantes …, p. 3-4.

[8] Ibidem, p. 4 : « Donc, au XIIIe siècle, la tradition nantaise, telle qu'elle s'était constituée à travers les âges, admettait sur S. Clair ces trois points : 1° Qu'il était le premier évêque de Nantes ; 2° Qu'il tenait sa mission du siège de Rome ; 3° Qu'il avait apporté l’un des clous du martyre de S. Pierre. Rien de plus. Rien sur l'époque de S. Clair. L'opinion qui le rattache aux temps apostoliques n'était donc pas encore née ou, ce qui revient au même, le chantre de l'église de Nantes, l'organe officiel de la tradition liturgique, la jugeait trop peu sérieuse pour

la mentionner, car il lui eût été bien aisé de mettre dans son texte la formule que nous allons trouver tout à l’heure dans les documents du XVe siècle (consortia consecutus apostolorum) ou tout autre analogue. Mais il s’en est bien gardé ».

[9] Ms Nantes, Bibliothèque municipale, 2376, f. 237r-237v.

[10] Barthélemy-Amédée Pocquet du Haut-Jussé, Les papes et les ducs de Bretagne. Essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, 2e édition, Spézet, 2000, p. 187-188.

[11] André-Yves Bourgès, « Vicissitudes de la mémoire hagiographique bretonne au bas Moyen Âge : la fondation des évêchés en Bretagne », Hélène Bouget, Amaury Chauou, Cédric Jeanneau (éd.), Histoires des Bretagnes. 4. Conservateurs de la mémoire, Brest, 2013, p. 46 : le prélat « frappa un grand coup en 1453, à l’occasion du procès qui l’opposait à l’un de ses vassaux, en faisant développer par son avocat devant le parlement que ‘’l’Église nantaise était la première fondée en Occident sous le vocable de saint Pierre, qu’elle datait de l’an 47 de [la Passion de] Notre Seigneur et qu’elle avait reçu son temporel de l’empereur Constantin’’ ».

[12] Idem, « Considérations sur le dossier hagiographique de Similien de Nantes », Hagio-historiographie médiévale (22 avril 2024), en ligne : http://www.hagio-historiographie-medievale.org/2024/04/considerations-sur-le-dossier.html. Nous avons omis de préciser dans cette notule que les pièces de ce dossier n’ont pas été répertoriées dans la BHL.

[13] Cette lignée épiscopale remonte peut-être au milieu du IVe siècle : voir Reinhold Kaiser, « Royauté et pouvoir épiscopal au nord de la Gaule (VIIe-IXe siècles) », Francia, 16 (1989), n°1, p. 146, n. 17, qui renvoie notamment à Martin Heinzelmann, Bischofsherrschaft in Gallien. Zur Kontinuität römischer Führungsschichten vom 4. bis zum 7. Jh. Soziale, prosopographische und bildungsgeschichtliche Aspekte, Munich, 1976 (Beihefte der Francia, 5), p. 214-215.

[14] A.-Y. Bourgès, « Grégoire de Tours et les reclus de l’Ouest », Hagio-historiographie médiévale (22 décembre 2008), en ligne : http://www.hagio-historiographie-medievale.org/2008/12/grgoire-de-tous-et-les-reclus-de-louest_22.html.

[15] De gloria martyrum, cap. LIX.

[16] Pierre Courcelle, « Trois dîners chez le roi Wisigoth d'Aquitaine », Revue des Études Anciennes, 49 (1947), n°1-2, p. 175-177

[18] Elisabeth Carpentier et Georges Pon, « La vie de saint Aubin par Fortunat », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 125 (2018), n°2, p. 7-36. Comme le soulignent (p. 12), les auteurs de cet article, l’ouvrage en question ne s’apparente pas réellement à une biographie, quand bien même Venance Fortunat était un presque contemporain du saint et a pu disposer d’informations de première main.

[19] Venance Fortunat, Poèmes. Livres I-IV (Texte établi et traduit par Marc Reydellet), Paris, 1994, p. 178 : « Félix succéda, en 549 (H.F. VI, 15) sur le siège de Nantes, à Eumère qui, d'après son épitaphe, cf. infra, IV, 1, 31, semble avoir été son père, voir K.F. Stroheker, Adel, p. 169, n° 125 et p. 172, n° 148 ; et M. Heinzelmann, Bischofsherrschaft, p. 214 ».

[20] De gloria confessorum, cap. LXXVIII.

[21] F. Richard, Étude liturgique sur la légende de saint Clair…, p. 47-48.

[22] Ibidem, p. 47 : De nobilitate autem hujus ecclesiae, tam ex preciositate materiae quam ex pulchritudine formae ipsius, Sanctus Fortunatus, Episcopus Pictavensis, ejusdem Beati Felicis contemporaneus, ad laudem et commendationem ipsius multa scripsit.

[23] Ibid., : Et quamvis dictus Fortunatus, episcopus, de ecclesiae qualitate predictae et ejus pulchritudine, ac de laude incliti Felicis, praesulis, multa descripserit, aliqua tamen tacuit memoranda.

[24] René Merlet (éd.), La Chronique de Nantes (570 environ-1049), Paris, 1896, p. 1-3.

[25] Ibidem, p. lviii : « Le chapitre premier, qui contient la description de la basilique construite au VIe siècle par l'évêque Félix, a été extrait d'un livre liturgique de la cathédrale, bréviaire ou légendaire. Mgr Richard a retrouvé ce récit presque tout entier dans un bréviaire du XVe siècle à l'usage de l'église de Nantes. L'édition qu'il en a donnée ne présente avec le texte de la Chronique de Nantes que des variantes de peu d'importance ».

[26] Ibid., p. 1, n. 1.

[27] Ms Nantes, bibliothèque municipale, 25, f. 254v : Apostolorum Christi.

[28] Ibidem : prima au lieu de parva.

[29] F. Richard, Étude liturgique sur la légende de saint Clair…, p. 46-47.

[30] Voir supra n. 11.

[31] Ms Nantes, bibliothèque municipale, 25, f. 254r : ab apostolis.

[32] F. Richard, Étude liturgique sur la légende de saint Clair…, p. 46.

[33] Albert Le Grand, La vie, gestes, mort et miracles des saincts de la Bretaigne armorique, Nantes, 1637, p. 361 et 606.

[34] Ibidem, p. 45-46.

[35] Charles Nisard, « Des rapports d'intimité entre Fortunat, sainte Radegonde et l'abbesse Agnès », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 33ᵉ année (1889), n°1. p. 45.

[36] Carmina, III, 5 (« ad Felicem episcopum ex nomine suo »). Cf. Evrard Delbey, Venance Fortunat ou l'enchantement du monde, Rennes, 2009, p. 37.

[37] Pierre D’Hozier (éd.), Histoire de Bretagne, avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, par Pierre Le Baud… Ensemble quelques autres traités servant à la même histoire. Et un recueil armorial... Le tout nouvellement mis en lumière, tiré de la bibliothèque de Mgr le marquis de Molac..., Paris, 1638, p. 143.

[38] Voir notre hypothèse  sur « Une lecture ‘’ménardesque’’ de la legenda de Similien ? » dans la notule référencée supra n. 12.

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