Un petit rappel en préalable sur le matériau
hagiographique médiéval.
Ce « type de littérature »[1] a connu en Bretagne une grande vogue depuis le IXe
siècle au moins[2], avec une efflorescence particulièrement remarquable dans le dernier tiers de ce siècle, dont témoignent
notamment les vitae de Guénolé, Magloire, Malo, Paul Aurélien et la
seconde vita de Samson.
Si certains
historiens éprouvent parfois une forme de frustration de ne pouvoir disposer de
textes plus anciens, – à l’exception de la première vita de Samson, composée « vers la fin du VIIIe ou au
début du IXe siècle », et, surtout, du
« palimpseste samsonien » transparaissant dans le texte de cette dernière, plus ancien
donc, « vers la fin du VIIe siècle ? », – il convient plutôt, de notre
point de vue, de se réjouir que l’acmé du IXe siècle, n’ait pas
épuisé le filon : on peut en effet constater,
après « le choc des agressions des Vikings suivies de la dispersion
des élites religieuses » qui
caractérise le Xe siècle, que son exploitation a repris de plus belle
dans des établissements moins exposés, où les communautés religieuses de la
péninsule, poussées sur les routes de l’exode avec
leurs reliques et leurs manuscrits, avaient été accueillies.
Celles qui
avaient trouvé refuge en Grande-Bretagne, dans le « West Country », ont généré à cette occasion un processus de « resourcement
culturel » réciproque , dont les effets n’ont pas encore été
suffisamment étudiés : le roi des
Saxons de l’ouest, Athelstan, dont l’autorité s’est étendue à partir de 924 à
toute l’Angleterre, a joué à cette occasion, en sa qualité de grand
collectionneur de reliques de saints bretons, un rôle essentiel dans ce
phénomène.
Nous voyons ensuite que, dans les dernières décennies du XIe
siècle, le monastère de Llancarfan entretenait des liens avec les abbayes de
Rhuys et surtout de Quimperlé : les échanges entre l’île et le continent
avaient été renforcés par la conquête normande de l’Angleterre en 1066, à
laquelle les Bretons furent nombreux à participer. Surtout cette
invasion a suscité au Pays de Galles une véritable réaction identitaire à
l’origine de l’hagiographie locale, dont les auteurs ont pu alors chercher
leurs modèles en Bretagne où ce type de littérature était très développé.
Enfin, au siècle suivant, l’épisode dramatique de l’Anarchie
anglaise (1138-1153), où certains Bretons ont joué un rôle politico-militaire,
a fourni l’occasion de nouveaux contacts, illustré notamment par la promotion
du vicomte de Léon, Hervé, soutien du roi Etienne, à la tête du comté de
Wiltshire aux années 1139-1141, dont a bénéficié la tradition mélarienne à
l’abbaye d’Amesbury.
*
A partir du milieu
du XIe siècle, la production hagiographique bretonne, enrichie de
tous ces échanges et contacts, a pu reconstituer le « capital
mémoriel » des monastères ruinés par la
tourmente scandinave, comme il se voit par exemple avec la vita de
Gildas et celle de Méen, respectivement à Rhuys et à Gaël/Saint-Méen-le-Grand.
Il faut également signaler l’essor à la même époque d’une véritable mode, qui a
consisté pour les hagiographes à attribuer des origines irlandaises à des
saints dont le souvenir était très incertain : ce phénomène d’irlandisation,
qui ne paraît véritablement approprié que pour le seul Ronan, mérite d’être
souligné, car il a introduit de manière durable dans les esprits l’idée que la
Bretagne continentale et l’île des saints avaient entretenu des relations
hagiographiques précoces, alors que celles-ci, en réalité, n’apparaissent que
de manière furtive et indirecte dans les vitae de la période
carolingienne.
En outre,
l’hagiographie bretonne a connu aux XIe, XIIe et dans les
premières décennies du XIIIe siècle une forme de compétition entre
les scriptoria monastiques et les ateliers épiscopo-canoniaux : à
cette occasion, on assiste au transfert progressif d’une partie importante de la
production depuis les premiers vers les seconds. Si l’objet principal, la
sainteté, ne s’en est pas trouvé modifié, en revanche le traitement du « modèle »
incarné par le saint a connu alors, en plusieurs occasions, une certaine
inflexion, visant à faciliter la reprise en main institutionnelle par
l’ordinaire et à renforcer l’autorité de ce dernier, face, notamment, aux
velléités autonomistes des grands monastères ; cette approche nouvelle était
aussi destinée, dans le prolongement de la réforme grégorienne, à lutter plus
efficacement contre l’accaparement par les barons du duc de biens d’origine
ecclésiastique, ainsi que contre la mainmise lignagère de ces derniers sur les
sièges d’abbayes et d’évêchés. Le renouveau des formes de la vie religieuse, incarné
successivement par les adeptes de l’érémitisme, puis par les moines cisterciens
et enfin par les frères mendiants, fit souvent entendre l’écho, parfois
dissonant, de ce mouvement de réforme de l’Église conduit
également, au niveau le plus élevé, par certains prélats, tout à la fois
« politiques » et « spirituels » : la vita de
Hoarvé/Hervé et celle de Corentin rendent compte, respectivement par en bas
et par en haut, de ce double phénomène.
*
Enfin, au Bas
Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), avec l’installation d’une
dynastie capétienne sur le trône ducal, les princes qui présidèrent aux destinées
de la Bretagne ont procédé à une véritable captation du patrimoine
hagiographique régional en vue de nourrir ce que l’on peut appeler l’idéologie
ducale. Ce fut en particulier le cas durant le long épisode, à plusieurs
reprises paroxystique, de la guerre de Succession entre les Dreux-Monfort et
les Blois-Penthièvre (1341-1364), dont la radicalisation a exercé une
incontestable influence sur plusieurs textes hagiographiques tardifs : ainsi,
tandis que les sentiments montfortistes de l’auteur anonyme du Chronicon
Briocense transparaissent nettement à travers sa réfection de l’histoire de
Judicaël, la composition de la vita de Salomon s’inscrit quant à elle, sans
aucun doute possible, dans le cadre de la contre-propagande orchestrée par le
parti blésiste après la défaite et la mort tragique de son chef. Il faut noter au demeurant que les deux compétiteurs firent
montre leur vie durant d’une vénération égale à l’endroit des personnages
concernés.
Plusieurs lignées parmi les plus puissantes de la
noblesse bretonne ont imité et amplifié jusqu’à l’époque moderne ce phénomène
d’appropriation hagiographique, en revendiquant d’être apparentés à des saints
de la tradition : ainsi
en est-il des traditions qui mettent en rapport les Boiséon et Mélar, les Du
Chastel et Tanguy, les Kergournadec'h et Paul Aurélien, les La Palue et Conogan, les Lesguen et Guénolé, – ou plus
exactement Guen, la mère de ce dernier, – et enfin les Rohan, ainsi que leurs parents
et sénéchaux féodés, la famille Le Sénéchal, respectivement associés à Mériadec
et à Gonéri, dont les vitae ont été vraisemblablement composées dans le
premier tiers du XVe siècle ; pour être à peu près complet, il faut
encore ajouter les Kermavan avec Ténénan et les Quelen avec Hernin, de même que
le cas un peu « oblique » des Lesquelen avec Hoarvé.
