A part des diverses sources diplomatiques, conciliaires,
épistolaires, narratives qui intéressent l’évêché de Dol et sa revendication
métropolitaine[1], il
existe une documentation de nature hagio-historiographique qui peut s’avérer
utile pour compléter les sources en question, à condition bien sûr de lui appliquer
un traitement adapté à la nature des pièces dont elle est constituée. Car le
corpus en question est vaste et composite : non seulement les ouvrages
composés/compilés/copiés à l’ « écritoire » de Dol[2],
ainsi que ceux qui se rapportent à des saints spécifiquement dolois[3] ;
mais également les textes de nature hagio-historiographique, – quelles que
soient par ailleurs leur époque, –dans lesquels le cas de Dol a fait l’objet
d’un traitement[4], même
sommaire, oblique ou superficiel[5].
Nous proposons d’en dire ici quelques mots.
*
Malgré la relative abondance de cette documentation[6],
ce sont plutôt ses silences qui pourraient bien s’avérer, en creux, les plus
révélateurs : ainsi, pas un instant les trois vitae, – brève [BHL 8350], moyenne [BHL 8351], longue [BHL 8353],
ainsi désignées en fonction de l’étendue de leur texte respectif, – qui forment
le dossier littéraire de Tugdual, ni celle de Brieuc [BHL 1463-1463a], tous ouvrages
composés à l’époque (XIe siècle et première moitié du siècle suivant),
où les évêques de Tréguier et de Saint-Brieuc sont réputés suffragants de
l’archevêque de Dol – et même, à la fin de la période, ses suffragants ultimes,–
n’évoquent la métropole bretonne ; pour sa part, le diacre Bili, qui, vers
860-870, signale dans sa vita de Malo
[BHL 5116ab] un lien de parenté entre ce
dernier et Samson, ne fait aucune allusion aux réclamations métropolitaines de
Dol, pourtant en plein essor à cette époque, et rapporte au contraire que Malo était
allé à Tours pour se faire consacrer évêque ; vers 800, la vita ancienne de Samson elle-même [BHL
7478-7479] est muette sur l’éventuel statut épiscopal de Dol, alors qu’elle est
explicitement dédiée à un prélat qui paraît bien être l’évêque du lieu.
Naturellement, le recours à des arguments a
silentio doit toujours s’accompagner de beaucoup de prudence : il ne
saurait être question de revendiquer à leur sujet une quelconque
irréfragabilité ; mais il existe des silences particulièrement éloquents,
qui nourrissent des arguments, sinon décisifs, du moins non dénués de poids[7].
A qui et à quoi ont servi les informations explicites contenues
dans cette documentation ?
On constate tout d’abord que la dimension historiographique
s’accroit au fur et à mesure que la construction politique bretonne s’affermit
sous le règne des ducs de la maison de Dreux-Montfort et réclame pour sa
consolidation le développement d’une véritable idéologie nationale[8] ;
mais les précédentes dynasties n’avaient pas attendu pour utiliser elles aussi
l’hagiographie à des fins de propagande : aux XIe-XIIe
siècles, la lignée ducale sortie des comtes de Cornouaille a montré à cet égard
un véritable savoir-faire[9],
qui explique notamment l’extension jusqu’à Dol de la renommée de Gradlon[10]
et, en retour, la célébrité cornouaillaise de Turiau, dont témoigne la vita de Ninnoc, composée à Quimperlé,
laquelle qualifie le saint « métropolite » (sanctum Turianum metropolitam)[11].
Par ailleurs, suite à la publication de l’Historia
regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, un chef nommé Conan, parfois
qualifié « roi », – qui figurait déjà à la fin du XIe
siècle dans la vita de Brieuc [BHL
1463 + 1463a][12], et,
aux années 1120, dans les vitae de
Gurtiern [BHL 3720-3722] et de Gobrien [BHL vacat], – acquiert, sous la plume
de l’auteur de la vita de Goëznou [BHL
3608], à la fin du XIIe siècle (1199 ?)[13],
ainsi que dans les compositions tardives (vers 1430-1450) qui traitent de
Mériadec [BHL 5939b][14]
et de Gonéri [BHL 3611], une importante renommée hagio-historiographique, relayée,
à l’époque du duc Arthur II (1305-1312), par un poème qui célèbre
les « faits d’Arthur »[15].
