"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale." J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat...

10 mai 2009

Un témoignage sur l'existence en Cornouaille au XVIe siècle d'une tradition locale relative à Salaün et au miracle du Folgoët




Guillaume Postel (1510-1581)
Nous avons rapporté dans une précédente notule l’hypothèse qui situe au Folgoët de Landévennec le miracle marial survenu sur la tombe d’un ermite nommé Salomon, en breton Salaün : le récit de ce miracle, au demeurant banal et qui figure dans de nombreux recueils d’exempla, aurait fait l’objet d’une mise par écrit attribuée à un contemporain, Jean de Langouesnou ; celui-ci est d’ailleurs désigné comme abbé de Landévennec dans la paraphrase en français — composée vers 1580 par Pascal Robin — du texte en question, aujourd’hui perdu.
Cette hypothèse, relayée en dernier par Dom Marc Simon et l’abbé J. Irien, apparaît au demeurant assez largement fondée, comme en témoignent notamment les différentes mentions de Landévennec dans la paraphrase française ; mais ses tenants n’ont disposé jusqu’à présent d’aucun témoignage direct sur l’existence d’une tradition locale cornouaillaise relative à Salaün et au miracle survenu sur sa tombe. Or, un tel témoignage existe : il est, comme on va le voir, tout à fait explicite et par ailleurs contemporain du texte de Pascal Robin. Quant à l’auteur de ce témoignage, il s’agit de Guillaume Postel (1510-1581), « l’un des érudits les plus originaux et les plus attachants de la Renaissance » comme l’écrit J.-P. Brach et dont la vie et l’œuvre mériteraient à l’évidence d’être mieux connues.
« Particulièrement attentif aux légendes miraculeuses françaises », écrit Jean-François Maillard, « Postel ajoutait en marge celle du bienheureux Salaün » sur son exemplaire du Speculum exemplorum du chartreux néerlandais Jillis Goudsmit (Aegidius Aurifaber), qu’il devait transmettre au médecin bâlois Theodor Zwinger par l’intermédiaire de Gaspar Bauhin le 29 février 1580 ; voici les termes de cette note marginale :
ad trium historum liliorum miraculum primo in loco debet poni et haberi lilium de Folgoet in Cornouailliae episcopatu, ad sepulchrum beati Salaun, ubi cum litteris aureis scribitur Ave Maria, quia devotissimus Beatae Mariae assidue dicebat O O O O O O Maria Ave Maria semper jejunans in pane et aqua et Virgo manens juxta fontem in cava arbore agens.
La localisation in Cornouailliae episcopatu, malgré l’étrangeté de la forme employée ne laisse que peu de place au doute : le lieu de la sépulture de Salaün et du miracle du lys n’est pas situé en Léon, du moins dans l’opinion de Postel, à qui tout esprit de clocher devait en l’occurrence être étranger puisqu’il n’était point breton.

©André-Yves Bourgès 2009

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