*
Il nous a semblé
intéressant de déterminer, au moins approximativement, la place occupée dans
les représentations littéraires de la sainteté par les thèmes de l’exil, de
l’errance et de l’érémitisme : ce
dernier terme prolongeant le précédent et devant s’entendre comme une sorte de traversée du « désert » avant l’arrivée en
Terre promise. Nous nous
sommes également interrogé, si les textes concernés pouvaient
refléter, non pas, bien sûr, les réalités de la période héroïque (Ve,
VIe, voire VIIe siècles), qui demeurent largement
inaccessibles à l’historien, du moins celles qui avaient
cours aux époques successives de leur composition. En tout état de
cause, il est vain, comme l'ont souvent fait les hagiographes, de chercher à
reconstituer les itinéraires que les saints auraient empruntés, en faisant
circuler ces derniers entre les différents lieux où ils sont honorés, qui
témoignent avant tout du prosélytisme de leurs dévots
L’approche retenue
a donc consisté à lister rapidement, sans prétendre à l’exhaustivité, les
situations qui, dans les textes hagiographiques, relèvent de la catégorie du
voyage, du « déplacement professionnel » pourrait-on dire, quand
il s’agit de l’activité pastorale des saints concernés. En revanche, il n’a nullement été question, attendu
qu’une telle approche dépassait largement nos compétences, d’entreprendre l’étude
des motifs folkloriques ou des mythématiques qui, dans certains cas, pourraient
constituer l’arrière-plan de ces situations.
Néanmoins, cet inventaire dressé de loin nous donnera l’occasion, pour chaque période, d’indiquer,
de
manière discursive, quelques-unes des caractéristiques de la production
hagiographique considérée : nous espérons que ces détails seront de nature
à nourrir, sinon votre réflexion, peut-être éloignée de ces sujets, du moins
votre curiosité.
I
Tel qu’il était devenu de rigueur depuis 818 à
Landévennec, ainsi que dans les autres monastères de l’ouest péninsulaire où
l’abbé Matmonoc avait reçu mandat de l’empereur Louis le Pieux de faire
appliquer la norme carolingienne, le modèle monastique, défini de manière à la
fois pragmatique et précise par l’observation de la Règle bénédictine, condamnait
et donc excluait toute pratique qui mettrait en péril la stabilitas du
moine, telle la xeniteia qui avait pourtant longtemps prévalu au sein du
monachisme et dont le souvenir n’était pas oublié sur place.
Ainsi les deux principaux hagiographes qui ont
travaillé dans le scriptorium de la vieille abbaye cornouaillaise durant
le dernier tiers du IXe siècle, – Wrdisten, auteur de la vita
de Guénolé, et Wrmonoc, auteur de celle de Paul Aurélien, – nous montrent-ils
leur héros respectif entreprenant, en compagnie d’autres candidats à la vie cénobitique,
un véritable périple jusqu’au lieu de leur installation définitive, respectivement
Landévennec et Saint-Pol-de-Léon, dont la découverte s’avère dans les deux cas largement
fortuite.
Cette quête du locus amoenus, « lieu
agréable, lieu favorable », – renforcée en négatif par l’étape éventuelle du
locus horridus, « lieu rude, lieu repoussant », – est
particulièrement évidente sous la plume de Wrdisten : Guénolé est né dans
la péninsule armoricaine de parents qui avaient fui l’épidémie de peste : avec
ses condisciples, il suit l’enseignement spirituel de Budoc sur l’île Lavret,
dans l’archipel de Bréhat. Selon son hagiographe, le saint est un précurseur du
« pèlerinage virtuel » : il décide de se rendre au tombeau de Patrick ;
mais la veille de son départ, il est favorisé d’une vision de l’apôtre des
Irlandais qui le dissuade de mettre à exécution son projet et lui conseille de
chercher sur la terre d’Armorique un lieu où s’établir avec ceux que Budoc lui aura
désignés pour l’accompagner. Encouragé par cette vision et par son maître, il
se met en route : la petite troupe, parvenue jusqu’à la basse-vallée de
l’Aulne après être passée « par les pays domnoniques » (per
domnonicos pagos), s’installe sur un îlot au milieu du fleuve. Cependant,
les conditions matérielles sur place s’avèrent trop rudes, même pour des moines
à la recherche de l’ascèse : après avoir miraculeusement traversé l’estuaire
à pied sec, la communauté établit alors son monastère sur l’autre rive, en
Cornouaille donc, où règne Gradlon ; à noter que ce dernier, dont les
pseudo-chartes de donation remplissent pourtant le cartulaire de l’abbaye composé
au XIe siècle, apparait, sous la plume de Wrdisten, comme un
auxiliaire bien secondaire de cette fondation.
Chez Wrmonoc,
Paul Aurélien, après sa formation à Llanilltud Fawr sous la férule d’Iltud, quitte
le sud du pays de Galles, sa terre natale, pour rejoindre le Cornwall, où il
séjourne chez le roi Marc, avant de s’embarquer, avec douze prêtres, autant de
nobles laïques de sa parenté « et des esclaves en nombre suffisant »,
à destination de la péninsule armoricaine : la troupe aborde d’abord à
Ouessant, puis rallie le continent ; toujours selon l’hagiographe, elle passe par
Ploudalmézeau où Paul Aurélien fonde un premier établissement monastique
(aujourd’hui Lampaul-Ploudalmézeau). Wrmonoc nous transporte ensuite
directement dans les parages d’une forteresse ruinée, présentée comme le futur
site de Saint-Pol-de-Léon, que le porcher d’un certain comte Withur fait
découvrir au saint et ses compagnons : peu importe pour notre propos d’aujourd’hui
si la description des lieux par Wrmonoc ne semble guère correspondre à la topographie
saint-politaine, mais bien plutôt à celle du Yaudet, en Ploulec’h, à une
soixantaine de kilomètres plus à l’est. Wrmonoc
signale en outre que Paul Aurélien et les siens rencontrent Withur dans la
résidence de ce dernier située sur l’île de Batz (ou bien sur l’île Miliau, si
l’on adopte l’hypothèse du Yaudet)[17], dont le
comte fait don au saint ; à noter que Withur, personnage pieux et lettré, –
il occupe ses loisirs à transcrire un manuscrit des quatre Évangiles, – ne joue
qu’un rôle secondaire, à l’instar de Gradlon, dans l’établissement local de
Paul Aurélien. Usant d’un stratagème, Withur obtient que ce dernier, envoyé en
mission auprès du roi Philibert, reçoive la consécration épiscopale à Paris ;
Philibert est une cacographie pour Childebert, qui constitue avant tout le
témoignage du prestige du saint homonyme, en particulier depuis que ses
reliques avaient été apportées jusqu’à Tournus. La seconde vita de
Samson, composée sensiblement à la même époque, c’est-à-dire dans le dernier
tiers du IXe siècle, nous montre son héros recevant l’archiépiscopat
de toute la Bretagne de la main de Childebert, lequel porte cette fois le titre
d’« empereur » (Tunc vero S. Sanson de manu Hilberti imperatoris
et verbo et commendatione archiepiscopatum totius Britanniae recipiens) : on
voit comment la situation des saints des origines faisait alors l’objet, avec
plus ou moins de bonheur, d’une transposition à l’immédiat passé carolingien.