Enfin, on voit, dans les dernières décennies du XVe siècle, à l’instar
du compilateur anonyme du Chronicon
Briocense, mais avec plus de talent et plus d’esprit critique, le premier
véritable historien de la Bretagne, Pierre Le Baud, faire un usage immodéré du
matériau hagiographique à des fins historiographiques, que devait imiter Arthur
de la Borderie quatre siècles plus tard ; mais, comme le souligne Joëlle
Quaghebeur, « le clerc à la différence du chartiste ne donne aucune
importance, par exemple, aux saints bretons dans la construction de la nation
bretonne. Celle-ci, pour lui, se fit bien plus autour de ses princes successifs
et fut dès l’origine politique »[16] :
cette analyse rend compte de manière très pertinente du traitement des sources
hagiographiques par Le Baud, qui sélectionne avant tout les passages où
figurent des noms propres et des détails factuels, au détriment des aspects édifiants
du récit et du rôle spécifique joué par le saint[17].
Pendant près de six siècles, les hagiographes ayant eu à traiter
de la métropole bretonne se sont ainsi confortés les uns les autres, depuis
l’auteur de la seconde vita de Samson
[BHL 7481, 7483], aux années 860, jusqu’à celui de la vita de Mériadec, dans le second quart du XVe siècle :
le premier nous montre Samson recevant de l’empereur Childebert l’archiépiscopat
de toute la Bretagne (De manu Hilberti
imperatoris et verbo et commendatione archiepiscopatum totius Britanniae
recipiens) ; le second, qui, en l’occurrence, démarque la vita de Gobrien à laquelle il a également
emprunté le personnage du roi Conan, envoie Mériadec recevoir la consécration
épiscopale à Dol (pontificatus onere jam
suscepto in urbe Dolensi in basilica sancti Samsonis Episcopus consecratur).
Entre ces deux écrivains ont existé de nombreux relais, dont la perception même
des enjeux de la question métropolitaine a pu varier. Ce qui apparaît de la
manière la plus nette à l’examen des textes concernés, ce n’est pas que leurs différents
auteurs doivent être catégorisés en fonction de leur soutien plus ou moins
affirmé à la cause doloise, – d’autant que la doctrine du métropolitanat breton
a connu des variations significatives au long de la période où cette question a
été agitée[18], –
c’est leur différence de point de vue quant aux relations de Dol avec la Britannia continentale : inexistantes
ou du moins distantes dans les textes contemporains des débuts de la
revendication métropolitaine, ces relations sont en revanche clairement
affirmées dans les ouvrages composés aux XIe-XIIe siècles,
qui montrent les prélats dolois exerçant leur autorité sur leurs suffragants, au
moment même où celle-ci devient de plus en plus contestée et de moins en moins
effective ; et, quel que soit le traitement dont cette situation fait l’objet, –
critique dans la vita de Patern [BHL
6480], s’agissant de l’évêché de Vannes, ainsi que dans celle de Suliau [BHL
vacat], s’agissant de l’évêché d’Alet ; ou positif dans la vita
« clermontoise » de Turiau [BHL 8342d] et dans celle de Méen [BHL
5944], s’agissant dans les deux cas du Poutrecoët, – elle tranche, comme nous
allons le voir maintenant avec l’état antérieur, incarné principalement par la seconde
vita de Samson, par les plus
anciennes pièces, composées à l’abbaye de Léhon, du riche dossier littéraire de
Magloire[19], où le
saint est présenté comme le cousin de Samson et son successeur sur le siège
archiépiscopal de Dol, et enfin par la recension brève de la vita anonyme de Malo [BHL 5117], qui
étend à ce dernier le cousinage de Samson avec Magloire (qui consanguineus felicis Machloui atque Maglorii existebat)[20].
