"L’Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat, parce que l’Histoire, et au-delà les sciences humaines, est menacée par la posture utilitariste dominante dans notre société, pour laquelle seul ce qui est économiquement et immédiatement rentable est légitime : le reste n’est que gaspillage de temps et de deniers publics. Dans cette situation, l’Histoire médiévale est dans une situation paradoxale puisque s’ajoute à ce déficit général de légitimité des sciences humaines un détournement généralisé du Moyen Âge à des fins variées, jouant tantôt sur le caractère irrationnel et sauvage prêté à la période, tantôt sur la valeur particulière des « racines » médiévales. Le Moyen Âge devient ainsi un réservoir de formules qui servent à persuader nos contemporains d’agir de telle ou telle manière, mais n’ont rien à voir avec une connaissance effective de l’Histoire médiévale." J. MORSEL, L'Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat...

07 décembre 2007

Billet d'humeur


Notre époque est celle de la facilité : les publics auxquels on souhaite faire passer des messages culturels (étudiants, apprenants,...) sont désormais en situation d'exiger que l'on s'adapte à leurs besoins et ne cherchent pas nécessairement, en ce qui les concerne, à faire l'effort d'adaptation nécessaire. Or, nous considérons que le métier d'historien est exigeant et nous ne pouvons le concevoir sans une certaine déontologie, qui ne permet pas cette réduction au plus petit dénominateur commun (le "truc", la "recette", l'anecdote, voire l'anecdotule).

Ainsi, "raconter l'Histoire" aux gens sans prendre le temps et les moyens de leur expliquer que la façon même dont on raconte l'Histoire au travers des sujets retenus est lourde de conséquences sur la représentation idéologique de l'objet historique auquel on s'intéresse, c'est, pour nous, renoncer à entreprendre une véritable démarche d'historien ; et c'est la menace qui, nous semble-t-il, pèse désormais sur les études historiques bretonnes, par exemple, quand ces dernières s'attachent à des sujets comme la venue des Bretons insulaires en Armorique, le Tro Breiz, l'hagiographie, le mythe arthurien, etc.

En effet, la "marchandisation" touristique qui est associée à plusieurs de ces sujets requiert la caution des historiens mais enlève par avance à ces derniers le droit de procéder à la nécessaire mise au point historiographique qui viendrait fort à propos relativiser la pertinence des problématiques concernées. "Dites-nous qu'Arthur est vivant ! réclamaient déjà les Bretons du XIIe siècle à leurs chroniqueurs ; mais ne nous dites point pourquoi nous voulons absolument croire qu'Arthur est vivant !" : l'attente de leurs descendants du XXIe siècle ne paraît pas être très différente...


André-Yves Bourgès

1 commentaire:

B. Merdrignac a dit…

Je souscris... en livrant une anecdotule à l'appui de ce billet d'humeur. Voici quelques années, il m'a été demandé si je connaissais quelques passages de Vies de saints susceptibles de donner ses lettres de noblesse au Wisky breton, alors en promotion.
Comme je ne disposais que de la piquette de saint Guénolé, je n'ai hélas pas pu rendre le service demandé par mon correspondant!

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