*
Que ce soit en direction du couchant pour Guénolé ou, à
l’inverse, en direction du levant pour Paul Aurélien, la consigne à Landévennec
est donc de mettre en valeur le territoire de l’ouest péninsulaire en le
faisant largement parcourir par les saints concernés : Guénolé est d’ailleurs
explicitement désigné « le Cornouaillais » par Wrdisten (Incipit
praefatio vitae sancti Winwaloei Cornugillensis), tandis que, pour Wrmonoc,
Paul Aurélien est le « Domnonéen » (Explicit vita sancti Pauli
Aureliani domnonensis). Ces désignations renvoient, au moins
approximativement, à une réalité géographique ancienne : celle des territoires
des anciennes civitates de Osismes et des Coriosolites, passés au début
du haut Moyen Âge sous le contrôle des Bretons et qui avaient depuis largement
perdu leur physionomie originelle, même si l’on ne peut exclure la possibilité
que Othismus (aujourd’hui Carhaix) et Corseul aient conservé, jusqu’à la
normalisation carolingienne, leur statut de chef-lieu.
Les déplacements que les hagiographes attribuent à
leur héros respectif font l’objet des habituelles références scripturaires qui,
à des titres divers, évoquent l’appel divin, l’abandon des biens terrestres, le
départ, voire l’exil, à l’instar du célèbre passage, tout à la fois dramatique et laconique, dans
lequel Gildas rapporte, vers 550, comment certains de ses compatriotes,
épouvantés par la menace saxonne,
« … rejoignaient les régions
d’outre-mer avec de grands gémissements ou en faisant entendre, sous les voiles
déployées, ces mots en guise de chant de marins : Tu nous as livrés comme
des brebis à dévorer et tu nous as dispersés parmi les nations » (alii
transmarinas petebant regiones cum ululatu magno ceu celeumatis vice hoc
modo sub velorum sinibus cantantes : dedisti nos tamquam oves escarum et in
gentibus disperisti nos)[19].
Le
Jérémie breton a souhaité avant tout imprimer dans les esprits une image
pitoyable : c’est la raison pour laquelle il a illustré son propos par un
extrait du psaume 44 ; mais il faut rappeler que nous ne disposons d’aucun
autre témoignage pour corroborer le sien.
On peut être également tenté de faire un rapprochement
avec certaines traditions qualifiées, abusivement parfois, « celtiques »,
dans lesquelles le voyage, la divagation sur terre aussi bien que sur mer revêtent
une sorte de dimension initiatique. En fait, si l’on s’attache à lire avec
attention le texte des vitae de Guénolé et de Paul Aurélien, la
motivation commune des hagiographes paraît plutôt résider dans leur désir de montrer
comment la Bretagne armoricaine s’est constituée sur la base d’une hybridation
entre les influences incontestables de la Bretagne insulaire, dont témoignent par
exemple certains manuscrits attribués au scriptorium de l’abbaye, et celles
en provenance du continent, tout aussi explicites, dont le mandat donné par
Louis le Pieux à l’abbé Matmonoc, est un témoin indiscutable. Il s’agissait
pour l’institution ecclésiale bretonne, dans sa double dimension monastique et
épiscopale, de tirer le meilleur profit possible de cette culture duelle en
adoptant une position d’équilibre entre ses composantes : ni tout à fait
dépendante d’un récit traditionnel, qui accordait la première place aux
origines insulaires, ni tout à fait soumise au tropisme continental du pouvoir carolingien,
dont elle cherchait cependant à prolonger l’idéologie impériale ; mais
empruntant à l’un et à l’autre certains traits spécifiques. Landévennec, en
liaison avec les pôles épiscopaux de Quimper et de Léon récemment créés, constituait
évidemment un terrain privilégié pour expérimenter cette démarche originale
d’arbitrage, dont procède, jusqu’à nos jours, ce que nous appellerons, faute de
mieux, le « paradoxe breton ».
*
Deux autres hagiographies, composées elles aussi durant
le dernier tiers du IXe siècle, mais dans l’extrême nord-est de la
péninsule, – c’est-à-dire, du point de vue
géographique, à l’exact opposé de la situation de Landévennec, – constituent
une autre illustration de ce « paradoxe breton » : il s’agit de la
vita anonyme de Magloire et surtout de celle de Malo par Bili, diacre de
la cathédrale d’Aleth. Au surplus, l’une et l’autre montrent une certaine
dépendance à l’égard du « modèle » proposé par le dossier samsonien ;
dépendance qui s’avère au demeurant moindre qu’on pourrait le penser sur les
aspects de forme, mais qui trahit la volonté de leurs auteurs soit de se conformer
à ce « modèle », s’agissant de la vita de Magloire, soit, au
contraire, de s’en démarquer, s’agissant de l’ouvrage de Bili.
On lit sous la plume de son hagiographe que Magloire était
le cousin de Samson, dont il fut le disciple, puis le successeur sur le siège
épiscopal de Dol ; mais il renonça presqu’aussitôt à cette dignité. L’écrivain
met alors en évidence, avec
« une
habileté de composition, un art de peindre le caractère du saint, un sentiment
du bien dire, quelque chose de jeune et de vivant, qui en font le chef d'œuvre
de l'ancienne littérature bretonne »,
le « caractère maritime » de l’existence de Magloire et, plus
encore, sa dimension insulaire : Sercq, – reçue en
donation du comte Loescon, après que ce dernier eût été miraculeusement guéri
de la lèpre, – en constitue le principal décor, où,
dit-on, s’est déroulé l’essentiel de l’existence érémitique du saint, où il est
mort et où, en dépit des attaques de Vikings, son corps a longtemps reposé, jusqu’à ce
que ses reliques soient emportées sur le continent à l’abbaye de Léhon. Toujours
selon son hagiographe, l’apostolat de Magloire l’a également amené dans l’île
voisine de Brecqhou, dont le seigneur local, Nivo, – le
même que le personnage qui voulut par la suite être enterré à proximité de sa
dépouille ? – a eu recours à
lui pour obtenir la guérison de la mutité de sa fille, ainsi qu’à
Jersey, où le saint a vaincu un dragon. A
l’exception d’un déplacement jusqu’à Saint-Suliac, dans l’estuaire de la Rance, la carrière
de Magloire s’est donc déroulée pour l’essentiel dans les îles du Cotentin, dont
il apparaît conséquemment comme le véritable « apôtre », selon l’expression d’Arthur de la Borderie, qu’il convient bien sûr de ne pas prendre au pied de
la lettre.
On peut noter
que Bili revendique également pour son
héros un certain tropisme insulaire, si tant est que les îles dont il est
question dans son ouvrage appartiennent effectivement à l’espace géographique
dans lequel est supposé avoir vécu le saint et servent en conséquence à
renforcer l’ « effet de réel » de son récit[30] : c’est assurément
le cas pour les îles de la Baie d’Alet, Cézembre, sur laquelle Malo aurait pris pied à
son arrivée dans la péninsule armoricaine, ou bien
l’île de l’anachorète Aaron où, après son élévation à l’épiscopat, le saint
aurait à son tour vécu en ermite et qui s’est vue décorée de son nom ; il
en va de même s’agissant de l’île Aix, à la sortie de l’estuaire de la Charente,
et de l’îlot d’Evre, en face de Marennes, où Malo, fuyant les tribulations
infligées par ses ouailles bretonnes, vient aborder successivement à la
recherche d’un havre de paix.