*
S’il a peut-être moins que son prédécesseur le regard tourné
vers la mer, les îles du Cotentin et la basse vallée de la Seine et paraît s’intéresser
plus que lui à Dol, dont il défend avec vigueur les intérêts, sans doute pour
appartenir à la communauté locale, peut-être même également pour être
originaire de l’endroit, – ainsi connaît-il la tradition qui fait débarquer le
saint au portus Winniau, sur le
Guyoult, – l’auteur de la seconde vita
de Samson ne nous indique pas pour
autant que son héros ait été plus présent en Britannia continentale. Certes, le récit du conflit qui oppose
le prince légitime Judual à l’usurpateur Commor, repris à la vita ancienne du saint, occupe une place
importante dans son ouvrage ; mais pas une fois les opérations militaires afférentes
ne sont localisées : au demeurant, si une quelconque précision de cette
nature avait été apportée, elle eût avant tout concerné Judual. Par ailleurs,
il est question en termes fort vagues des biens reçus par Samson[21],
donations auxquelles on a fait parfois remonter l’origine des plus anciennes
enclaves doloises[22] ;
mais c’est à nouveau en Neustrie, dans le Bessin cette fois (per quendam pagum…, qui Begesim vocatur),
que l’hagiographe localise explicitement une fondation du saint, à savoir le
monastère de Rotmou, identifié de
manière extrêmement convaincante par Jacques Le Maho avec Saint-Samson-en-Auge[23].
En outre, Samson reçoit de Childebert la plebs
Rimou, avec les quatre îles de Guernesey, Jersey, Sercq et Brecqhou (plebem quae vocatur Rimau et quatuor insulas
marinas, id est Lesiam Angiamque, Sargiam Besargiamque, Hilbertus rex atque
imperator sancto Sansoni et suis fidelibus post se successoribusque ejus
tradidit sine fine in possessionnem aeternam) : la réalité juridique
de cette donation n’est pas assurée, en tout cas il n’y en a pas de traces ;
mais il est intéressant de noter qu’elle associe la paroisse de Rimou, dans le
pays de Rennes, aux îles du Cotentin. Là encore, l’hagiographe a sans doute été
inspiré par la lecture de son modèle, la vita
ancienne du saint, où l’on voit que Guernesey et Jersey dépendaient de Samson :
c’est sur place que ce dernier avait recruté le « commando » destiné
à soutenir la lutte de Judual contre Commor[24] ;
mais il s’avère par ailleurs que, depuis la fin du VIIIe siècle au
moins, le Cotentin avec ses îles, en particulier Jersey, était effectivement passé
sous le contrôle de Bretons, avec à leur tête à cette époque un certain Anowarith,
décoré du titre de dux, à qui « Charles
Auguste » (Charlemagne), n’avait pas dédaigné, selon l’hagiographe de
Wandrille, d’envoyer une ambassade[25].
Pour sa part, l’auteur de la vita
ancienne de Marcouf [BHL 5266][26],
attribue à son héros le mérite de l’évangélisation de Jersey, qu’il localise
explicitement in regionem Britannorum.
En tout état de cause, cette situation était acquise antérieurement à la
période où les rois de Bretagne ont étendu leur pouvoir sur le Cotentin, essentiellement durant le dernier
tiers du IXe siècle.
A cette dernière époque, l’hagiographe de Magloire met en
évidence, avec « une habileté de composition, un art de peindre le
caractère du saint, un sentiment du bien dire, quelque chose de jeune et de
vivant, qui en font le chef d'oeuvre de l'ancienne littérature bretonne »[27],
le « caractère maritime » de l’existence de son héros[28].
