Parmi ses nombreux engagements, le Père Joseph Irien, Job an Irien, était un membre historique du CIRDoMoC, dont il fut longtemps le trésorier : sa disparition le 2 février dernier laisse un grand vide dans le vaste cercle de ceux qui l’ont connu et apprécié. Il nous reste durablement proche par son abondante œuvre littéraire, en français et en breton, cette dernière langue, eu égard à sa situation, ayant toujours fait l’objet d’une attention particulière de la part du P. Job, mais sans militantisme étroit, comme il a été rappelé lors de la belle et émouvante cérémonie bilingue de ses obsèques dans l’église Saint-Houardon de Landerneau.
Au sein de cette production variée, dont je ne tenterai pas de recenser les différentes facettes, de la création à la traduction, sans parler de réflexions en matière spirituelle, les travaux historico-hagiologiques occupent une place importante ; tous, à des titres divers, reflètent les convictions d’homme de foi de leur auteur : si, à cet égard, le P. Job a pu faire, ici ou là, un peu trop fi de la démarche critique qui doit être à la base du travail de l’historien, cédant parfois aux délices d’une certaine naïveté dans le récit, plusieurs de ces travaux en revanche s’élèvent très au-dessus de la monographie vulgarisatrice de qualité, dont le P. Job, avant tout soucieux de la transmission du patrimoine religieux et culturel de la Bretagne, avait fait son modèle.
Ainsi, après plusieurs articles et notes parus de 1976 à 1985 en rapport avec les fouilles archéologiques de la motte de Lesquelen (Plabennec) et de l’abbaye de Landévennec, une des premières communications académiques du P. Job, donnée lors du colloque international tenu en 1985 à la vieille abbaye cornouaillaise, a-t-elle ouvert des perspectives innovantes sur les rapports qui, au Moyen Âge, unissaient la Bretagne continentale et l’archipel britannique : le P. Job a été, à ma connaissance, l'un des premiers chercheurs à attirer l'attention sur l'étape essentielle du Xe siècle dans le processus de ressourcement culturel réciproque entre Bretons continentaux et habitants du sud-ouest de l'île de Bretagne ; ressourcement dont les très importantes conséquences dans le domaine hagiographique n'ont pas encore, me semble-t-il, fait l'objet des recherches approfondies qu'elles méritent.
(le P. Job s'entretenant avec B. Merdrignac)
Cette communication du P. Job, très stimulante donc, fut aussi pour moi l’occasion de faire la connaissance du personnage, que je devais retrouver quelques années plus tard au CIRDoMoC, en compagnie d’autres chercheurs, – des maîtres devenus des amis, des amis devenus des maîtres, – dont beaucoup ont disparu, parfois très précocement (Gwenaël Le Duc, Louis Lemoine, Jean-Christophe Cassard, Bernard Merdrignac, Bernard Tanguy, Erwan Vallerie, sans oublier les professeurs Hubert Guillotel, François Kerlouégan et Pierre Riché). Jusqu’en 2023, le P. Job a participé aux journées d’étude annuelles de cette institution et Frédéric Kurzawa, au nom de cette dernière, lui a rendu l’hommage que cette fidélité appelait. Tous ces chercheurs ont permis, parfois dans le renoncement, sinon dans la douleur, de renouveler le paradigme qui, longtemps, avait régi la recherche hagiologique bretonne : comme les ouvriers dans les vignes du Seigneur (Mt 20, 1-16), chacun à sa manière a contribué à la démarche commune et doit en être également remercié.
André-Yves Bourgès