En revanche,
appartiennent au domaine hagio-mythologique l’île de Rorea, qui
s’élève miraculeusement au-dessus de l’eau pour préserver le saint de la noyade,
– si du moins il ne s’agit pas de Ronech
(Steep Holm), au milieu du canal de Bristol, – et surtout l’île incontestablement
« mythique » d’Ima, objet inaccessible de la quête entreprise
par Brandan, à laquelle participe Malo en compagnie de nombreux autres
disciples du fameux saint navigateur. Durant cette sorte d’immram, qui va
durer pas moins de sept années, les horizons insulaires de Malo se encore multipliés
sous la plume de l’hagiographe : les pèlerins ont ainsi l’occasion d’aborder
sur une île anonyme où se trouve le tombeau d’un géant nommé Milldu, que
le saint, à la demande de son maître, ressuscite pour qu’il les guide dans
leurs recherches ; mais celles-ci restant infructueuses, le géant est
reconduit à son tombeau pour être à nouveau plongé dans le grand sommeil… Le
navire croise une baleine dont l’immobilité laisse à penser aux membres de
l’équipage qu’il s’agit d’un îlot, sur lequel Malo prend le temps de célébrer
la messe de Pâques...
Ces différents aspects légendaires font assurément le
charme de tels récits ; mais il ne faudrait pas être dupe des intentions
de Bili : parfaitement disposé à raconter ce type d’anecdote pour
l’édification et aussi pour le plaisir de son public, sa vigilance n’est pas
moindre que celle de ses confrères de Landévennec quant à l’importance
politique de son propos. C’est le cas quand il peint son héros célébrant la
vigile de Pâques dans l’église de Corseul, restituant ainsi à l’ancien
chef-lieu de la civitas des Coriosolites la place prééminente qui
fut naturellement la sienne dans les débuts de la christianisation ; ou bien encore
quand il envoie Malo recevoir la consécration épiscopale à Tours, indication
destinée à l’évidence à s’opposer aux récentes prétentions métropolitaines de
Dol. De même, Bili rapporte avoir effectué, en compagnie d’autres membres du
clergé d’Alet, un déplacement vers l’ouest de la Britannia continentale, jusqu’à Saint-Pol, à près de cent
quatre-vingts kilomètres, en vue de rencontrer leurs homologues du diocèse de
Léon : si l’indifférence délibérée d’Alet à l’égard de Dol, dont cet
épisode est l’expression, a pu constituer l’expression d’une sorte de réflexe d’auto-défense[32], elle vient
également confirmer « en creux » que le soutien du roi Salomon à
la métropole de Dol n’avait pas véritablement permis l’intégration de cette
dernière à la Britannia continentale,
dont on sait que les évêques, même ceux nommés une quinzaine d’années plus tôt
par Nominoë, continuaient d’entretenir des relations avec les prélats déposés.
Et, dans l’esprit des thuriféraires de la cause doloise, leurs intérêts bien
compris continuaient de se situer plutôt du côté de la Neustrie maritime que de
la Britannia proprement dite.
*
C’est en effet le constat qui ressort de l’examen des vestiges
de la vita la plus ancienne de Samson, laquelle nous est connue, comme
il a été dit, par les emprunts que lui a fait la vita prima du saint. L’examen
de ce « palimpseste textuel » permet de conclure que, si la (re)construction
« mémoriographique » du personnage de Samson a bien eu lieu sur le
continent, ce processus n’a guère été alimenté par le souvenir laissé par le
saint dans la péninsule armoricaine : en effet, – à part la fondation du monastère de
Dol et le soutien apporté au souverain légitime Judual en lutte contre
l’usurpateur Commor, –
le plus ancien hagiographe samsonien ne rapporte aucun autre épisode localisé en
Bretagne à proprement parler ; plus encore, il n’est fait mention d’aucune
des enclaves doloises en Bretagne.
En
revanche, après nous avoir montré Samson se rendant à la cour de Childebert pour
plaider la cause de Judual, l’écrivain rapporte comment le saint, ayant libéré d’un
dragon la vallée de la Basse-Seine, reçut, par concession royale, de nombreuses
possessions foncières et fonda sur place le monastère de Pentale
(actuelle commune de Saint-Samson-de-la-Roque) ; en outre, l’écrivain
indique explicitement que Samson fit plusieurs séjours dans ce dernier monastère :
voilà donc établie, entre Dol et Pentale, l’existence d’échanges pour
lesquels on peut envisager, soit un itinéraire maritime par les îles du
Cotentin, –
base arrière des troupes mobilisées par Samson en renfort de celles de Judual, – puis l’estuaire de la Seine ; soit
un itinéraire terrestre, passant notamment par Saint-Samson-en-Auge, sans doute
le petit monastère de
Rotmou dont le récit de fondation, raconté
par l’auteur de la vita secunda du saint, renvoie à un véritable topos
hagiographique :
« Les ingrédients sont donc
toujours à peu près les mêmes », rappelle Jacques Le Maho : « le
grand voyage, la route, l’incident qui force le convoi à s’arrêter, le miracle
qui permet de repartir, le vœu de fonder un établissement pour porter
assistance aux voyageurs »[34].
On
peut ajouter que le tracé de cet itinéraire passait par Aunay-sur-Odon où
Samson était également honoré.
*
Tours (une fois), Paris (en deux occasions),
la basse vallée de la Seine (à plusieurs reprises) : les
déplacements de Malo, Paul Aurélien et Samson témoignent d’un tropisme neustrien
qui, à l’époque à laquelle ont travaillé leurs hagiographes, correspondait à la
représentation de la Francie occidentale chez ces écrivains. De manière
anachronique, Bili, Wrmonoc et l’auteur anonyme de la deuxième vita de
Samson ont dépeint dans leurs ouvrages les monarques des temps mérovingiens
déjà revêtus, à l’instar de Charles le Chauve, de la pourpre impériale,
laquelle leur aurait donné toute autorité sur la Bretagne armoricaine : non
contents d’en désigner les comtes, les rois de Francie occidentale, notamment
Childebert 1er, auraient nommé les évêques et même décidé de la
création d’évêchés ; ils auraient en outre permis l’érection d’une
nouvelle métropole ecclésiastique. La vita palimpseste de Samson, dont
l’auteur pourrait avoir travaillé sous le règne de Childebert IV, fait jouer à l’ancêtre et homonyme de ce dernier un
rôle de premier plan, que les historiens actuels lui reconnaissent bien
volontiers s’agissant de « la christianisation des Gaules », évoquant
même en la circonstance un « ‘’moment’’ Childebert Ier »[35]. Childebert IV, à l’instar de son
illustre parent et homonyme, mais sur un plus petit pied, fut lui-aussi un
« roi juste », dit la chronique, et soucieux de la défense des
intérêts de l’Église ; c’est également sous son règne qu’eut lieu la
fondation miraculeuse du sanctuaire du Mont-Saint-Michel, qui, ayant connu
rapidement un grand rayonnement, a sans doute conforté la position stratégique
de Dol, sorte de « pont entre Francs et Bretons »[37]. En outre, la fidélité que témoigne
ainsi l’hagiographe à la dynastie mérovingienne s’inscrit peut-être dans le
prolongement de la politique de normalisation voulue par Dagobert, lequel, en
636/637, avait reçu à Clichy le « roi des Bretons » Judicaël venu
l’assurer de sa volonté de paix.