« Ce caractère d’apôtre des îles »[29]
est en effet la marque de l’action de Magloire : Sercq, – reçue en donation
du comte Loescon, après que ce dernier eût été miraculeusement guéri de la
lèpre, – en constitue le principal décor, où s’était déroulé l’essentiel de l’existence
érémitique du saint, où il était mort et où, en dépit des attaques de Vikings[30],
son corps avait longtemps reposé[31],
jusqu’à ce que ses reliques fussent emportées à l’abbaye de Léhon[32]
; mais son apostolat l’avait également amené dans l’île voisine de Brecqhou,
dont le seigneur local, Nivo, – le même que le personnage qui voulut par la
suite être enterré à proximité de la dépouille du saint ?[33]
– avait eu recours à lui pour obtenir la
guérison de la mutité de sa fille[34],
ainsi qu’à Jersey, où il avait vaincu un dragon[35].
Magloire s’était également déplacé jusqu’à Saint-Suliac, dans l’estuaire de la
Rance[36] ;
mais à cette dernière exception, qui, au demeurant, pourrait bien être en lien
avec les circonstances particulières de la translation des reliques de Magloire
de Serq à Léhon[37], c’est
donc vers les îles du Cotentin que s’oriente la carrière du saint dolois :
là encore, la Britannia continentale
est assez largement absente des préoccupations de l’hagiographe, alors même que
ce dernier était sans nul doute un moine de Léhon.
Enfin, l’auteur anonyme de la vita brève de Malo nous montre celui qu’il désigne comme un
« illustre évêque » se mettant à enseigner le peuple (cepit celeberrimus Machlouus antistes docere populum) jusqu’à ce que l’évêché
de la cité de Bretagne appelée Alet se trouve, par un effet de la volonté
divine, converti par lui (donec
episcopatus civitatis Britanniae que vocatur Aleta eidem divinitus extitit
conversus)[38] ;
à cette occasion, l’hagiographe signale que Samson en faisait de même dans sa
ville (sanctus vero Samson eadem sua in
urbe agebat)[39]. Rien donc
qui permette, à notre opinion, de conclure à une sorte de mainmise doloise,
appelée de ses vœux par l’écrivain par opposition à son prédécesseur Bili, partisan
quant à lui de la métropole de Tours : la formule vous a même un petit air
de « chacun chez soi et les fidèles seront bien gardés ». Ainsi, la vita brève de Malo semble plutôt montrer
qu’à l’époque de sa composition ni l’action de Nominoë, laquelle avait entrainé
en son temps l’exil de l’évêque Salocon et son remplacement par un prélat plus
dévoué aux intérêts du dux des
Bretons, ni le soutien du roi Salomon à la revendication métropolitaine
n’avaient permis une véritable intégration de Dol à la Britannia continentale ; mais cette indifférence, qui n’était
pas seulement l’expression d’une sorte de réflexe d’auto-défense de la part
d’Alet[40] et pourrait bien s’être en outre étendue
aux diocèses voisins, était largement partagée, comme nous venons de le voir,
par les thuriféraires de la cause doloise eux-mêmes, dont les intérêts bien
compris étaient plutôt tournés vers la Neustrie franque, depuis les îles du
Cotentin jusqu’à l’estuaire de la Seine.
*
Nous sommes conséquemment amené à faire le constat suivant :
le dossier hagio-historiographique dolois à haute époque semble confirmer que
le siège épiscopal fondé sur place, sans doute au moment de la normalisation
carolingienne, n’était pas originellement intégré dans la géographie épiscopale
de la Britannia continentale ;
et, malgré l’importance que lui accordèrent successivement Nominoë et Salomon,
cette intégration n’était pas encore véritablement acquise à la fin du IXe
siècle, d’autant que son processus s’accompagnait de spoliations territoriales,
principalement à l’encontre du diocèse d’Alet et sans doute également de celui
de Rennes. Par ailleurs, si l’existence à cette date d’enclaves situées en Britannia continentale ne saurait être révoquée
en doute a priori, le dossier hagio-historiographique
ne permet pas de conclure positivement à leur sujet : Guillotel semble
accorder sa confiance au « témoignage de la vita Ia affirmant que saint Samson est le fondateur de
nombreux monastères en Bretagne » ; mais il préconise également que
« certaines enclaves prolongent vraisemblablement les fondations des
successeurs de Samson, tels Leucher, Tigernomael ou Turiau, dont l’apostolat
est assez bien connu »[41].
