Un colloque d’ampleur, et important, consacré à l’abbaye
Saint-Mathieu de Fine-Terre s’est tenu in
situ du 15 au 17 octobre 2019. Les organisateurs de cette rencontre, – le Centre de recherche bretonne et celtique
(Brest) et l’association des amis de l’abbaye (Plougonvelin), – ont promis que
les actes seront publiés le plus rapidement possible ; et, eu égard à l’efficacité
dont ils ont fait preuve avant et pendant ces trois jours, il n’y a pas de
raison de douter que cet engagement ne soit là encore honoré à son plus haut
niveau.
Les conférenciers, en grande majorité des archéologues et des
historiens de l’art, ont apporté les très intéressants éclairages de leur
discipline respective sur les fouilles et sur les découvertes intervenues sur
place depuis les vingt-cinq dernières années, à la suite du colloque de 1994 ;
ce dernier, dont les principaux apports ont été rappelés en introduction par
Jean-Yves Eveillard dans une synthèse tout à la fois précise et vivante, avait
vu à l’inverse ses débats plutôt dominés par la corporation des historiens et
par celle des historiens de la littérature. Les travaux concernés ont été évoqués à
plusieurs reprises par les intervenants d’aujourd’hui ; mais on comprendra
aisément que, depuis cette époque, leurs apports, qui restent encore utiles,
sinon fondamentaux, ont été prolongés par de nouvelles approches historiennes
dont il aurait été souhaitable de tenir un plus grand compte.
Certes, plusieurs médiévistes
étaient également présents au colloque de 2019 (Patrick Kernévez, Julien Bachelier,
Cyprien Henry) : au-delà des seuls aspects monastiques, ils ont fait état de
problématiques nouvelles, très stimulantes, qu’il s’agisse du « château de
raz » dont l’abbaye aurait gardé les vestiges ou du modèle urbain qui parait avoir été adopté par la communauté d'habitants voisine, ou bien encore de la manière dont il convient d’interpréter le déficit
documentaire qui affecte les archives médiévales du monastère ; mais il nous semble qu’il a manqué un nouvel état des lieux concernant les éléments hagiographiques
et littéraires relatifs aux reliques de saint Mathieu, dossier dont la connaissance a
en effet été largement renouvelée depuis le colloque de 1994, à l’occasion de débats, toujours
courtois mais parfois assez vifs, dont différentes revues (Annales de Bretagne, Bulletin de la Société archéologique du Finistère,
Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, Britannia
monastica) et plusieurs publications en ligne, ont conservé le souvenir.
Cette absence, qu’il s’agisse d’une omission ou
d’un oubli, n’aurait pas de véritable importance si elle n’était à l’origine,
nous semble-t-il, d’un biais dans la formulation de plusieurs conclusions en
matière d’archéologie et d’histoire de l’art : en effet, il convient d’avoir
bien présent à l’esprit que l’ensemble de la documentation hagiographique et
littéraire, à la suite des réévaluations dont nous avons parlé, ne permet pas d’affirmer
péremptoirement qu’une abbaye a été fondée sur le site de Saint-Mathieu avant
le milieu du XIIe siècle, datation qui, il y a un quart de siècle, avait déjà la préférence du regretté Hubert Guillotel ; constat qui, de surcroît, sort renforcé
de l’examen de la documentation de nature diplomatique, même si bien sûr on ne
peut écarter que des déperditions d’archives nous privent d’une pièce maîtresse
du débat. Au reste, point n’est besoin de préciser que cette approche de la
documentation écrite ne permet évidemment pas, à l’inverse, d’infirmer avec
certitude une fondation dans la première moitié du XIe
siècle, comme l’ont dit à plusieurs reprises lors du colloque les archéologues
et les historiens de l’art ; mais c’est alors à eux qu’il revient d’établir péremptoirement cette datation plus ancienne, grâce à leurs
compétences de spécialistes et aux techniques de plus en plus élaborées dont
ils disposent,
sans avoir recours à ce qui n’est qu’un mirage historico-légendaire dont les
témoins littéraires ont été depuis plusieurs années percés à jour.
André-Yves Bourgès