II
Le relèvement de
plusieurs monastères de leur ruine a donné lieu, ainsi qu’il a été dit, à la
rédaction de vitae, telles celles de Gildas et de Méen, approximativement
datées du milieu du XIe siècle, dans lesquelles le saint, avant de
trouver, au moins relativement, la stabilitas que lui impose son statut
monastique, connaît d’assez nombreuses pérégrinations durant sa période de
formation et les premières années de sa vie religieuse.
Méen, originaire du
Gwent, traverse la Manche en compagnie de son parent Samson, lequel l’envoie
bientôt auprès du comte de Vannes, Guérec, solliciter le soutien de ce dernier
dans leur mission pastorale, ce qui peut s’interpréter comme une allusion à l’autorité
métropolitaine revendiquée par le siège épiscopal de Dol sur l’ensemble de la
Bretagne à l’époque de composition de la vita ; mais l’hagiographe ne se
montre nullement explicite à ce sujet. Sur la route, le saint fait étape dans
la « Transylvanie bretonne », où il reçoit l’hospitalité d’un riche
propriétaire nommé Caduon, qui lui fait don d’un domaine pour s’y
installer ; ce que fera Méen, après en avoir obtenu permission de
Samson : c’est l’origine du monastère Saint-Jean-Baptiste de Gaël, lequel,
après les incursions vikings, ne fut pas rétabli à son emplacement originel,
mais au lieu où s’élèvent aujourd’hui les bâtiments de l’abbaye de
Saint-Méen-le-Grand, à quelques huit kilomètres plus au nord. L’hagiographe nous présente son héros en saint sauroctone,
talent que Méen va exercer loin de ses aîtres, sur le chemin de son retour de
Rome ; ce qui permet de justifier la fondation d’un monastère au village de
Saint-Méen-sur-Loire, dans l’actuelle commune du Cellier, alors aux confins des
diocèses d’Angers et de Nantes. La probabilité d’un emprunt littéraire
plutôt que d’une tradition locale paraît d’autant plus assurée que le récit
présente une grande parenté structurelle avec un passage de la vita secunda
de Samson. Quoi qu’il en soit, l’existence de Méen se partagera désormais entre
ses deux fondations, ce qui implique, à l’instar de ce qui se passe avec
Gildas, de fréquents déplacements ; mais, précise l’hagiographe, c’est à
Gaël, où le saint résidait le plus souvent, qu’il mourut.
La vita de Gildas brosse le portrait d’un saint voyageur,
chez qui la bougeotte paraît tenir lieu de principe de vie religieuse : natif
du Strathclyde, il se rend d’abord à Llanilltud
Fawr l’enseignement d’Iltud, avant de poursuivre sa
formation en Irlande et de
recevoir sur place les ordres sacrés. Son hagiographe lui fait ensuite
retraverser la mer pour contribuer à la conversion du peuple du nord de la
Bretagne insulaire, –
plutôt que ses compatriotes, ne s’agirait-il pas des Pictes voisins de
sa terre natale ? – puis il est rappelé par le roi d’Irlande, Ainmere,
pour entreprendre la ré-évangélisation de l’île, dont la population avait à
cette époque abandonné la pratique de la religion catholique : si
l’hagiographe mentionne Brigitte, il ne parle pas du tout de Patrick. En tout
état de cause, la vita de Gildas constitue un des premiers témoignages
d’une certaine « mode irlandaise », qui imprègne l’hagiographie
bretonne à cette époque. Sa mission achevée avec succès, Gildas se rend à Rome,
la capitale religieuse de l’Occident, visiter les tombeaux de Pierre et Paul, puis
à Ravenne, la capitale politique, celui d’Apollinaire. Enfin, il prend le
chemin du retour en direction des îles britanniques ; mais cet itinéraire
passe par la péninsule armoricaine, dont les habitants le retiennent : commence
alors pour le saint une vie solitaire et contemplative sur l’île d’Houat. Les
sollicitations dont il fait quotidiennement l’objet l’amène, afin de mieux y
répondre, à s’établir à Rhuys, sur la terre ferme, au sein de la communauté
monastique, qui s’est réunie autour de lui. Cependant Gildas continue de
partager son temps entre son monastère et deux autres lieux : son ermitage
de l’île d’Houat, où d’ailleurs il mourra, et son oratoire situé sur les rives
du Blavet. Jusque dans la dernière partie de sa vie, le saint a donc continué
de se déplacer, sur de courtes distances certes, mais fréquemment. Avant de mourir, Gildas prescrit aux siens une procédure
quasi-ordalique pour désigner le lieu de sa sépulture, car il semble craindre
des disputes autour de sa dépouille : il ordonne de déposer celle-ci sur une barque qui sera
confiée à l’océan sans personne pour la guider. Trois mois se passent avant que
l’embarcation à la dérive ne vienne s’échouer au port du Crouesty (Arzon) et
que les religieux puissent en conséquence récupérer le corps du saint pour
l’inhumer dans le monastère de Rhuys.
*
C’est plus
particulièrement aux XIe-XIIe siècles, peut-être sous
l’influence de la « mode irlandaise » déjà évoquée, qu’apparaissent
dans l’hagiographie bretonne ces récits d’errances maritimes sur des esquifs
sans voiles, ni rames, sorte de navigations miraculeuses qui font se conjuguer
destinée et destination du saint. On en voit
l’expression particulièrement en Trégor avec trois textes consacrés à Tudgual,
Maudez et Efflam ; textes qui entretiennent entre eux
une forme de dépendance, sans doute pour avoir été composés dans le scriptorium
épiscopal de Tréguier durant la seconde moitié du XIe siècle[39] . Maudez et Efflam sont ainsi
présentés l’un et l’autre comme des princes d’Irlande, que les circonstances
politiques obligent à choisir l’exil pour ne pas avoir à trahir leur vocation
religieuse. Enora, abandonnée par son époux Efflam, comprend si bien l’attitude
de ce dernier qu’elle traverse à son tour la Manche, enfermée à l’intérieur
d’un curragh, balloté au gré des flots, afin de rallier le continent et
partager la vie religieuse d’Efflam.