D’autres sont peut-être plutôt contemporaines des pontificats de grands
archevêques comme Juthouen ou Junkeneus, dans la seconde moitié du Xe
siècle et la première moitié du siècle suivant ; quelques- unes en tout
cas ont été apparemment créées aussi tard que la fin du XIIe siècle[42].
En dehors de Dol et des deux fondations neustriennes de Pental et Rotmou, seule l’enclave de Rimou peut
revendiquer une antiquité attestée ; mais, située dans le pays de Rennes, comme nous l’avons
dit, sur la rive gauche du Couesnon, –non loin de la traditionnelle frontière
entre les duchés de Bretagne et Normandie, dont il faudrait à cette occasion
réexaminer les fluctuations[43]
–, elle n’appartient donc pas à la Britannia
continentale.
En bref, le dossier hagio-historiographique vient partiellement
remettre en cause la vision de la situation de
l’évêché de Dol au haut Moyen Âge telle qu’elle peut être extrapolée à partir
d’une lecture trop historicisante des autres sources à disposition : cette
remise en cause est nécessaire pour permettre une réflexion renouvelée sur les
origines diocésaines en Bretagne[44].
André-Yves Bourgès
[1] Voir l’inventaire fort commode des plus anciennes
sources en question donné par Hubert Guillotel,
« Le temps des rois VIIIe-Xe siècle »,
dans l’ouvrage cosigné avec André Chédeville, La Bretagne des saints et des rois Ve-Xe siècle,
Rennes, 1984, p. 267-273.
[2] Au premier chef, les différentes vitae de Samson évidemment, à l’exception probable de la réécriture
effectuée par Baudri, laquelle a pu être composée en Normandie, où le prélat
séjournait de préférence à Dol : Armelle Le Huërou (éd.), Baldricus Burgulianus, III. Opera prosaica,
Paris, 2013, p. xiii.
[3] Outre Samson, c’est le cas de Magloire et Turiau,
s’agissant de saints de l’époque héroïque, et de Gilduin, en tant que novus sanctus.
[4] On pense évidemment au court essai d’histoire des
origines de l’Église de Dol conservé dans les manuscrits Paris, BnF, lat.
14617, f. 127-129 et Rennes, ADIV, 1F 1003, p. 121-122. Le texte en question,
qui porte le titre De dignitate Dolensis
ecclesie dans le manuscrit parisien, a été attribué par François Duine à un
clerc de l’archevêque Even, un certain Pierre, qui aurait travaillé entre 1076
et 1080 ; mais ces précisions ne doivent pas faire illusion : l’édition
de Duine relève d’un travail spécieux de recomposition, dont cet érudit,
d’ordinaire beaucoup plus rigoureux, a tiré des conclusions qui ne sont
nullement assurées. On notera que la « trinité » Paul-Malo-Samson
mentionnée dans ce texte apparaît également dans un épisode des Miracula de Genou [BHL 3357] : dans
les deux cas, on a l’impression que les évêchés de Saint-Brieuc et Tréguier
n’existent pas encore, ce qui pourrait ramener au début du métropolitanat de Junkeneus (Ginguenée) ; en outre,
l’écrivain n’a apparemment pas eu connaissance de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, car il s’en
tient à la descente de Maxime sur le continent en 383 sans mentionner Conan
Meriadec.
[5] Comme, par exemple, dans le cas des arguments avancés
par Giraud de Cambrie en faveur du statut métropolitain de Mynyw (Saint-Davids)
au pays de Galles. A noter que Giraud était né à Manorbier, dépendance de
Caldey island où, d’après son hagiographe, Samson avait résidé au monastère de (saint)
Pyr, alias Piron, confondu avec le cornouaillais Piran : ce dernier figure sous
le nom de Piramus dans l’Historia regum Britanniae (chap. 151) de
Geoffroy de Monmouth, qui le présente comme le chapelain d’Arthur et le
successeur de Samson sur le siège archiépiscopal non pas de Mynyw, mais d’York.
Tout ceci est fascinant pour l’histoire littéraire, – d’autant que Piran faisait
l’objet d’un culte à Tintagel, attesté en 1457 –, mais ne contribue évidemment
pas à renforcer l’éventuelle historicité de ces différents personnages.
[6] En plus de ceux mentionnés supra n. 3, sont concernés
à des titres divers les saints suivants : Armel, Budoc, Ethbin, Gobrien,
Malo, Méen, Mériadec, Patern, Suliau, Téliau, Turiau, ainsi que sainte Ninnoc.
Par ailleurs, les Gesta sanctorum
Rotonensium [BHL 1945] contiennent une indication précieuse sur la
reconnaissance précoce en Bretagne de l’archiépiscopat supposé de Samson, que
l’hagiographe n’hésite pas à mettre sur un pied d’égalité avec Hilaire de
Poitiers et Martin de Tours ; tandis que la vita de Germer [BHL 3441] donne à voir que les traditions sur les
circonstances de la fondation de Pental par Samson étaient bien vivantes sur
place dans la première moitié du IXe siècle. Enfin, évoquant les
ravages des incursions vikings, la vita
de Viau [BHL 8698], qui signale à cette occasion que le corps de Samson était à
cette époque en possession des moines de Noirmoutier, offre une représentation
géographique inédite du « pays de Cornouaille avec Dol sa métropole et les
sept cités qui lui sont sujettes, fortifiées par un impressionnant rempart,
dont les noms sont Vannes, Carhaix, Quimperlé, Quimper, Alet et
Saint-Pol-de-Léon » ( patria quae
dicitur Cornugalliae cum sua metropoli nomine Dol, septemque sibi subditis
munitisque vallo mirabili civitatibus quarum haec sunt nomina Veneti, Carees,
Camperile, Camperchorentin, Diablenticum, Paulina). Il faut comprendre que
Dol et les six autres villes mentionnées forment le total de sept cités indiqué
par l’écrivain.
[7] On notera à ce sujet l’importante différence avec la
catégorie des arguments a silentio élaborés
en l’absence de toute documentation.
[8] A cet égard, l’étude de Jean Kerhervé, « Aux origines
d'un sentiment national. Les chroniqueurs bretons de la fin du Moyen Âge », Bulletin de la Société archéologique du
Finistère, t. 108 (1980), p. 165-206, conserve toute son actualité ;
voir également, du même auteur, « Entre conscience nationale et identité
régionale dans la Bretagne de la fin du Moyen Âge », Rainer Babel et Jean-Marie Moeglin, (dir.) Identité régionale et conscience nationale
en France et en Allemagne du Moyen Âge à l'époque moderne, Sigmaringen,
1997 (Beheifte der Francia, 39), p.
219-243.
[9] André-Yves Bourgès, « Propagande ducale, réforme
grégorienne et renouveau monastique : la production hagiographique en
Bretagne sous les ducs de la Maison de Cornouaille », Joëlle Quaghebeur et Sylvain Soleil (dir.), Le pouvoir et la foi au Moyen âge en
Bretagne et dans l'Europe de l'Ouest. Mélanges en mémoire du professeur Hubert
Guillotel, Rennes, 2010 (Britannia
monastica, 13-14), p. 145-166.
[11] Léon Maître et Paul de Berthou (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Croix de
Quimperlé, 2e éd., Rennes-Paris, 1902, p. 63.
[12] A.-Y. Bourgès, « Le dossier hagiographique des
origines de l’évêché de Saint-Brieuc : un silence chargé de sens », Hagio-historiographie médiévale (mai
2019) [en ligne https://www.academia.edu/39057864].