Il faut mettre à part la vita
de Ronan, composée sans doute aux années 1125-1130 : contrairement aux
précédents, l’origine irlandaise du saint ne semble pas douteuse, d’autant plus
que son nom attesté par « la bonne vingtaine » d’homonymes que
comptent calendriers et martyrologes de l’île[40],
pourrait en fait avoir été substitué à
celui de Cronan, tout aussi typique, porté quant à lui par quelques trente
saints[41],
dont un abbé de Lismore[42],
mort vers 716-718[43], lequel
précisément partage son dies natalis du 1er juin avec le
Ronan breton : les traditions qui avaient cours ce dernier dans le pays
briochin ont été adaptées en la circonstance pour le sanctuaire de Locronan en
Léon (aujourd’hui Saint-Renan, Finistère) et surtout pour celui de Locronan en
Cornouaille, où le souvenir de l’éponyme, Cronan, s’était perdu, sauf la date
de sa fête. Ronan, selon son hagiographe, effectue une sorte d’arpentage de la
partie occidentale de la péninsule : parti d’Irlande, où il avait été
sacré évêque, Ronan débarque sur les côtes du Léon et s’établit d’abord à
Saint-Renan, avant de rejoindre Locronan en Cornouaille ; enfin, il va
s’installer à Saint-René (Hillion), où il meurt. Peu importe que nous ayons affaire en réalité à une
véritable « reconstruction » de la tradition
hagiographique ronanienne qui va bien au-delà du procédé de captation
onomastique.
Ces départs à répétition
sans explication claire, sinon l’hostilité des populations locales, obligent à
se poser la question : et si les déplacements successifs de
Ronan, – ou plutôt de tel ermite dont se serait
inspiré l’hagiographe pour brosser le portrait du saint, –
trahissaient plutôt ses dérobades face à des situations embarrassantes que les
étapes de son apostolat ? Quoi
qu’il en soit, le corps de Ronan est supposé avoir été ramené par la suite à
Locronan en ayant, là aussi, recours à un procédé ordalique : on confie à
un attelage de bovins, qui tire le chariot sur lequel repose les restes mortels
du saint, le soin de décider de la direction à prendre et de l’itinéraire à
emprunter. Au-delà de Ronan et d’autres Irlandais tels Florent, Fursy, Patrick
et Tresan, le motif est assez bien connu dans la tradition hagiographique
« celtique » en général : c’est notamment le cas de l’écossais
Kentigern[44]
et de plusieurs bretons armoricains, en particulier Mélar, mais également
Gudwal, Jaoua et Léri ; au reste, il est qualifié « banal » par le P.
Hippolyte Delehaye, qui rappelle plusieurs exemples célèbres dont celui de
saint Jacques, à Compostelle[45].
« De même que le bateau chargé du corps du saint
va à la dérive sans voile ni rames », résume Gaël Milin, « les bœufs
sont livrés à eux-mêmes et traînent le chariot sans que quiconque les dirige.
Souvent, pour souligner l'absence d'intervention humaine (et pour introduire un
miracle supplémentaire), le récit hagiographique précise que ces bœufs
n'avaient jamais porté le joug »[46].
C’est notamment le
cas avec la variante figurant dans la vita de Léri :
« [le saint] fut placé et enseveli dans le
cercueil qu’il s’était préparé de son vivant et qu’il avait apporté du Broerec
dans un chariot attelé, à ce que disent les anciens, à deux jeunes bœufs
indomptés, jusqu’au lieu susdit » (conditus sepultusque est [sanctus]
in concavata quam sibi in vita sua praeparavit et detulit a patria Guerochi in
plaustrum, ut seniores ferunt, super duos juvencos bvues indomitos, usque ad
locum supradictum)[47].
En Bretagne, le
motif original figurait déjà en 884 dans la vita de Paul Aurélien, par
Wrmonoc ; mais les textes hagiographiques composés à l’âge féodal
témoignent de sa grande popularité à cette époque, d’autant qu’il connaît alors
une sorte d’actualisation avec les disputes entre communautés autour des
dépouilles de certains novi sancti.
*
L’apogée de la
« mode irlandaise » fut suivi de son rapide déclin, ainsi qu’il se
voit notamment dans la vita longue de Tugdual, de la même époque que
celle de Ronan[48]
et dont l’une des raisons de la composition consiste explicitement dans la
réfutation de la supposée origine scotique du saint[49],
mise en avant quelques décennies plus tôt dans sa vita moyenne[50] ; l’ethnonyme scotigena
se révèle même être un terme de mépris, voire une insulte, sous la plume de
l’hagiographe[51].
Quant à l’auteur de la vita brève, plus tardive, il nous montre Tugdual,
en provenance de Bretagne insulaire qui, après avoir débarqué avec ses moines
sur la côte occidentale du pays d’Ach, entreprend de
fonder de nombreux établissements monastiques, domaines et paroisses répartis
dans les pagi du nord de la Bretagne continentale : outre le grand
monastère de Val-Trécor (c’est Tréguier), ces différentes fondations, – dont les noms ne sont pas connus, à
l’exception de trois toponymes à proximité de la ville actuelle de
Morlaix, – jalonnent la pérégrination du saint depuis le lieu de
son débarquement jusqu’au pays Racter, situé à l’est de la Rance. Tugdual
s’étant ensuite rendu à Paris, à la cour de Childebert, se voit alors confirmer
la possession des paroisses en question par le roi, qui les érige en évêché et
fait procéder sur le champ à la consécration épiscopale du saint.
Au début du XIIIe
siècle, le retournement à l’égard de la « mode irlandaise » est
devenu presque complet : dans l’histoire d’Azénor, mère de Budoc, il est
question des efforts vains de ce dernier, devenu, contre son gré, archevêque
d’Irlande, pour tenter d’inculquer les principes de la foi catholique à ses
ouailles insulaires présentées comme réfractaires et vindicatives[52] ;
à noter qu’Azénor, enceinte et soupçonnée d’adultère, plutôt que d’être brûlée,
avait été condamnée à l’errance sur l’océan à bord d’une embarcation sans
voiles et sans rames : alors qu’elle dérivait vers les côtes irlandaises,
elle avait donné naissance à Budoc, assistée miraculeusement par Brigitte. On a
la confirmation par cet exemple que, depuis son illustration avec Enora dans la
vita d’Efflam, le motif en question avait évolué vers une forme de
procédé ordalique, peut-être sous l’influence de l’histoire de Theneu, mère de
Kentigern, rapportée dans la vita de ce dernier du XIIe
siècle ; à noter que ce texte combine, aux extrémités de l’existence du
saint, deux des principaux motifs dont se sont servis les hagiographes pour
illustrer l’errance. L’impression qu’un ultime sursaut s’est produit à
l’occasion de la rédaction de la seconde vita de Maudez[53],
vers le dernier quart du XIIIe siècle, n’est qu’un
trompe-l’œil : l’hagiographe s’est montré simplement fidèle à son
prédécesseur en nous décrivant son héros fuyant l’île pour échapper à la
fois au mariage et au trône.
*
La vita de
celui que l’on peut qualifier de « saint national » du Léon après
Paul Aurélien, Hoarvé, a été écrite (ou réécrite) entre la fin du XIe
et le début du XIVe siècle par plusieurs hagiographes successifs. La
complexité de ce texte composite est encore renforcée par le fait que les
éléments de son récit ont été empruntés à « deux groupes de légendes
topographiques, appartenant à deux saints différents »,
dont les cultes sont centrés sur « deux pôles géographiques (à l’ouest
Lanrivoaré-Le Bourg-Blanc, à l’est Quéran-Lanhouarneau) distants de 30 à 40
kilomètres ».