[13] Pour la justification de cette date, voir notre édition commentée de ce texte à
paraître sous le titre Le dossier littéraire de saint Goëznou et la
controverse sur la datation de la vita sancti Goeznouei.
[14] A.-Y. Bourgès, « Le contexte idéologique du
développement du culte de saint Mériadec en Bretagne au bas Moyen Âge »,
Jean-Christophe Cassard (éd.), Saint-Jean-du-Doigt
des origines à Tanguy Prigent. Actes du colloque (23-25 septembre 1999),
Brest, 2001 (Études sur la Bretagne et les pays celtiques, Kreiz 14), p.
125-136.
[15] Id., « La
cour ducale de Bretagne et la légende arthurienne au bas Moyen Âge :
Prolégomènes à une édition critique des fragments du Livre des faits d'Arthur », Bernard Merdrignac, Hervé Le Bihan
et Gildas Buron (dir.), A travers les
îles celtiques. Mélanges à la mémoire de Gwenaël Le Duc, 2008 (Britannia monastica, 12), p. 79-119.
[16] J. Quaghebeur, « Pierre Le Baud: écrire le passé pour
conjurer l'avenir? », Isabelle Durand-Le Guern (éd.), Images du Moyen Âge, Rennes, 2006, p. 33.
[17] D’où les amputations sévères dont a par exemple fait
l’objet la vita de Goëznou :
voir notre travail signalé supra n. 13.
[18] En particulier, il lui est arrivé à l’occasion de se
révéler distincte de celle de l’archiépiscopat : à plusieurs reprises, le
prélat qui siégeait à Dol a semblé vouloir renoncer à exercer une autorité sur
des suffragants ; mais il n’en réclamait pas moins d’être distingué des autres
évêques de la province par l’octroi du pallium et le titre archiépiscopal. Ces
nuances transparaissent dans les différents textes en question
[19] Vita du
saint [BHL 5139, 5140/5144], recueil de miracula
[BHL 5141] et récit de translatio de
ses reliques [BHL 5142] : ces trois textes sont sortis de la plume d’un
même écrivain qui, à l’instar de l’auteur de la seconde vita de Samson, travaillait vraisemblablement aux années 860. Voir
le dernier état de la question sous la plume de Joseph-Claude Poulin, L’hagiographie bretonne du haut Moyen Âge.
Répertoire raisonné, Ostfildern, 2009, p. 199-218.
[20] Arthur de la Borderie, « Autre vie de saint Malo
écrite au IXe siècle par un
anonyme », F. Plaine et A. de la Borderie (éd.), Vie
inédite de saint Malo, écrite au IXe siècle par Bili, publiée avec notes et
prolégomènes, par le R. P. Fr. Plaine. Autre vie de saint Malo : écrite au IXe
siècle par un anonyme, publiée
avec notes et observations, par Arthur de La Borderie, correspondant de l’Institut, Rennes, 1884, p. 147.
[21] F. Plaine (éd.), « Vita antiqua sancti Samsonis Dolenis episcopi », Analecta bollandiana, t. 6 (1887), p. 141 :
« Fama vero sancti Sansonis in tota
regione in longitudine et in latitudine percurrebat, ita ut omnes viri simul et
feminae terras et discumbitiones ei certatim conferrent, dicentes : Ora pro
nobis Pater, qui habes potestatem
sanandi in caelo et in terra ».
[22] Ibidem :
« Haec est forsan origo ecclesiarum
nuncupatarum gallice Enclaves de Dol » (note de F. Plaine).
[23] J. Le Maho, « Ermitages et monastères bretons
dans la province de Rouen au haut Moyen Âge (VIe-IXe
siècle) », J. Quaghebeur et B. Merdrignac (dir.), Bretons et Normands au Moyen Âge. Rivalités, malentendus,
convergences. Actes du colloque de Cerisy, 5-9 octobre 2005, Rennes, 2008,
p. 91-95.
[24] Pierre Flobert, La
Vie ancienne de saint Samson de Dol, Paris, 1997 (Sources d’histoire
médiévale publiées par l’Institut de recherche et d’histoire des textes), I,
59, p. 232 (texte latin), p. 233 (traduction française).
[25] AAS Julii, t. V (1727), p. 282 : Is autem abba [Geroaldus abbas Fontanellensis]
jussu Caroli Augusti quadam legatione fungebatur in insula, cui nomen est
Angia, quam Britonum gens incolit, et est adjacens pago Constantino, cui
tempore illo præfuit dux, vocabulo Anowarith.
[26] Le dossier hagiographique de Marcouf, auquel il faut
adjoindre la vita de Hélier [BHL
3797] mériterait une étude d’ensemble à nouveaux frais, accompagnée d’une
édition des textes concernés.
[27] F. Duine, Mémento
des sources hagiographiques de l'histoire de Bretagne. Première partie : les
Fondateurs et les primitifs, du Ve au Xe siècle, Rennes, 1918, p. 49. Malgré ce
jugement, ratifié depuis par François Kerlouégan, le dossier hagiographique
concerné attend toujours son éditeur définitif.
[28] L’expression est empruntée à A. de la Borderie,
« Miracles de saint Magloire et fondation du
monastère de Léhon », Mémoires de la
Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, t. 4 (1891), p. 306 (p. 82 du
t.-à-p).
[29] Ibidem, p.
358 (p. 134 du t.-à-p).
[30] Ibid., p. 236 (p. 13 du t.-à-p).
[31] Acta sanctorum
Octobris, t. 10, Bruxelles, 1861, p. 782-791.
[32] A. de la Borderie, « Miracles de saint
Magloire… », p. 238-243 (p. 15-20 du t.-à-p).
[33] Ibidem, p.
236-238 (p. 13-15 du t.-à-p) ; cette anecdote fait l’objet d’un commentaire p. 310-311
(p. 86-87 du t.-à-p.).
[34] Acta sanctorum
Octobris, t. 10, p. 790.
[35] A. de la Borderie, « Miracles de saint
Magloire… », p. 233-234 (p. 10-11
du t.-à-p).
[36] Ibidem, p. 230-232 (p. 7-9 du t.-à-p) ; cette
anecdote fait l’objet d’un commentaire p. 307-308 (p. 83-84 du t.-à-p.).
[37] H. Guillotel, « Saint-Suliac : rencontre de
l’archéologie, de la diplomatique, du droit et de l’hagiographie », Mémoires de la Société d’histoire et
d’archéologie de Bretagne, t. 6 (1998), p. 8-9.
[38] A. de la Borderie, « Autre vie de saint
Malo… », p. 146-147.
[39] Ibidem, p.
147.
[40] A.-Y. Bourgès, « Origines de la rivalité entre
Dol et Alet », Variétés historiques
(juillet 2017) [en ligne http://www.academia.edu/34073187].
[41] H. Guillotel, « Les origines du ressort de
l’évêché de Dol », Mémoires de la
Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. 54 (1977), p. 53.
[42] A.-Y. Bourgès, « Les enclaves de Dol et les
possessions de Saint-Jacut », Hagio-historiographie
médiévale (février 2006) [en ligne http://www.academia.edu/6581079].
[43] On sait que cette frontière a été fixée au début du XIe
siècle seulement et qu’elle a permis, au bénéfice de l’évêché d’Avranches, le débornement
des limites diocésaines depuis la Sélune jusqu’au Couesnon. La situation
antérieure n’est pas connue avec certitude ; mais à haute époque, deux
actes de 765 et 767 du cartulaire de l’abbaye de Prüm nous apprennent que Flagé
(Flauiaco), dans l’actuelle commune
de Ceaux, Precey (Patriciaco), Juilley
(Iuliaco) et Poilley (*Pauiallo), au sud de la Sélune, étaient
situés in pago rodonico.
[44] A.-Y. Bourgès, « Les origines diocésaines en
Bretagne : quelques réflexions sur un chantier en cours », Variétés historiques (août 2017) [en
ligne http://www.academia.edu/34361027].
.