Ainsi les hagiographes, afin de pouvoir prendre en compte et utiliser l’ensemble
des traditions relatives à ces deux saints, ont-ils été successivement amenés à
dresser le portrait d’un personnage faisant preuve d’une grande mobilité, un
peu fébrile : s’enchaînent ainsi dans la vita différents récits de
déplacements du saint qui, à plusieurs reprises, le font aller et revenir d’est
en ouest et réciproquement ; tout au long de ces
déplacements apparemment désordonnés, les différentes étapes marquées par le
saint sont généralement le lieu d’un épisode miraculaire. Outre un paysage
formé d’un open-field destiné à l’emblavement, de petites agglomérations
reliées par un réseau assez dense de voies de communication et d’espaces
forestiers, où vivent, à la lisière, les loups, où paissent, à la glandée, les
porcs et où se retirent, au plus profond, les ermites, ce « texte tissé de
lieux » donne à
voir, aux époques successives de sa composition, quelques traits d’une société
bretonne majoritairement paysanne, dominée par des petits propriétaires ruraux
et des nobles. Il rend également de l’atmosphère religieuse régionale à cette époque, en particulier ce qui concerne les
différentes dimensions de la vie érémitique, dont nous avons des exemples
contemporains avec Bernard de Tiron, Robert d’Arbrissel, Raoul de la Futaie ou
Vital de Savigny, ces « princes et maîtres des ermites » (principes et
magistri eremitarum), qui hantaient les confins forestiers de la Bretagne,
de la Normandie et du Maine. Enfin la vita témoigne, un peu à la manière
franciscaine, d’une certaine sensibilité à l’unité du vivant.
La première partie
de cet ouvrage constitue également un intéressant témoignage sur la manière
dont les hagiographes se représentaient les rapports entre la Bretagne
continentale et l’île de Bretagne aux temps héroïques : le futur père du
saint, Hoarvian, est en effet présenté comme un insulaire, que sa carrière de
chanteur et poète avait amené auprès de Childebert ; après un certain
temps passé à la cour royale, Hoarvian, ayant souhaité retourner dans son pays
natal, est alors confié aux bons soins du fameux Commor, décoré ici du titre de
« préfet du roi », pour qu’il
lui fasse traverser la Manche.
Arrivé à quelque
distance du port d’embarquement pour la Domnonée insulaire, – apparemment situé
à Plouguerneau, – Hoarvian fait la rencontre à Lannuchen (en Le Folgoët) de
Rivanone, qu’il épouse le soir même, malgré le souhait de la jeune fille de
préserver sa virginité pour l’offrir à Dieu : Hoarvé est donc le fruit d’une
union manifestement contrainte. Comme c’est souvent le cas avec les enfants du
viol, c’est lui qui sera puni pour ce crime : sa mère réclame et obtient en effet qu’il
naisse aveugle ; mais la grâce divine permet à Hoarvé de voir le monde
invisible des affaires célestes. Rivanone quitte les siens pour se rendre à
Quéran (Tréflaouenan) : elle y élèvera Hoarvé seule, avant de se retirer
dans un ermitage, dont le souvenir est conservé par le toponyme Lanrivanan
(Plouguin).
*
Les principaux épisodes de la vie du saint
avant son établissement définitif à Lanhouarneau sont au nombre de sept :
-
Encore enfant, le voici qui, accompagné d’un
guide, nommé Guiharan, circule dans les parages de Quéran, son lieu de
naissance, à Brengoulou (Saint-Vougay) puis à Coadic-Saint-Hervé
(Plounévez-Lochrist).
-
Puis Hoarvé rejoint
Lannerchen (Plouguerneau) pour y recevoir durant sept années sa formation auprès
de l’anachorète Harzian, « prêtre et moine », qui avait été formé au
sein « des écoles des docteurs hiberniques »[59].
-
Hoarvé, ignorant
le lieu de retraite choisi par sa mère se rend dans le pays d’Ac’h, pour solliciter
à ce sujet son cousin Urphoëd. Hoarvé se rend ensuite auprès de Rivanone, qui
lui demande de ne pas quitter l’ermitage d’Urphoëd avant qu’elle ne meure. Hoarvé
s’installe alors en ce lieu, que son parent finit par lui abandonner en même
temps que ses familiers (familiares) et ses esclaves (mancipia),
tandis que lui-même se retire dans la « forêt profonde ».
-
Ayant eu la
révélation du jour de la mort de Rivanone, Hoarvé peut prendre toutes les
dispositions nécessaires afin d’accompagner les derniers instants de sa mère ;
après la mort de celle-ci, il reste encore sur place pendant trois ans,
prodiguant son enseignement à ses disciples et obtenant de nombreux miracles.
-
Avec l’aide de
porchers, Hoarvé retrouve miraculeusement le tombeau ruiné de son cousin Urphoëd,
lequel était mort entretemps : la
sépulture est restaurée par les gens du voisinage. Il s’agit à n’en pas douter
de la chapelle Saint-Urfold (Bourg-Blanc).
-
Hoarvé entreprend
alors de se rendre auprès de l’évêque Hoardon pour recevoir les ordres mineurs.
Durant son voyage, il entend une voix céleste lui indiquant d’avoir à marcher
en direction de l’orient et de s’arrêter là où il entendrait à deux reprises la
confirmation qu’il a bien atteint le lieu où fonder son asile.
-
C’est sans doute
à Lanhouarneau, immédiatement après avoir passé le petit fleuve de La Flèche
que le saint s’installe avec les siens et fait bientôt bâtir sur place une
église.
La façon dont se
déplacent Hoarvé et ses compagnons, inspire au second hagiographe l’image
poétique d’une passée de migrateurs :
« Sois pour moi comme le râle des genêts », intime
Hoarvé à Guiharan, « traçant vers l’Orient un chemin tout droit sans
dévier ni d’un côté, ni de l’autre ».
Image encore renforcée
quand la troupe s’arrête soudain au beau milieu d’un champ de blé, à l’instar
d’une volée de moineaux : c’est en effet le lieu qu’une voix céleste a désigné
à Hoarvé pour s’établir définitivement. Le propriétaire, après avoir un peu
chipoté, finit par céder un bout de terrain à ce drôle d’équipage :
peut-être le loup domestiqué qui, depuis leur départ, porte le bagage des
voyageurs l’a-t-il convaincu de se montrer conciliant avec ces derniers ;
mais plus surprenant encore que le loup, c’est la présence au sein de la petite
troupe d’une femme, la propre cousine du saint, Christiana. Il pourrait
s’agir d’un écho très atténué de l’importante présence féminine au sein des
foules qui, à l’époque à laquelle a travaillé le premier hagiographe, suivaient
les prédicateurs errants dont il vient d’être question. Au reste, si les
femmes, quoi qu’en très petit nombre, ne sont pas absentes de la littérature hagiographique,
les auteurs les cantonnent le plus souvent à jouer les utilités, – généralement mère ou sœur du saint et, auxquels cas,
saintes, elles-mêmes, – sauf le personnage de Keban
dans la vita de Ronan.
Après que Hoarvé et
les siens se soient installés à Lanhouarneau, on observe que le rayon des
déplacements du saint augmente sensiblement. C’est avant tout le fait de
l’hagiographe le plus tardif, qui s’attache à présenter le saint
« sous les traits d’un moine mendiant, qui quête dans les meilleurs
châteaux de Cornouaille pour rassembler les fonds nécessaires à l’achèvement de
son couvent »[61] :
on notera en effet que cet auteur, – qui
fait ainsi voyager Hoarvé de Léon en Cornouaille, et retour, puis de Léon en
Trégor, et retour, – est le seul
des trois hagiographes à parler explicitement du « monastère » du
saint et de ses différents locaux spécialisés[62], les
deux premiers écrivains se contentant d’évoquer, pour leur part, un
« oratoire » ou bien un « asile », ou encore une
« église ».
D’autres
épisodes mériteraient un examen approfondi : c’est en particulier le
cas lorsque le saint est confronté aux agissements d’un démon, nommé
Huctan, qu’il parvient à démasquer et qui lui avoue être originaire
d’Irlande[63] : à la suite d’Henri d’Arbois de
Jubainville, Bernard Merdrignac a montré qu’Huctan est un avatar de Lug, le
« polytechnicien », dont la présence donne à cette partie de la vita
Hoarvei la coloration d’« une légende irlandaise en Bretagne »[64]. La représentation de démons sous l’aspect
d’Irlandais se voit ailleurs à la même époque, sous la plume de Guibert de
Nogent par exemple[65].
Les derniers jours du saint donnent lieu à un récit
très intéressant malgré sa forme apparemment convenue, dont l’iconographie a
souvent figé les traits. L’épisode est, semble-t-il, raconté par le second
hagiographe, qui a repris à son prédécesseur le motif de l’annonce anticipée de
la mort d’une personne : Hoarvé, par
deux fois déjà, avait bénéficié de cette préscience pour la disparition de
sa mère Rivanone et celle de son cousin Urphoëd ; mais c’est de sa propre
mort dont il s’agit cette fois, laquelle doit intervenir six jours plus tard. Le
saint met à profit ce délai de grâce pour préparer au mieux son départ :
outre ses frères, il fait avertir son maître Harzian, ainsi que Christiana,
laquelle était entretemps devenue religieuse, qui se rendent à son chevet afin
de prier pour lui. Avant que ses forces ne l’abandonnent tout à fait, il
effectue son ultime déplacement, une procession à l’entour de son asile, une « troménie »,
telle que la pratiquaient régulièrement deux autres saints du Léon, Goëznou et
Goulven, dont les vitae sont sensiblement de la même époque et peut-être
d’ailleurs sorties de la même plume. A l’origine procédure recognitive de la
propriété ecclésiastique, cette pratique avait finalement acquis au Moyen Âge
central une valeur symbolique et tendait à remplacer, indépendamment de la
distance à parcourir, d’autres modes de déambulations, dont le pèlerinage ad
sanctos constitue l’archétype.
Les ultimes compositions relatives aux « saints
fondateurs », en particulier ceux qui sont généralement présentés comme
ayant fondé les « évêchés bretons », interviennent dans les premières
décennies du XIIIe siècle, comme il se voit notamment à Quimper avec
Corentin : la vita de ce dernier, sans doute composée aux années
1220-1235, témoigne d’un niveau de « politisation » qu’il convient
d’attribuer à son auteur supposé, l’évêque de Quimper, Rainaud, dont nous
pouvons voir par ailleurs qu’il a subi
l’influence de Bernard de Clairvaux et de François d’Assise ; mais,
s’agissant de notre sujet, le saint, – à
l’exception de son voyage à Tours pour se voir confirmer par l’apôtre des
Gaules en personne, Martin, son autorité sur les abbés de son diocèse, Guénolé
et Tugdual, – n’aurait effectué, d’après son hagiographe, de déplacements que
sur un rayon très limité, entre Quimper et Plomodiern, où il avait son
ermitage.
III
Le phénomène de captation ou d’appropriation du capital hagiographique
par la dynastie ducale ainsi que par les plus puissantes lignées de la noblesse
bretonne a eu pour effet :
-
dans le premier
cas, d’encourager le culte de personnages dont la sainteté pourtant discutable se
voyait ainsi magnifiée par leur appartenance à la tradition royale puis ducale de
Bretagne, ou par leur proximité avec elle ;
-
dans le second cas, de contribuer à enraciner
chacun des saints concernés dans le terroir aux horizons nécessairement limités
où s’exerçait le pouvoir de la lignée qui revendiquait sa protection.
La production hagiographique correspondante présente à
plusieurs reprises les spécialités thérapeutiques de ces saints, dont les
effets se manifestent généralement au chef-lieu de leur culte, ce qui tend à
renforcer leur enracinement.
Dans les deux cas, examiner les textes correspondants
ne présente donc qu’un intérêt limité dans le cadre de notre propos
d’aujourd’hui : il faut néanmoins signaler que la vita de Gonéri,
sans doute composée au XVe siècle comme on l’a dit, évoque en une
phrase le déplacement du saint depuis le centre-Bretagne jusqu’à la côte
trégoroise où il finit ses jours ; mais il s’agit d’une mention
opportuniste permettant d’annexer au profit du personnage le culte dont un
certain Coneri faisait
l’objet à Plougrescant, ou, plus vraisemblablement, de doter ce dernier du
récit de vie dont il était dépourvu jusqu’à cette époque tardive.
_______________________________
Les vitae
bretonnes de l’époque carolingienne et du Moyen Âge central, malgré la nature
différente du « projet » de chaque hagiographe, présentent néanmoins
une constante résumée par Jacques Dalarun :
« Il y a d’étroites correspondances », écrit
cet auteur, « entre l’hagiographie et la géographie. Alors que la trame
d’une biographie réside dans les dates, la cohérence est souvent donnée au
récit hagiographique par des changements de lieux. Plusieurs trajets sont
possibles : un retour au point de départ, le saint quittant son pays natal
pour y revenir dans une sorte d’épiphanie ; une longue pérégrination
prenant petit à petit le sens de la quête d’un lieu fondateur : tombe ou
monastère ».
Dans les deux cas,
il apparait que le voyage, le déplacement, l’errance du saint, – qu’ils viennent,
ou non, en prolongement d’un exil, qu’ils débouchent, ou non, sur une vie
érémitique, – constituent une thématique très importante des récits
hagiographiques médiévaux dont, au-delà des aspects d’édification, ils viennent
renforcer la dimension « romanesque ».
André-Yves
Bourgès
*Cette notule reprend l’essentiel du
texte de la communication donnée à Concoret lors des Universités d’été
arthuriennes le 13 juillet 2025, enrichi de notes de référence. Pour les
aspects méthodologiques et la présentation générale des sources
hagiographiques, on se reportera aux deux premières parties du texte de la
conférence intitulée « De la Vallée des Celtes à la Vallée des Saints », http://www.hagio-historiographie-medievale.org/2024/06/de-la-vallee-des-celtes-la-vallee-des.html.
Les liens internet ont été (re)vérifiés le 14 juillet 2025.
La formule figure, pour la première fois semble-t-il à propos de l’hagiographie
sous la plume d’André Vauchez, « Saints admirables et saints imitables :
les fonctions de l'hagiographie ont-elles changé aux derniers siècles du Moyen
Âge ? », Les fonctions des saints dans le
monde occidental (IIIe-XIIIe siècle) Actes du colloque de
Rome (27-29 octobre 1988), Rome, 1991 (Publications de l'École française de
Rome, 149), p. 167.
Hippolyte Delehaye, Les légendes
hagiographiques, Bruxelles, 1927, p. 30.